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Au Gaec Merlot-Roussel (80)

Avec 15 Wagyu, ils font le même chiffre d’affaires qu’avec 50 Charolaises


TNC le 21/11/2023 à 09:00
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Alexis Merlot et Antoine Roussel ont mis une dizaine d'années à atteindre leur rythme de croisière. (© TNC)

En 2009, deux cousins ont ajouté un atelier naisseur engraisseur de vaches Wagyu sur leur exploitation laitière. Un calcul rentable au prix d’une aventure au long cours, et d’un sens du commerce un peu aiguisé.

Entre la Baie de Somme et la Baie d’Authie, il est d’autres attractions que les paysages marins. Les vaches Wagyu d’Alexis Merlot et Antoine Roussel attirent les curieux. Il faut dire qu’elles ont traversé la moitié du globe pour rencontrer les prairies de la Somme. Et la race qui produit le bœuf de Kobé a de quoi surprendre. Réputée pour la qualité de sa viande, on pourrait s’attendre à de belles vaches culardes à la musculature impressionnante. Que nenni. Vous aurez tout au plus une Jersiaise bien en chair. « Les gens sont souvent déçus lorsqu’ils les voient », sourit Alexis. Mais qu’importe, ce n’est pas à l’allure, mais à la viande que la race doit son renom.

Pour les deux cousins, l’aventure a commencé en 2009. « Nous avions découvert la race lors d’un voyage d’étude en Australie. Il n’y en avait pas en France. On s’est dit qu’il y avait un marché à prendre. » Ironie du sort, aucun des deux n’avait alors goûté à la célèbre viande. Mais qu’importe, la production de bœuf est un bon complément à l’atelier laitier pour la valorisation des pâtures éloignées.

Des embryons importés d’Australie

70 embryons sont arrivés d’Australie, et ont été posés sur des vaches laitières. « Nous n’avons pas eu de bons résultats à la pause. Seul un tiers a pris. » Peu certes, mais assez pour démarrer l’élevage avec une quinzaine de vaches. Les premiers bœufs sont sortis de l’exploitation en 2013, et il aura fallu près de 10 ans aux éleveurs pour atteindre leur rythme de croisière avec 25 mères allaitantes, et en tout 70 Wagyu sur la ferme. Un long parcours qui a un coût. Au total, les éleveurs ont déboursé près de 50 000 € en génétique pour importer la race en France via la transplantation embryonnaire.

18 mois d’engraissement

Car l’élevage de Wagyu est une aventure au long cours. Le bœuf, recherché par les puristes, est généralement abattu à l’âge de trois ans et demi. Compter deux années à l’herbe, et dix-huit mois d’engraissement. Et bien que petites, les bêtes ont de l’appétit. Les éleveurs distribuent dans les 8,5 kg d’aliment par jour de ration sèche durant la finition. Avec du tourteau de lin, du maïs grain et de l’orge, les bœufs ont un GMQ autour de 600 g pour une ration à 1,15 UF et 16 % de MAT. « Ce sont de très mauvaises performances au regard du système allaitant français, mais c’est ce qu’il faut pour faire du gras », résume Antoine. À noter que la race supporte bien les rations à haut niveau d’amidon, ce qui lui permet de développer ce persillé qui lui est propre. « Si on donnait cette ration à un Holstein, il ne ruminerait pas. »

Les vaches sont au pâturage tant que la portance des sols le permet. Les bœufs sont à l’herbe jusqu’à l’âge de deux ans. (© A. Merlot et A. Roussel)

Les jeunes veaux sont également fragiles. Avec un poids autour des 20 kg, et des mères plus typées viande que laitières, les deux éleveurs sont aux petits soins pour éviter la mortalité.

Une valorisation à 20 €/kg carcasse

Car au prix de la viande, chaque perte représente un manque à gagner considérable. « Un bœuf Wagyu, ça génère presque trois fois plus de chiffre d’affaires qu’un bœuf classique. » Compter dans les 7 000 à 8 000 € par animal, avec une valorisation autour des 20 €/kg de carcasse en vente directe. Les carcasses sont petites : 450 kg pour un bœuf fini, et 340 pour une vache. « Il y a des taurillons charolais de 18 mois plus lourds que nos bœufs de trois ans », lance Alexis. Sans parler du classement des carcasses qui avoisine les O + 4. « Quand ils voient passer nos bêtes à l’abattoir, ils trouvent ça très mauvais ! Mais l’on n’est pas sur les mêmes standards de viande. »

Mais ça n’est pas tout de produire, encore faut-il savoir vendre la viande. « Nous avons déjà vendu des embryons à des éleveurs qui voulaient se lancer, mais au moment de la vente, ils ne savaient plus trop quoi en faire », raconte Antoine. « Aucun marchand de bestiaux ne va s’aventurer dans ce type d’animaux », ajoute Alexis « où alors ils seront payés au prix d’une petite vache de classe O. »

Les cousins ont donc misé sur la vente directe. Un site internet permet aux clients de sélectionner le morceau qu’ils souhaitent acheter. Les prix vont de 20 €/kg, jusqu’à plus de 150 €/kg pour les morceaux les plus nobles. « Et même en steak haché, pas besoin de mettre du beurre dans la poêle », plaisante Alexis.

Le site internet permet de gérer l’équilibre carcasse, avec des amateurs dans toute la France. Une dizaine de bœufs, et 3 à 4 vaches sont ainsi écoulés chaque année.

Difficile pour eux de travailler avec des grossistes ou restaurateurs. Si les amateurs de bœuf Wagyu ne manquent pas, les acheteurs souhaitent généralement s’engager pour 4 à 5 animaux par an. Or, « avec un cycle de production de quatre ans, ça n’est pas dit que l’acheteur soit encore là lorsque l’on aura monté en production. » D’autant que les deux éleveurs tiennent à ne pas léser leurs clients fidèles. « On a mis du temps à développer notre clientèle, ça n’est pas pour aller vendre les plus beaux morceaux à un restaurateur. »