Chez Alexis Jouniaux, le soir du réveillon, c’est monotraite !
TNC le 20/12/2024 à 05:18
À Noël, sur la Ferme des p'tites vaches, on fait une croix sur la traite pour ne pas manquer la bûche ! Et la pratique ne se limite pas aux fêtes : chaque semaine, les éleveurs font 13 traites. Une manière de concilier élevage laitier et qualité de vie.
Le 24 décembre, chez Alexis Jouniaux et Clara Leusière, ce sera monotraite. Une manière pour le couple de profiter tranquillement du réveillon. « Quand j’étais petit, à Noël, il n’était pas rare de voir mon père piquer du nez entre le fromage et le dessert. Je n’avais pas envie de ça après mon installation », tranche l’agriculteur, à la tête d’un troupeau de 57 Jersiaises avec sa compagne.
« J’ai souvenir d’un télescopique qui ne voulait pas démarrer un 24 décembre, et de ma mère qui a failli se faire mal avec une bombe de démarrage moteur… C’est stressant, on est pris par le temps, les imprévus, la contrainte de la traite… Ce n’est pas ma vision de l’agriculture. »
En s’installant, Alexis avait à cœur de trouver un système qui lui permette de se dégager du temps. Avec des Jersiaises bio en système herbager, le pari est réussi : « si tout va bien, le 24 à midi, le travail est fini ».
Une monotraite par semaine sur des Jersiaises à 3 000 l
Mais chez eux, la monotraite, c’est plus qu’un cadeau de Noël : ils la pratiquent environ une fois par semaine. La date est flottante « on supprime une traite selon l’activité de la ferme, s’il y a une grosse journée de foin ou un chantier qui se profile », explique Alexis. « Le soir du 31, on ne traira pas non plus. On shunte aussi la traite du soir pour nos anniversaires, ou s’il y a des événements particuliers » complète sa compagne. « Si un jour, le troupeau est exécrable et que personne n’est d’humeur, j’ai la possibilité de ne pas démarrer la salle de traite », suggère l’agriculteur.
Cette souplesse est permise par le niveau de production du troupeau. « Nous sommes sur des Jersiaises à 3 000 l, avec 60 de TB et 40 de TP, elles ont encore un peu de place dans la mamelle », plaisante Alexis. « Je n’ai pas des vaches très poussées, mais je pense qu’on peut appliquer mon système sur des Holsteins jusqu’à 6 000 ou 7 000 l. »
Concrètement, l’agriculteur passe de 10 à 9 l de lait par jour avec la monotraite. « On passe de 500 l dans le tank à 450. » Du côté des cellules, la hausse est également contenue : compter 20 points en plus lors de la traite du lendemain matin. « On anticipe tout de même un peu la monotraite au niveau du paillage, pour avoir un bâtiment bien propre. » Les vaches ont pris le pli : « la traite est moins routinière, donc elles ne réclament pas » estime Alexis.
Concilier élevage et qualité de vie
Pour le couple, les 50 litres de lait perdus en valent la peine. Sans salarié, ils voient en la monotraite une manière de pouvoir sortir du quotidien de l’élevage. « C’est important de voir autre chose, passer du temps avec les amis… Et même psychologiquement, ça fait une coupure. »
Mais plus que la monotraite, c’est toute l’exploitation qui est pensée pour permettre aux éleveurs de se dégager du temps. « J’ai toujours voulu une petite exploitation », aime à dire l’agriculteur. « Quand j’étais petit, j’adorais aller chez Roland. C’était un monsieur qui avait une petite ferme avec une étable aux fenêtres fleuries… Ça a un côté Martine à la ferme, mais ce monsieur, il avait toujours le sourire, il était toujours content. Alors je me suis dit, pourquoi pas moi ? »
Pour passer du rêve à la réalité, l’agriculteur a mené pas moins de 7 projets d’installation. Pas question de reprendre la ferme familiale, Alexis voulait une structure qui lui permette de pâturer. Mais entre les problèmes de rentabilité, de financement ou de foncier, la perle rare a tardé à pointer le bout de son nez. Après huit ans de recherche, une exploitation de Sains-du-Nord a trouvé grâce à ses yeux. « Nous avons fait les démarches en plein covid, c’était assez compliqué ! Tout était fermé, nous avons signé les prêts sur un banc en face de la baraque à frite », s’amuse l’éleveur.
Une salle de traite et une laiterie ont été installées dans le bâtiment qui abritait jusqu’alors des vaches allaitantes, et la production laitière a débuté avec des Jersiaises. « Ça n’est pas un gros élevage, mais c’est très probablement le plus gros troupeau jersiais de la région », sourit l’agriculteur.
Un système herbager simple
Le système se veut le plus simple possible. Les vaches sont à l’herbe lorsque le temps le permet, et complémentées par du foin ou de l’enrubannage. En hiver, 1 kg de farine de maïs est distribué à l’auge avant la traite. « Elles font du lait avec ce qu’on a. »
Côté rentabilité, « je tablais sur 100 000 € d’EBE sur le prévisionnel, détaille Alexis, dans les faits, je suis un peu en dessous, mais nous arrivons à vivre de la ferme ». Entre sécheresse, excès d’eau et maintenant FCO, le couple n’a pas été épargné depuis son installation en 2021, mais il regarde l’horizon avec optimisme : « notre système ne crachera jamais le lait, mais nous avons peu de charges en face et de la qualité de vie ».
Si certains reprochent à ce genre de système sa faible productivité, l’éleveur assume : « les temps ont changé. Mes grands-parents ont eu pour mission de produire au sortir de la guerre. Il fallait nourrir les hommes disait-on. Aujourd’hui, on ne nous attend plus pour avoir du lait. Je produis pour moi, pour faire vivre ma famille, et parce que j’aime ça ».