Avec « Lait de pâturage », les éleveurs créent leur marque collective
Alimentation et fourrages le 06/02/2018 à 07:25
Les éleveurs de l'Ouest créent la marque "Lait de pâturage". Tout en répondant aux attentes des consommateurs en termes de bien-être animal, ce lait permettra de mieux rémunérer les producteurs.
« D’un côté, on a des consommateurs dont les attentes évoluent, notamment vers plus de bien-être animal, de « made in France ». De l’autre, nous, producteurs, n’avons pas une juste rémunération de nos produits et de notre travail ». Marcel Denieul, producteur de lait et président de la Chambre d’agriculture d’Ille-et-Vilaine, plante le décor d’une filière laitière pas au mieux de sa forme.
« Pendant plus d’un an, un groupe de producteurs bretons (1) a réfléchi à un moyen de redonner de la valeur à notre lait et de la fierté à notre métier », explique-t-il. En parallèle, les producteurs ont aussi travaillé sur la restauration collective et les possibilités de faire valoir leurs produits dans les commandes publiques. Le pâturage est ressorti comme point commun. « Pour les consommateurs, c’est un gage de bien-être animal. Pour les appels d’offre de la restauration collective, c’est un moyen qualitatif de distinguer nos produits et pour les éleveurs c’est un moyen de maîtriser les coûts d’alimentation. Face aux laits d’importation, on ne peut pas être concurrentiel sur le coût, on doit donc se différencier par nos modes de production ».
Ce que nous voulons, c’est faire reconnaître nos pratiques par les prix. En étant précurseurs sur cette mise en avant du pâturage, les éleveurs veulent aussi prendre les devants de futures réglementations. « On sait qu’il y a une tendance de fond aux attentes en matière de naturalité et de bien-être animal, souligne Marcel Denieul. Pour la profession, c’est plus moteur de prouver nos pratiques plutôt que de subir de plein fouet une nouvelle législation ou les exigences de la distribution ». Et de citer la filière œufs, qui après une mise aux normes coûteuse, se voit refuser les œufs de poules élevées en cage par certaines enseignes. Au Royaume-Uni, pays souvent précurseur dans les démarches de bien-être, certains magasins ne mettent en rayon que des briques affichant « 180 jours de pâturage ».
Pour faire valoir les atouts du pâturage et en tirer une meilleure rémunération, les éleveurs ont créé la marque collective « lait de pâturage ». « Nous avons écrit un cahier des charges, créé une structure associative pour le gérer et déposé une marque collective pour identifier le « lait de pâturage » », retrace Marcel Denieul. Pour autant, les éleveurs n’étaient pas dans l’optique de créer leur propre filière. « Transformer et vendre, ce n’est pas notre métier. Ce que nous voulons, c’est faire reconnaître nos pratiques par les prix ». Des contrats d’utilisation seront passés avec différentes entreprises. Sodiaal et Eurial ont déjà déclaré leur intérêt. « Nous sommes ouverts à d’autres, coopératives comme privés », ne cache pas Marcel Denieul. Pour l’instant, se déroulent les premiers tests d’organisation industrielle. Pour la mise en linéaire des premières briques, l’éleveur reste prudent sur le calendrier. « Peut-être dès le printemps ».
Pour entrer dans la démarche « lait de pâturage », les entreprises devront s’engager à verser aux éleveurs une plus-value clairement identifiée. « Nous attendons d’elles qu’elles créent de la valeur qui revienne aux éleveurs ». Aux Pays-Bas, alors que l’exigence n’est que de 120 jours, le lait de pâturage est mieux payé de 15 €/1 000 litres. Pour y arriver, « charge aux entreprises de défendre la valeur du lait auprès de la grande distribution. Lors des États généraux de l’alimentation, il a beaucoup été question de la montée en gamme de l’alimentation. On y est ! Il faut que les consommateurs aient conscience que leurs actes d’achat ont des conséquences sur l’évolution de l’agriculture. S’ils veulent du lait français, avec des vaches qui sortent, ils doivent payer le juste prix ».
La démarche « lait de pâturage » est née dans l’ouest mais elle a pour ambition de s’étendre à toute la France. « Nous voulons que notre filière soit accessible au plus grand nombre, quelle que soit leur région », encourage Marcel Denieul. Prochaine étape, « partager nos pratiques avec les consommateurs pour qu’ils soient prêts à payer notre lait à son juste prix ».