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« L’alimentation des abattoirs en viande devient un sujet préoccupant »


TNC le 15/10/2024 à 15:56
Jean-PaulBigardCultureViande24

A la tête du numéro un français de la viande, Jean-Paul Bigard mise sur la loi de l'offre et de la demande pour dessiner un avenir à la filière. (© TNC)

À l’occasion du congrès de Culture viande, le syndicat des entreprises des viandes, Jean-Paul Bigard a évoqué la nécessaire restructuration de la filière. Avec une baisse du cheptel allaitant de 14 % en 7 ans, les abatteurs peinent à faire tourner leurs outils à plein régime.

« L’alimentation des outils d’abattage devient un vrai sujet, particulièrement dans la filière bovine », lance Ludovic Paccard, directeur de la coopérative Sicarev à l’occasion du congrès de Culture viande, le syndicat des entreprises d’abattage et de découpe. En 7 ans, la Ferme France a perdu un million de vaches, et la baisse du cheptel pèse sur l’aval de la filière.

Les fermetures d’abattoirs ne datent pas d’hier. « La France est passée de 270 à 180 abattoirs entre 2010 et 2020 », rappelle Boris Duflot, responsable du service économie de l’Institut de l’élevage. Mais la cadence va bon train. « Actuellement, on ferme un abattoir par mois », déplore Yves Fantou, président de Culture viande. Difficile de maintenir à flot des entreprises qui, pour certaines, ne fonctionnent que trois ou quatre jours sur cinq.

Fermeture de l’abattoir Charal de Sablé-sur-Sarthe

À chaque région sa structure bancale… En juin, c’est l’abattoir de Quintin dans les Côtes-d’Armor qui fermait ses portes. Dans le Gard, c’est celui d’Alès qui menace de fermeture. Les poids lourds du secteur ne sont pas épargnés. Début octobre, Charal annonçait la restructuration de son site historique de Sablé-sur-Sarthe. La filiale du groupe Bigard devrait fermer son abattoir sarthois d’ici l’été 2025 pour rediriger les volumes vers d’autres de ses structures. « Il n’y a pas de fatalité à disparaître, mais une obligation à s’adapter », résume Jean-Paul Bigard, président du groupe éponyme.

Les difficultés rencontrées par les professionnels de la viande sont multiples. Le directeur de la Sicarev évoquait, entre autres, un « mur de charges ». Hausse du prix des gros bovins de près de 30 % en 2022, flambée du coût de l’électricité… Les transformateurs regrettent la faible répercussion des hausses de coût de production sur l’aval dans un contexte inflationniste. Les questions sociétales et normatives ne jouent pas en leur faveur « il faut quand même se rendre compte qu’on tourne à peu près à un audit par semaine actuellement dans les abattoirs », poursuit Ludovic Paccard.

Des restructurations inévitables

Alors, quelles solutions pour sortir de l’impasse ? Pour le président de la Sicarev, le jeune bovin constitue un gisement à exploiter. « Il faut capter une partie du million d’animaux qui franchissent les Alpes ou les Pyrénées chaque année. » Et pour cause, si l’autosuffisance française en viande bovine frise les 90 % en 2023, le taux d’autoapprovisionnement incluant les bovins vifs approche les 105 %. Mais la proposition ne fait pas consensus. Pour le capitaine du groupe Bigard, « attention au trompe-l’œil », avec une viande peu adaptée aux standards de consommation des ménages français.

L’adaptation des formats d’animaux produits apparaît également comme un enjeu. Restauration hors domicile, essor du haché… Jean-Paul Bigard insiste sur la nécessité de conformer la production aux attentes du marché pour permettre aux éleveurs de maintenir leurs marges. « Lorsqu’on donne nos besoins, on nous répond qu’il manque de viande et qu’il va falloir faire avec ce qu’il y a. Mais ça n’est pas comme ça qu’on construit de la valeur. »

Ça a toujours été la guerre.

D’autres voient le salut de la filière dans la loi Égalim, via la mise en place de contrats. Mais la contractualisation peine à convaincre le capitaine d’industrie. « Ça a toujours été la guerre », lance Jean-Paul Bigard, en évoquant ses relations entre l’amont et l’aval. Pour lui, la loi du marché reste la meilleure manière d’établir un prix de vente. Reste ensuite à la filière tout entière d’adapter ses outils industriels à la conjoncture. « On ne peut pas travailler comme avant avec des volumes de viande en moins. Il y a des restructurations, et il faut avoir le courage de s’y attaquer ».