Accéder au contenu principal

Éliminer les PFAS dans l’eau, un chantier long, complexe et coûteux


AFP le 20/02/2025 à 11:07

La décontamination des PFAS, ou « polluants éternels », présents dans l'eau, et leur destruction pour éviter qu'ils ne retournent dans l'environnement, est un chantier coûteux et de longue haleine.

Décontaminer l’eau ? Trois techniques

Il existe trois techniques, parfois combinées, pour traiter les éléments chimiques fluorés PFAS qui arrivent dans les usines d’eau potable et sont particulièrement difficiles à éliminer du fait de leur liaison carbone-fluor, une des plus solides de la chimie.

La technique la plus répandue est le charbon actif, souvent à base de noix de coco, utilisé pour d’autres familles de micropolluants. L’eau s’infiltre entre les grains de ce charbon à la surface poreuse : « ça marche relativement bien pour un certain nombre de PFAS, mais pas pour les composés à chaînes les plus courtes », comme l’acide trifluoroacétique (TFA), selon Pierre Labadie, directeur de recherche au CNRS.

Les résines échangeuses d’ions sont de petites billes à base de polymère ou de silice, « conçues pour absorber des molécules spécifiques », explique Khalil Hanna, chimiste de l’environnement, professeur à l’École nationale supérieure de chimie de Rennes. Cette technique n’est cependant pas homologuée en France.

Enfin, la technique de filtration membranaire d’osmose inverse basse pression (OIBP) permet de retenir un plus large spectre de PFAS, dont certains dits « à chaîne courte », à l’aide de fibres polymères, avec des pores inférieurs à un nanomètre.

Des procédés coûteux et énergivores

Difficile d’évaluer le coût de la décontamination des PFAS de l’eau et des sols, mais les premières estimations avancent jusqu’à 100 milliards d’euros par an pour l’Europe, selon des travaux universitaires commandités pour une enquête de plusieurs médias coordonnée par Le Monde.

Les techniques les plus efficaces à l’heure actuelle, sont très coûteuses : le syndicat des Eaux d’Ile-de-France (Sedif), qui gère l’eau potable de 4 millions de Franciliens, a fait le choix d’équiper ses trois principales usines de système de filtration type OIBP, un chantier évalué à plus d’un milliard d’euros hors taxes.

De plus, ces techniques sont très énergivores : les usines du Sedif, lorsqu’elles seront équipées, devraient voir leur consommation énergétique grimper d’environ 45 %.

Compte tenu de la flambée potentielle des coûts du traitement de l’eau si les normes sanitaires venaient à évoluer, la régie publique Eau de Paris a récemment annoncé son intention de porter plainte contre X, afin de « faire reconnaître la responsabilité des industriels pollueurs » et de les mettre à contribution.

En outre, ces techniques ne font que retenir les PFAS : ensuite, « il faut les éliminer », parce que si on les rejette dans le milieu, « on va répercuter l’impact sur les usagers » en aval, souligne Pierre Labadie.

Et après, détruire ou stocker ?

Pour faire en sorte que ces composés chimiques ne reviennent pas polluer l’environnement, ils peuvent « partir en décharge », comme d’autres déchets dangereux, explique Karine Rougé, directrice générale eau municipale Amérique du Nord pour Veolia.

Certaines régions des États-Unis disposent également de « puits d’injection », dans lesquels certains déchets dangereux sont enfouis à plusieurs centaines de mètres sous terre. Autre solution, l’incinération, qui permet de « détruire les chaînes » d’atomes des PFAS, mais en allant « au-delà de 1 000, voire 1 200 degrés », selon Mme Rougé, ce qui est très énergivore.

D’autres pistes à l’étude

Pour ce qui est des PFAS « retenus » par la filtration membranaire, de nouvelles techniques sont à l’étude, comme l’électro-oxydation : une fois ces PFAS concentrés dans un petit volume d’eau, à l’aide d’électrodes, « en gros, on va faire passer un courant et venir du coup casser les liaisons des PFAS, on va dégrader la molécule », explique Julie Mendret, maître de conférence à l’université de Montpellier.

Méthode « enzymatique » développée par les biochimistes, « sono-chimie » créant des bulles à très haute température, « plasma-froid », ou approche dite « radiolytique » via un rayonnement ionisant, de nombreuses autres techniques sont en cours de développement.

Mais « on est au stade de la recherche », souligne Khalil Hanna, selon qui certaines de ces techniques présentent le risque, en dégradant la molécule sans l’éliminer complètement, de former « des sous-produits », tout aussi toxiques.

La « meilleure solution » pour contrer cette menace envers la santé et l’environnement, « c’est de réduire les émissions à la source », conclut Pierre Labadie.