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Accord UE-Mercosur : plus de peur que de mal pour la filière bovine ?


TNC le 06/12/2024 à 07:01
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S'il faut s'opposer à l'accord UE-Mercosur, c'est plus d'un point de vue éthique qu'économique selon Vincent Chatellier, ingénieur de recherche en économie à l'Inrae. (© Pixabay/cristiancortez)

Alors que l’accord UE-Mercosur est à deux doigts d’être signé, la colère des éleveurs français reste vive. Mais est-elle légitime ? Cet accord aura-t-il de vraies conséquences pour la filière ? Plus de peur que de mal selon l’économiste Vincent Chatellier.

À l’occasion des journées 3R (rencontres recherches ruminants), Vincent Chatellier présentait la dynamique des échanges commerciaux de l’UE-27 en produits animaux. Ce qu’il faut retenir :

– l’UE est le premier exportateur mondial de produits animaux (surtout de produits laitiers qui contribuent fortement à la dynamique des échanges, suivis de la viande porcine), avec un solde commercial de 50 milliards d’euros en progrès depuis 10 ans ;

– mais l’UE n’est qu’en 5e position côté importations, et loin derrière la Chine qui se positionne sur la première marche du podium avec 4 fois plus d’importations en valeur.

« On n’a pas un rôle très directeur dans les importations mondiales, commente l’ingénieur de recherche en économie à l’Inrae. C’est la Chine qui joue un rôle croissant. »

Des accords de libre-échange intéressants

Vincent Chatellier cite alors quelques accords commerciaux qui ont profité à l’UE : celui avec le Japon où on envoie notamment des fromages et autres produits laitiers, celui avec l’Ukraine où on échange des produits laitiers contre de la volaille, ou encore celui fortement décrié du Ceta qui « n’a finalement pas déstabilisé l’élevage en Europe malgré ce qu’on en disait ».

À noter aussi, le Brexit qui a profité à l’UE : « Notre balance commerciale a augmenté car le Royaume-Uni achète énormément chez nous, c’est même notre premier client devant la Chine et les États-Unis. »

Le Mercosur ne signe pas la mort de l’élevage français !

Alors quid de l’accord UE-Mercosur actuellement négocié ? « On n’a pas grand-chose à y gagner, d’après l’économiste, mais ça ne sera pas la mise à mort de l’élevage français pour autant. »

Des questions éthiques plutôt qu’économiques

« Il faut savoir que nous sommes déficitaires en viande bovine en Europe, rappelle Vincent Chatellier. On en importe déjà, alors qu’elle vienne d’Ukraine, de Nouvelle-Zélande ou des pays du Mercosur, ça ne change pas grand-chose. D’autant plus que les importations de viande bovine et de volaille prévues dans cet échange sont limitées au prorata de la consommation intérieure ! »

Il complète : « En ce qui concerne la France précisément, ça va représenter 150 000 t de viande en importation du Mercosur sur les 6,6 Mt consommés. » De quoi relativiser ?

Pour autant, l’expert en économie comprend les inquiétudes des éleveurs : « Ils ont raison d’un point de vue éthique : cette viande importée ne suit pas les mêmes normes que nous. Bien-être animal, produits réglementés : ce n’est pas équitable. Leurs craintes sont fondées, surtout quand on a chez nous un manque de dynamisme dans la filière. » De quoi alimenter l’ambiance morose chez les éleveurs !

Pour autant, l’économiste rappelle aussi qu’il ne faut pas oublier les importations de soja en Europe. Soja qui provient de ces mêmes pays…