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Chez Benoît Martin (55)

« À 50 ans, c’est plus facile de faire vêler des Aubracs que des Charolaises »


TNC le 17/05/2024 à 05:13
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(© TNC)

Fatigué des vêlages difficiles, Benoît Martin, éleveur meusien, a remplacé une quarantaine de ses Charolaises par des Aubracs. Aujourd’hui, les vaches blanches cohabitent avec les brunes, et l’agriculteur peut comparer les performances des deux troupeaux. Si l’Aubrac n’efface pas son attachement historique pour la Charolaise, l’éleveur ne peut que constater la facilité d’élevage de la race rustique.

Dans la Meuse, à quelque 700 km du berceau de la race, Benoît Martin s’est essayé à l’Aubrac en 2017. Il ne regrette pas. Avec une centaine de vêlages à gérer, l’agriculteur a vu dans la race rustique un moyen de se faciliter le travail au quotidien. « Une année, j’ai fait 72 vêlages sur 40 jours. Tout s’est bien passé, mais je n’ai pas fait une nuit complète pendant plus d’un mois. Ça fait réfléchir. » C’est pour cela que l’agriculteur parti en quête d’une race facile à élever pour remplacer quelques Charolaises. Pas question pour autant de laisser tomber la race blanche : « on ne balaie pas 30 ans de sélection comme ça. D’autant que j’ai trois enfants, dont une fille qui milite pour les Charolaises, et un garçon pour les Aubracs ! », sourit l’éleveur.

L’éleveur s’est d’abord tourné vers la Ready Black. Créée dans les années 80 aux États-Unis, la race est le résultat d’un croisement entre Angus, Hereford, Simmental et Gelbvich (une race Allemande). « On m’avait vanté ses facilités d’élevage, mais j’ai vite fait machine arrière », explique l’éleveur, refroidi par les modalités d’importation de la race. « Il fallait forcément faire du transfert d’embryon, alors j’ai commencé à regarder ce qui pouvait se faire avec des races françaises ».

C’est ainsi que l’Aubrac a trouvé grâce à ses yeux. En 2017, 8 génisses sont arrivées dans la Meuse, par l’intermédiaire du GIE Aubrac. « Elles devaient être parmi les premières du département », se souvient Benoît. L’agriculteur a complété son troupeau en 2018, avec 12 génisses pleines. Il compte aujourd’hui une quarantaine de vêlages en Aubrac. « Je ne me vois pas arrêter la Charolaise. C’est la race historique sur la ferme ».

Chez les Martin, Aubracs et Charolaises se côtoient dans la même stabulation. (© Terre-net Média)

Elever des Aubracs, c’est pas le même boulot que d’élever des Charolaises

Pour Benoît, la plus grosse contrainte en Charolais, c’est le vêlage. « J’ai peu de césariennes, environ 3 par an, mais il faut tirer les veaux, voir s’ils boivent bien, regarder les cordons… » Autant d’éléments qui l’ont poussé à tenter une autre race. Et si l’Aubrac est réputée pour sa facilité de naissance, l’éleveur en fait l’expérience au quotidien. « Au vêlage, on est plus spectateur qu’acteur, mais j’aime quand même être présent », poursuit Benoît, qui mise sur les Smartvel. « En une heure, elles ont vêlé. Mais comme tout va très vite, les veaux ont parfois la poche sur le museau. »

Autre avantage : les nouveau-nés sont vigoureux, et les vaches maternelles. « Le veau se lève vite pour aller téter sa mère. En six ans, je n’ai dû donner à boire qu’à deux veaux ».

Les vaches fraîchement vêlées passent généralement deux jours avec leur veau en case de vêlage. (© Terre-net Média)

Côté repro, l’Aubrac a ses particularités. Avec 98 % d’IA en Charolais, Benoît pensait poursuivre en Aubrac, mais les chaleurs discrètes auront eu raison de la pratique. « Les chaleurs sont très courtes, j’estime 2h toutes les trois semaines. Donc quand on les voit, on insémine, quand on ne voit rien, on met le taureau et il y a peu de retours. Les vaches sont très fertiles. »

De plus petites carcasses qu’en Charolais

Conduits de la même manière, les taurillons Aubracs restent plus petits que les Charolais. « Les Aubrac partent souvent trois semaines après, et font dans les 30 kg de moins ». Comptez alors 470 kg pour un Charolais de 16 mois et demi, contre 440 pour un Aubrac de 17 mois et demi. Mais le rendement carcasse n’est pas le même : « c’est du compact », précise l’éleveur. Avec les Aubrac, les 70 % de rendement sont facilement atteignables, contre 66 ou 68 % en Charolais.

Le même écart se retrouve sur les poids de réforme. « Je dépasse facilement les 500 kg en Charolais. Difficile de passer les 430 kg en Aubrac ». Mais la race rustique est également moins gourmande : « je peux monter un peu plus en chargement avec les Aubracs. Au final, le rendement en viande à l’hectare ne doit pas être dégradé de beaucoup. »

Mais faire venir des Aubracs dans la Meuse, c’est tout une aventure. « Je conseille de passer par le GIE Aubrac, parce que c’est plus facile pour la logistique », constate Benoît. « Il y a un an, j’ai eu du mal à faire remonter un taureau de Lozère. Il m’a fallu un mois pour trouver le bon transporteur. » Même constat pour les doses d’insémination. « Il faut compter deux mois entre le moment où l’on choisit les doses et la pose. Le temps de faire remonter les paillettes… »

Le cœur du berceau reste dans le Massif Central. « Nous avons la race, mais les puristes continuent de dire que les vrais Aubracs sont dans le Cantal, la Lozère et l’Aveyron. Surtout que les nôtres n’ont pas les guidons ! », plaisante Benoît.

Car la vache aux yeux maquillés bénéficie aujourd’hui d’un véritable engouement. « C’est l’une des rares races qui ne décapitalisent pas. Il y a dix ans, il n’y en avait pas dans la Meuse. Aujourd’hui, il doit y en avoir 200. » Et cela se voit sur le prix des animaux. « Aujourd’hui, difficile de trouver une génisse à moins de 2 000 € ».