À 1 250 €/1 000 l de lait, Thierry Lemarchand met du beurre dans ses épinards
TNC le 27/04/2018 à 12:09
Il y a quelques années, Thierry Lemarchand, éleveur à Pacé (35), a troqué son troupeau de Prim'holsteins contre une race moins fréquemment rencontrée : la Froment du Léon. Aujourd'hui, il transforme l'intégralité de son lait en beurre haut de gamme valorisé à 25 €/kg.
C’est à quelques kilomètres de Rennes, à Pacé (35), que Thierry Lemarchand élève une soixantaine de vaches laitières depuis son installation en 1986. Historiquement en race holstein et ration classique maïs/soja, Thierry a fait le choix de réformer son système suite à la crise du lait de 2009. Admiratif devant la Froment du Léon que possédaient ses grands-parents à l’époque, il s’était promis de s’en offrir une un jour. « Je suis tombé dedans, s’amuse l’éleveur. J’en ai acheté une puis ce sont 40 qui ont suivi ! » En 2013, il prenait la décision de revendre son troupeau de Prim’holsteins pour arriver enfin en 2015 à la bascule totale. Cependant, les Froments sont loin d’être aussi productives que leurs cousines noires. En continuant de livrer à la laiterie, Thierry perdait chaque jour un peu plus d’argent. Heureusement, cela n’a pas duré car son objectif était de se diriger vers les circuits courts. Il a alors revendu son contrat de 360 000 litres à un autre éleveur et s’est lancé dans la transformation à la ferme.
Depuis maintenant six mois, Thierry transforme la totalité de sa production en beurre dans son atelier à la ferme. Pour cela, il a investi 130 000 € dans un laboratoire et embauche une personne à temps plein. La fabrication se fait trois jours par semaine et permet une production hebdomadaire de 150 kg de beurre. Il faut 20 litres de lait pour faire un kilo de beurre. « Le beurre est un produit à faible valeur ajoutée qui prend la meilleure partie du lait, explique l’éleveur. Sur 100 litres de lait, on récupère 10 litres de crème qui servent à faire 5 kg de beurre seulement. Les 90 litres de lait écrémé ne sont pas valorisés pour le moment et ils partent malheureusement à la fosse, se désole-t-il. Cependant, lorsque j’aurai contractualisé avec la laiterie Biolait, ils pourront normalement le collecter. »
« Le beurre de la Froment est assez particulier, affirme Thierry. Le lait est très riche en matière grasse (les vaches sont à 50 g de TB) et en bêta-carotène du fait de la consommation d’herbe des vaches, ce qui confère au beurre sa couleur bouton d’or. » En tant que produit haut de gamme, le beurre est vendu dans de gros pots en grès à des restaurateurs locaux mais il part également en seaux à Paris chez un boulanger renommé. L’éleveur échappe ainsi à la crise en commercialisant son beurre à 25 €/kg soit une valorisation de 1 250 €/1 000 litres (il faut 20 litres pour faire un kilo de beurre à 25 €/kg, soit 1,25 €/litre).
Thierry affirme être « passé par une belle porte » en prenant le risque de réformer tout son système. Les Froments produisant beaucoup moins que les Holsteins, le résultat de l’exploitation est descendu en flèche durant la période de transition. « À six mois près, je mettais la clé sous la porte, affirme-t-il. Le risque était que la banque ne suive plus pour l’atelier de transformation et que tout tombe à l’eau. L’arrêt de collecte de la laiterie a été net, il a fallu que je trouve rapidement des débouchés et surtout que je me mette à transformer du jour au lendemain sans n’avoir jamais pratiqué, confie-t-il. »
En conversion vers l’agriculture biologique depuis un an, Thierry obtiendra la certification dans six mois. Le choix de la conversion non simultanée lui permet de finir ses stocks de maïs ensilage pour ensuite passer vers une alimentation 100 % herbe. « Le beurre, déjà bien coloré, deviendra encore plus orangé lorsque les vaches seront en ration totale à l’herbe », affirme l’éleveur.
Thierry prévoit de construire un nouveau bâtiment à la place du sien qui vieillit : « La Froment n’est pas une race très rustique, contrairement à ce qu’on pourrait croire, c’est pour cette raison qu’elles seront en bâtiment l’hiver avec comme ration du foin et un mélange d’épeautre et de féverole en grain pour l’énergie. » Il prévoit également de construire un séchoir en grange afin d’offrir un foin de qualité toute l’année à ses animaux. Enfin, il travaille depuis quelques temps avec l’organisation de producteurs de la race à la création d’une marque pour son beurre qu’il compte commercialiser en petites quantités dans les épiceries fines de Paris.
L’élevage en quelques chiffres :