Élever les veaux laitiers autrement : trois éleveurs témoignent


TNC le 08/04/2025 à 12:34
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(© FiDL - Vega Prot)

Dans une vidéo de l’Institut de recherche de l’agriculture biologique (FiBL), des éleveurs expliquent comment ils élèvent leurs veaux sur la ferme. Nourrice, élevage sous la mère… À chaque méthode ses avantages et ses inconvénients.

Dans la Loire, Amandine Cheminal mixe plusieurs méthodes pour l’élevage des veaux. Après le vêlage (groupés en automne), tous les veaux passent 24 à 48 h avec leur mère. Une manière de s’assurer d’un bon démarrage et d’une bonne prise colostrale. Ensuite, les animaux destinés à la vente sont séparés des futures génisses de renouvellement et futurs bœufs. « Les veaux qui ne vont pas rester sur la ferme sont élevés en bâtiment. On leur donne du lait de mélange. C’est une manière de valoriser un lait qui ne serait peut-être pas consommé autrement », explique l’agricultrice.

Les autres restent avec leurs mères. « Après 24 h, le couple mère/veau s’est créé. On les laisse ensemble pendant une à trois semaines selon les dates de vêlage. Ensuite, ils passent sous vaches nourrice. » Un groupe d’une petite vingtaine de vaches est ainsi réservé pour l’allaitement d’une cinquantaine de veaux. « Une vache nourrice élève entre 2,5 et 2,75 veaux. » Les mâles restent avec leurs nourrices jusqu’à 5 mois, et les femelles jusqu’à 5,5 mois.

Pour l’éleveuse, cette méthode a le gros avantage de limiter l’astreinte autour de l’élevage des veaux. « Je suis partie sur ce système pour de simples raisons de manque de main-d’œuvre. Ça prend du temps de s’occuper des veaux. Traire la vache, réchauffer le lait, le distribuer… Autant qu’il se serve en direct », estime Amandine.

L’éleveuse ne reviendrait pas en arrière. « Même si je trouvais des bras pour venir sur la ferme, je ne changerais pas parce que j’y gagne au niveau santé des veaux. Et c’est super de les voir téter, ça contribue à mon bien-être ! »

Vache nourrice ou veau sous la mère

Jean-Michel Herold, éleveur d’une trentaine de Montbéliardes dans le Rhône, a également suivi une voie alternative. Chez lui, tout le monde est élevé au pis de sa mère. Entre 6 et 7 génisses de renouvellement sont élevées avec leurs mères jusqu’à un bon quatre mois. 5 à 6 veaux mâles sont gardés au pis jusqu’à 3,5 mois pour la vente en caissette, et les autres veaux trois semaines.

Pour l’agriculteur, installé en 2019, ce système était une évidence. « Le prédécesseur élevait déjà les croisés sous la mère pour des raisons de santé, et cela marchait bien. » Un système qui permet de limiter l’astreinte, et d’avoir des veaux plus vigoureux. « On voit vraiment la différence, ça donne des veaux plus dégourdis, et en meilleure forme. »

D’autres, comme Romaric Oviste, optent pour la vache nourrice. « Avant, on élevait les génisses en méthode traditionnelle. En formation, j’ai découvert le système de veaux élevés sous la mère », explique l’éleveur de la Loire. L’agriculteur a sauté le pas en 2022, d’abord pour les génisses de renouvellement, puis pour les jeunes veaux partant à trois semaines. « On sèvre les génisses d’élevage autour de 3 mois à plus de 100 kg. »

Contrairement à Amandine, Romaric sépare les veaux de leur tante. « Les nourrices font partie du troupeau laitier, et on les trie avant la traite pour les amener aux veaux. On les emmène selon leur âge, les plus petits en premier, et les plus gros à la fin pour bien finir la mamelle » Compter en moyenne trois veaux par nourrice.

L’adoption, une période délicate

À chaque système, ses avantages. La principale difficulté de la vache nourrice est peut-être l’adoption. « Il faut parfois bloquer les vaches pour qu’elles se laissent téter… Il faut aussi que le veau ait un minimum faim pour aller vers une autre vache que sa mère », constate Amandine. Mais d’autres s’y adonnent volontiers. « Si ça ne prend pas, je ne force pas. J’ai des vaches dans le troupeau qui ne veulent être que nourrices », poursuit l’éleveuse.

L’élevage sous la mère donne également des veaux plus sauvages. « Il faut créer le lien au sevrage », avertit Jean-Michel. « On peut vite se retrouver avec des vraies biches », sourit Amandine.

Le lait aurait été bu d’une manière ou d’une autre.

Côté coût, les éleveurs sont unanimes, le jeu en vaut la chandelle. Mais pour eux, pas question d’estimer l’intérêt de la pratique en comptabilisant uniquement le lait non-vendu. « Je fais de la transfo, c’est vrai que l’élevage au pis est plus ou moins rentable selon qu’on intègre le prix du lait vendu ou le prix du lait transformé… Mais je considère que je prends sur le volume commercialisé à la laiterie » explique Jean-Michel. Du reste, l’éleveur estime qu’il faut prendre en compte la meilleure croissance des veaux. « Ce sont des animaux qu’on vend un petit peu plus cher. Même s’ils ne partent qu’à trois semaines, ils sont un petit peu plus garnis. Quand le maquignon passe, il sait que ce sont des veaux qui vont bien démarrer en engraissement ».

« Sur 115 vaches laitières, j’en ai 20 de destinées à l’abreuvement des veaux. Je pense que je passe dans les 60 000 l. C’est beaucoup », explique Amandine. « Mais si l’on compte le gain en termes de temps de travail, l’aliment acheté en moins… Ça vaut le coup. » D’autant que chez Amandine comme Romaric, la bonne croissance des veaux permet de viser le vêlage deux ans sur les génisses. « Il y a quand même beaucoup de gains annexes à prendre en compte », acquiesce Romaric.