Accéder au contenu principal

À l’ensilage « c’est l’éleveur le patron, pas l’entrepreneur ! »


TNC le 03/09/2024 à 05:10
5d4c251a0000000000000004

Pour des ensilages réussis, penser à contrôler plusieurs fois dans la journée l'éclatement des grains et la longueur des brins. (© TNC)

Réglages de l’ensileuse, confection du silo… Olivier Polleux, responsable production animale au sein de la coopérative Agora donne ses astuces pour des ensilages de maïs fourrage réussis.

« Un éleveur qui ensile 40 ha de maïs, il rentre l’équivalent de 80 000 € de fourrage en une journée. C’est deux fois plus qu’un céréalier un jour de moisson, alors mieux vaut prendre quelques petites minutes pour ajuster les réglages », lance Olivier Polleux, responsable production animale au sein de la coopérative Agora. L’occasion pour lui de distiller quelques conseils pour réaliser un ensilage de maïs fourrage de qualité.

Adapter la longueur de brins au mode de distribution

Si c’est bien souvent l’entrepreneur qui conduit l’ensileuse, l’éleveur doit intervenir au moment des réglages. À l’arrivée de la machine, il convient de regarder la longueur des brins. Et pour ce faire, le conseiller insiste, « il faut prendre en compte le mode de distribution ». Pour un maïs à 30 – 32 % de MS, viser les 14 mm pour une distribution au bol mélangeur, contre 12 mm avec un godet désileur. « Des brins courts passés au bol mélangeur, ça finit par faire de la bouillie. Même avec un taux de cellulose élevé, la vache ne ruminera pas ». À l’inverse, plus les fibres sont longues, plus l’ingestion diminue. Et l’impact peut vite être significatif : « en passant de 21 à 20 kg de MS ingérée, on perd 0,9 UF. Convertis en lait, c’est un potentiel de production de 2 l qui s’envole ». En bref, viser un rendu à l’auge entre 8 et 10 mm.

Attention toutefois à adapter la longueur de coupe en fonction du taux de matière sèche : « si l’on ensile à 37 % de MS, même avec un bol mélangeur, il faudra couper un peu plus court », ajoute Olivier. Dans la même logique, un ensilage de maïs introduit dans une ration à base d’herbe ou de luzerne pourra être haché plus fin. Les autres fourrages assurent une base pour la rumination.

Penser également à demander un affûtage régulier des couteaux pour avoir de la marchandise de qualité sur toute la journée.

Contrôler régulièrement l’éclatement des grains

Mais c’est peut-être l’éclatement des grains qui demande le plus de vigilance. Car resserrer, l’éclateur, c’est consommer un peu plus de gasoil, et surtout, aller un peu moins vite. « Et l’entrepreneur n’a pas forcément intérêt à diminuer en débit de chantier », sourit le Olivier. « J’ai déjà vu des ensileuses passer 7 km/h à 5 km/h après resserrage des éclateurs ». Mieux vaut donc le contrôler plusieurs fois dans la journée !

Les grains non éclatés se payent cher, surtout dans les premiers mois après la récolte. « Si l’on compte 10 % de grains entiers dans l’ensilage, c’est 0,8 à 1 t de grains par hectare que l’on ne valorise pas. Avec du maïs à 200 € la tonne, ça chiffre vite ».

Un tracteur au tas pour quatre rangs d’ensileuse

« On ne tasse jamais assez », assène Olivier. Et pour cause : la seule différence entre un tas d’ensilage et un tas de compost, c’est l’absence d’oxygène. Alors mieux vaut viser le tas le plus dense possible pour éviter qu’il ne se consomme. « Il faut compter 1 tracteur au tas pour 4 rangs d’ensileuse », poursuit le conseiller. En bref, si l’ensileuse compte 8, 10 voire 12 rangs, compter deux tracteurs à la ferme, voire trois.

Attention également à ne pas apporter trop de matière d’un coup : « il faut tasser des couches de 10 cm par 10 cm ; sinon on laisse forcément trop d’air ». Et surtout « ne jamais s’arrêter », rabâche Olivier. « Vu les débits de chantiers qu’on a aujourd’hui, il n’est pas possible de tasser suffisamment en faisant des pauses entre les bennes ».

Un conservateur peut également être ajouté pour stabiliser rapidement l’ensilage. « Avec conservateur, on peut limiter à 7 % de perte par fermentation. Sans, on est facilement au-dessus des 10 % ». Mais attention, le conservateur ne dispense pas de tasser !

Ne pas trop charger les silos

Le silo doit être bien tassé, mais également bien dimensionné au niveau du front d’attaque. « Pour un cheptel de 50 vaches laitières, compter au maximum 8 m de large, sur la hauteur des murs du silo ». Sans cela, l’éleveur aura des pertes sur le front d’attaque.

Mieux vaut éviter de monter trop haut sur les murs du silo. Car souvent, plus on monte, et moins on tasse. « Aujourd’hui, on voit parfois des silos qui font deux fois la hauteur des murs. C’est tout de suite beaucoup plus compliqué pour le tasseur de bien faire son travail », commente Olivier.

Sur beaucoup de structures, le matériel comme la taille du cheptel évolue, mais les tailles de silo restent les mêmes. « Ça n’est pas le premier investissement auquel on pense, pourtant il peut vite être amorti ». Ce type d’équipement peut facilement être éligible à subvention. Et la meilleure conservation du fourrage permet des économies. « Avoir des pertes de l’ordre de 15 % sur un silo, c’est perdre 6 des 40 ha que l’on a ensilés. C’est énorme », tranche Olivier Polleux.

Enfin, pour utiliser son maïs fourrage au meilleur de son potentiel, l’idéal est d’avoir du report. « Je sais que c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout avec les successions d’aléas climatiques », admet le conseiller. Mais l’ensilage gagne en digestibilité après 90 jours de fermentation. « On le voit clairement sur le terrain. Les vaches ont un peu de mal à monter en lait avec de l’ensilage frais, et gagnent deux à trois litres à l’hiver, lorsque le silo a bien travaillé ». Pour la récolte, comme pour l’utilisation du fourrage, la patience porte ses fruits.