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Jérôme Chapon, SCEA de Lillay (Manche)

« Des contrats tripartites pour une rémunération plus juste »


TNC le 05/02/2024 à 10:01
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(© TNC)

Entre les grandes coopératives et le modèle industriel qui conduit parfois au conflit, certains producteurs veulent inventer une troisième voie, qui pose le dialogue comme base. C’est le principe des contrats tripartites négociés entre LSDH, l’APLC et les producteurs adhérents de cette dernière.

Un changement de direction radical. Jérôme Chapon et ses associés de la SCEA de Lillay ont quitté leur laiterie pour celle de Saint-Denis-de-L’Hôtel (LSDH) il y a quelques années.

C’est la politique de LSDH, de « reprendre » des producteurs, quand elle a besoin de volumes pour des marchés futurs sur du lait de consommation. Devenue professionnelle de l’embouteillage (de lait mais aussi de jus de fruit, de boissons végétales…), LSDH conditionne du lait liquide pour différents segments du marché, dont le label Bleu Blanc Coeur, la marque C’est qui l’patron, ou encore des produits issus de l’agriculture biologique. Elle collecte désormais dans 25 départements français. « Les frais de collecte sont certes plus élevés mais c’est une vraie richesse de couvrir un territoire aussi grand et nous avons quoi qu’il en soit beaucoup de problématiques en commun. Cela crée un dynamisme », souligne Jérôme Chapon. Très investi dans l’APLBC (Association des Producteurs de Lait du Bassin Centre), l’éleveur contribue aux négociations. Et les contrats finalement signés sont de nature tripartite. Ils engagent l’APLBC, LSDH et le client : Carrefour, Lidl, Auchan, etc.

« Il y a un vrai partenariat avec tous les acteurs de la filière, se réjouit Jérôme Chapon. Nous discutons des projets, de la RSE, nous négocions directement avec le client final, à savoir la grande distribution. Celui-ci peut s’identifier à un produit qui a parcouru peu de distance et, de notre côté, nous touchons plus de clients. Cela crée une vraie force ». Pour lui, « c’est aussi une fierté de travailler avec la grande distribution, qui est une courroie de transmission entre le consommateur et nous ».

Novandie rejoint l’APLBC

Depuis le 1er janvier 2024, APLBC et LSDH travaillent avec Novandie. La spécialité de cette filiale d’Andros : les produits laitiers ultra-frais (yaourts, desserts lactés, fromage blanc, etc) dont les deux tiers sont commercialisés sous des marques de distributeurs. « C’est une entreprise à taille raisonnable, qui transforme 280 millions de litres de lait par an », commente Jérôme Chapon.

« Pour ce faire, Andros voulait reprendre la main sur son amont laitier, détaille-t-il. C’est la raison pour laquelle Novandie s’est rapprochée de LSDH ». C’est ainsi que dans le courant de l’année 2023, plus de la moitié des éleveurs de l’APLN (Association des Producteurs de Lait Normands), liée à Eurial, ont rejoint l’APLBC, et produiront désormais du lait pour Novandie, à hauteur de 100 millions de litres par an.

Dans le cadre du partenariat, LSDH a exposé ses méthodes à Novandie. Celle-ci a accepté la transparence que cela implique, ainsi que les négociations avec les producteurs. « Ensemble, nous discutons avec les clients de Novandie, explique Jérôme Chapon. Nous mutualisons les MPA (Matières Premières Agricoles) qui, dans le cadre de la loi Egalim, servent à la fixation du prix de base. Nous mutualisons aussi l’amont et l’aval ; nous partageons les risques. »

La transparence avant tout

La transparence est totale. Un commissaire aux comptes vérifie tous les mois que les prix pratiqués sont conformes aux négociations. Aux yeux de Jérôme Chapon, c’est une composante fondamentale du partenariat. « Ce n’est pas le prix du lait qui fait venir les éleveurs. C’est la transparence avec les laiteries et entre les producteurs », précise-t-il. Et de fait, en quelques mois, le nombre de producteurs qui livrent leur lait à LSDH a tellement augmenté que ce sont 100 millions de litres de lait qui seront collectées en plus cette année.

« Dans la relation avec les industriels, il n’y a souvent que deux possibilités : la coopérative ou le conflit. Nous voulons proposer une troisième voie, qui est celle de la discussion et de la collaboration », conclut Jérôme Chapon.