« Depuis l’agrandissement, on gère deux traites sur deux sites en simultané »
TNC le 11/04/2025 à 05:48
Pour s’installer agriculteur en Territoire de Belfort, Théo Widmer a repris une ferme laitière à quelques kilomètres de l’exploitation familiale. Mais pas question pour l’éleveur de travailler seul. Plutôt que de conduire les deux structures en parallèle, la famille a fait le choix de mélanger les troupeaux.
Au Gaec Talon, tout le monde aime les vaches. Frères et sœurs, Jean-Michel et Martine n’ont pas eu de mal à transmettre la passion de l’élevage à leurs enfants. À tel point que la structure commençait à se faire étroite ! « Ma maman et mon oncle étaient sur un atelier de 70 vaches, si je voulais les rejoindre, il fallait trouver un complément », explique Théo Widmer, installé sur le Gaec depuis 2021. D’autant qu’il n’était pas le seul à se rêver agriculteur. « Mon cousin aspire à nous rejoindre et il y a encore du monde derrière », sourit l’éleveur. Bref, chez Talon, la main-d’œuvre ne manque pas.
Gérer deux sites, vu les circonstances, c’est ce qu’on a trouvé le plus pratique
Mais chacun le sait, agrandir une exploitation, ça n’est pas aussi facile qu’on le voudrait. « Il y a 5 ans, lorsqu’il y a eu une opportunité à 4 km de la ferme, nous avons sauté sur l’occasion ». De 600 000 l de lait et 140 ha, la structure est passée à 1 200 000 l et 220 ha. Seul bémol : « difficile de s’agrandir et de financer un nouveau bâtiment en même temps ». La stabulation, sur le site historique de Villars-le-Sec, était déjà saturée avec 75 places aux cornadis. Impossible d’y loger de nouvelles vaches. « Le bâtiment que nous avons racheté était fonctionnel avec une salle de traite en état, alors on s’est dit qu’on allait l’utiliser », résume Théo. C’est ainsi que la famille s’est retrouvée à traire des vaches sur deux sites de production distincts. « Vu les circonstances, c’est ce qu’on a trouvé de plus pratique ».
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Pour ce faire, ils ont fait le choix de mélanger les troupeaux. « L’objectif était de continuer à travailler ensemble », explique l’éleveur. Les vaches en début de lactation sont restées sur le site historique avec 75 places aux cornadis, alors que les vaches gestantes ont rejoint le site de Croix et ses 55 places. « Autant, gérer deux traites en simultané, ça nous semblait jouable, mais gérer la repro et les vêlages de deux troupeaux en parallèle, ça devenait compliqué ».
Deux salles de traite différentes
Après de nombreux allers-retours pour mélanger Holsteins et Montbéliardes, Théo l’admet, « la première traite a été chaotique ». Avec une salle de traite en TPA 1×10 à Villars-le-Sec, et une salle de traite en épis 2×4 à Croix, « il a fallu quelques jours pour habituer tout le troupeau ». Mais pour lui, le jeu en vaut la chandelle : « maintenant les vaches sont habituées, et mélanger les troupeaux nous permet de se remplacer ». La règle : jamais deux traites d’affilée sur le même site. Une manière de faire en sorte que tout le monde soit au courant de ce qu’il se passe sur les deux lots d’animaux.
Deux troupeaux, c’est aussi double matériel. Chaque site a son tracteur ainsi que de quoi distribuer et pailler les bovins. « Le matériel était disponible, car nous avions repris la ferme du cédant dans sa globalité ».
Un site dédié à la gestion de la repro
Si la transition en milieu de lactation inquiétait les éleveurs, aucun effet négatif n’a été constaté sur la production. « Ce sont les mêmes personnes qui s’occupent d’elles des deux côtés, la base de ration est la même… Elles n’ont pas l’air de souffrir de la transition » estime Théo. « Je n’irai pas jusqu’à dire que c’est pratique, mais cela permet de bien cibler la distribution de la VL de production ». A Villars, les vaches ont de la VL pour appréhender le pic de lactation. A Croix, les gestantes se contentent de la ration de base.
Autre avantage, les vaches en fin de gestation bénéficient d’un environnement plus calme. Dans la stabu vaches pleines : rien ne bouge, tout le monde rumine dans sa logette. « De l’autre côté, ça bouge un peu plus, il y a toujours une vache ou deux en chaleur », remarque Théo. Et pour cause, c’est le constat de gestation (par échographie) qui détermine le changement de site des animaux.
La structure reprise présentait également un fonctionnement semblable à celui du Gaec. « Nous avons 12 ha autour du site principal pour faire sortir les vaches, et 10 de l’autre côté », résume Théo. Si bien qu’au printemps, tout le monde sort. « Je les enferme dehors », sourit l’agriculteur. Si la taille du parcellaire ne permet pas le pâturage intégral, la sortie en journée permet de limiter les apports d’enrubannage à l’herbe. La part d’herbe à l’auge évolue durant l’été selon la pousse. « J’aime quand les vaches sortent », explique l’éleveur. « Je trouve cela plus simple à gérer. Pas de racleur, moins d’aliments à distribuer… Et puis nous avons de beaux paysages, la balade n’est pas déplaisante ».
Le projet à terme, c’est d’avoir une seule stabulation pour les vaches en lactation.
Les éleveurs fonctionnent ainsi depuis maintenant 3 ans et demi. « Bien sûr, à terme, le projet serait d’avoir toutes les vaches au même endroit, mais notre fonctionnement actuel me semble être un bon compromis ». D’autant que la nouvelle stabulation attendra. Dans l’immédiat, les éleveurs projettent la construction d’une nurserie pour faciliter l’élevage des veaux. « Je pense qu’on se penchera sur le projet de bâtiment après cela ».
Car le système fonctionne : compter dans les 9 500 kg de lait par vache (TP 40 et TP 33,5) pour le troupeau constitué aux trois quarts de Montbéliardes, le restant étant en Holstein. « Les deux races se frôlent en niveau de production, la noire fait peut être un petit peu plus de lait mais la Montbéliarde compense par les taux… ».
Il faut bien l’avouer, le cœur de l’éleveur penche vers la Montbéliarde. Et la race leur rend bien. En 2023, c’est une vache du Gaec, Lily, qui a obtenu le prix de Championne Jeune au Sia. « Le Concours Général Agricole, c’était une toute première pour la ferme, alors on a bien fait de s’inscrire », constate Théo. La structure collectionne également les statuettes Montbéliardes, avec 4 vaches à plus de 100 000 kg de lait, et une cinquième vache en dixième lactation à moins de 1 000 litres du seuil fatidique ! « Ça montre que même si c’est un peu atypique, notre système fonctionne ».