10 ans de changements à la Ferme de Bellegarde (81) pour s’adapter au climat
TNC le 16/01/2025 à 12:04
Depuis 2015, la ferme de Bellegarde a complètement revu son système. Couverts, alimentation du troupeau, agroforesterie, gestion de l’eau : découvrons les leviers mis en œuvre sur cette exploitation pour la rendre rentable et résiliente face aux aléas climatiques.
En 2015, la ferme de Bellegarde appartenant au lycée agricole d’Albi-Fonlabour, dans le Tarn, c’est 70 vaches laitières de race prim’holstein, qui ne sortent pas avec une alimentation basée sur le maïs ensilage et le soja. D’un point de vue cultures, le labour y est systématique et les rotations très courtes.
« Le coût de production du lait était alors supérieur au prix de vente », explique Jean-Noël Bertrand Trouvé, professeur d’agronomie dans ce lycée lors d’un webinaire organisé par Solagro en décembre 2024.
Après un diagnostic Solagro-AgriAdapt, décision est prise de transformer l’outil de production afin de réduire les charges mais aussi d’être plus résilient face aux aléas climatiques. En effet, l’exploitation fait face de façon régulière à plusieurs types d’aléas qui font encore s’intensifier dans les années à venir : de fortes températures l’été qui créent un stress thermique sur le troupeau avec une baisse de production de 20 à 25 % ; des sécheresses récurrentes de juin à août impactant les rendements des cultures et la croissance de l’herbe ; des pluies intenses au printemps et à l’automne qui rendent parfois difficiles les semis et enfin un vent d’autan présent toute l’année qui assèche la végétation.
Les leviers d’adaptation
La race prim’holstein est gardée afin de conserver le travail génétique effectué depuis plusieurs années. D’autres actions d’adaptation sont mises en place :
- la construction d’un nouveau bâtiment d’élevage mieux ventilé ;
- le remplacement d’une partie du maïs ensilage par du sorgho, du foin et de la pâture afin de tendre vers l’autonomie alimentaire du troupeau ;
- la mise en place de méteils : 60 % de céréales (blé, avoine, triticale ou seigle) et 40 % de pois-vesce ou pois-trèfle. Ils sont semés à l’automne, récoltés en ensilage en mars pour ensuite semer une culture de printemps (maïs, soja ou tournesol) ;
- la réduction du travail du sol et l’implantation de couverts ;
- la remise en état d’un captage et la mise en place d’un bassin de rétention ;
- le développement de l’agroforesterie intraparcellaire (dans les cultures annuelles et les pâtures) et la plantation de 400 m de haies par an.
Viser l’autonomie alimentaire
Aujourd’hui, sur les 160 ha, 120 servent à l’alimentation du troupeau permettant d’atteindre une quasi-autonomie alimentaire.
« L’alimentation du troupeau se compose d’ensilage de maïs, d’ensilage de méteil, de foin (herbe, luzerne) et de céréales produites sur la ferme (orge, fèverole, etc). Seul le tourteau de colza est acheté à l’extérieur. Nous sommes sur une ration de 15 kg MS », explique le professeur d’agronomie. Le pâturage tournant dynamique a été mis en place en 2018, grâce aux 15 ha d’herbe se situant autour du bâtiment.
Hausse du taux de matière organique des sols
En plus des méteils, récoltés pour le troupeau, il a été choisi d’implanter des couverts pour réduire l’érosion et permettre une culture de maïs derrière. « Nous avons fait le choix de mettre 2,5 kg de vesce, 80 kg de féverole et 10 kg de phacélie. Ce sont des couverts détruits par un outil à dents en un ou deux passages », précise Jean-Noël Bertrand Trouvé.
« En l’espace de 6 ans, les couverts ont permis de fortement augmenter le taux de matière organique dans le sol (de 1,9 % en 2017, il est passé à 2,3 % en 2023). La réserve en eau des sols a également crû avec l’amélioration de la capacité de rétention par unité de profondeur et l’augmentation de la profondeur explorée par les racines. ». En effet, la Réserve facilement utilisable (RFU) est passée de 44 mm dans les analyses 2017 à 106 mm en 2023. Les couverts ont également permis de réduire les apports d’azote de 50 à 70 unités/ha/an.
Après tous ces changements effectués, le coût de production sur la ferme a fortement baissé en raison du changement d’alimentation du troupeau, alors que la production par vache est restée quasi stable (passant de 9 000 l/vache à 8 600). La ferme est redevenue bénéficiaire. La modification du système en place a aussi permis d’améliorer l’empreinte carbone de l’exploitation.
Irriguer les pâtures ?
La problématique des fortes chaleurs estivales reste au cœur des nouvelles réflexions. Comment conserver un niveau de production important quand les températures dépassent les 30 degrés et impactent les productions fourragères mais aussi le bien-être des animaux ?
Une réflexion est en cours avec les élèves sur l’irrigation des pâtures. Un lac collinaire de 150 000 m3 est en effet disponible sur l’exploitation. Il sert actuellement à irriguer les maïs et le soja mais 90 000 m3 sont utilisés au maximum, laissant ainsi la possibilité de le faire pour les prairies.