Agrivoltaïsme sur prairie : le jeu en vaut-il la chandelle ?
TNC le 11/01/2024 à 05:06
Si certains voient une aubaine dans le développement de l’agrivoltaïsme, la rentabilité pour l’agriculteur est à étudier au cas par cas. Selon l’emplacement des parcelles, et les technologies utilisées, le dédommagement à l’hectare peut varier du simple au double. Compter entre 1 000 et 5 000 €/ha de dédommagement pour l’installation des panneaux. Mais attention également à bien prendre en compte les contreparties : perte des aides Pac, rédaction d’un bail emphytéotique ou encore entretien de la parcelle…
L’agrivoltaïsme, ou l’installation de panneaux solaires sur des terres agricoles, suscite beaucoup de fantasmes. Certains y voient un véritable eldorado pour les agriculteurs, quand d’autres pointent du doigt les désagréments occasionnés. Mais la pratique est-elle vraiment rentable ? Cette question a été débattue dans le cadre des rencontres Résilience for Dairy.
De prime abord, les revenus semblent alléchants. « On observe des rémunérations de l’ordre de 5 000 €/MWc » explique Julien Fradin, ingénieur agronomie au service gestion des prairies et photovoltaïque de l’Institut de l’élevage.
La rémunération dépend de la puissance en Mégawatt-crête de l’installation déployée. C’est-à-dire, de la capacité de production de la centrale en conditions optimales. Le Mégawatt-heure indique quant à lui la production effective de l’installation à la fin de l’année.
L’agriculteur donc n’est pas rémunéré directement sur la production d’électricité, mais sur le potentiel à produire de la parcelle, déterminé par l’ensoleillement, ainsi que la surface en panneaux et la technologie utilisée. Et le niveau de production des centrales oscille généralement « entre 0,3 et 0,9 MWc/ha » détaille Julien Fradin. En bref, compter dans les 2 500 €/ha si l’on a besoin de 2 ha pour installer une centrale de 1 MWc.
Reste ensuite à voir si l’exploitant et le propriétaire sont une seule et même personne. « Si ce n’est pas le cas, les deux acteurs doivent se partager la somme, et la tendance est à considérer qu’il faille couper la poire en deux ». Dans le cas précédent, 1 250 € seraient revenus à chacun des deux acteurs.
Entretenir le parc photovoltaïque
Car « la rémunération est plus un dédommagement pour l’utilisation des terres, qu’un revenu indexé sur la production d’électricité », insiste Julien Fradin. Contrairement aux installations photovoltaïques sur bâtiment, l’agriculteur n’investit pas directement dans la centrale électrique.
Le dédommagement prend en compte l’entretien du parc, et la modification de l’environnement entraînée par l’installation. Clôture, allées, locaux techniques et conduites souterraines… Force est de constater que l’aspect des pâtures est quelque peu modifié. « On est sur un nouvel environnement de travail. Il faut entretenir le parc, surtout en bordure pour que le Sdis puisse intervenir ou encore assurer un accès aux techniciens. Sur les structures basses, il faut éviter que la végétation ne passe au-dessus des panneaux ».
Tirer un trait sur les primes Pac
Il convient d’évaluer la rémunération à l’hectare à la lumière des pertes générées par le retrait des parcelles concernées de la déclaration Pac. Car les surfaces comprenant des panneaux ne sont plus éligibles aux aides de l’Europe.
Signer un bail emphytéotique
L’agrivoltaïsme suppose de mettre en place un bail emphytéotique sur la parcelle, soit un bail d’une durée allant de 18 à 99 ans. En bref, le propriétaire met son terrain à la disposition de l’emphytéose, qui se charge de l’installation et de l’entretien de la centrale. « Logiquement, c’est l’entreprise qui prend en charge la réhabilitation des terres à l’issue du bail, mais à voir ce qui est négocié au cas par cas », précise l’agronome.
« En général, les agriculteurs signent pour une quarantaine d’années. Une carrière en quelque sorte ». Si l’exploitant des terres s’en va durant la durée du bail, il doit être remplacé par un autre agriculteur. « Le type d’installation influe beaucoup sur la facilité à trouver un repreneur. Les installations basses ne peuvent en général qu’être reprises par des éleveurs avec des troupeaux d’ovins ».
« Pour certains, ce ne sont que des contraintes, mais pour d’autres, il y a du positif. » Les panneaux permettent de décaler la pousse de l’herbe, faire de l’ombre… Et surtout dégager une marge à l’hectare que certaines pâtures ne pourraient jamais atteindre autrement. « Les centrales sont actuellement surtout pour les productions ovines (95 %), car les moutons sont souvent sur des surfaces à faible potentiel, mais on observe la volonté de les développer sur d’autres ateliers, et d’autres territoires ».
Un projet à long terme
Mais l’agrivoltaïsme demeure un projet au long cours. Compter minimum 5 ans entre le début du projet et la mise en service de l’installation. Julien Fardin a détaillé les différentes étapes du projet :
- La sécurisation du foncier : compter un an entre les premiers contacts avec l’entreprise, et la signature d’une promesse de bail,
- la conception du parc : une année est nécessaire pour concevoir la centrale, réaliser les diverses études nécessaires et déposer le permis de construire,
- L’instruction du projet : compter également une année pour l’instruction du permis de construire, la réalisation de l’enquête publique et les réponses à appel d’offres,
- Le chantier et démarrage : deux à cinq ans sont nécessaires pour assurer la signature des contrats (baux emphytéotiques et convention), assurer les procédures de raccordement au réseau, démarrer le chantier et mettre l’installation en service.