Chez D. Coquelet : un système hybride combine pâturage et vaches à 9 000 l
TNC le 06/12/2024 à 05:11
Entre le 100 % herbe et le système maïs-soja, Denis Coquelet, éleveur dans la Nord de la France, trace son chemin avec un modèle hybride. Son pari : réimplanter de l’herbe autour de la ferme pour tirer profit du pâturage, et compléter la ration avec un aliment base maïs à l’auge. Si l’herbe lui a valu de faire une croix sur quelques hectares de blé, le choix reste gagnant pour l’éleveur, chiffres à l’appui.
À quelques kilomètres de Lille, Denis Coquelet a fait le pari d’associer pâturage et ration à l’auge pour ses vaches laitières. Un choix qui dénote dans une région où l’on cherche à minimiser la surface fourragère au profit des cultures de vente. « Je suis passé pour un ovni, se souvient l’agriculteur. Mes voisins se demandaient pourquoi j’implantais des prairies alors que j’aurais pu mettre des pommes de terre. »
Le déclic : un projet de la laiterie. « Sodiaal m’a proposé de rentrer dans une filière oméga 3. Je me suis lancé avec de la graine de lin, mais je me suis vite rendu compte que ce que je gagnais d’une main, je le redonnais de l’autre ». En bref, la plus-value oméga 3 servait surtout à couvrir le coût de l’aliment. Alors l’agriculteur a commencé à se dire qu’il y avait peut-être quelque chose à faire avec l’herbe : « la seule manière de tirer un petit peu de plus-value de la filière oméga 3, c’était justement de donner de l’enrubannage d’herbe ».
80 % de la ration est pâturée au pic de pousse de l’herbe
Il a donc modifié son système. Pas de changement drastique, « je voulais conserver un certain niveau de production », mais petit à petit, l’herbe a fait sa part belle dans la ration. Fini le traditionnel combo maïs-soja. Aujourd’hui, les vaches ont 20 ha accessibles pour le pâturage.
Mais même avec les meilleures terres de France, difficile de sustenter 100 Prim’Holsteins avec 20 ha d’herbe. L’hiver, les vaches sont intégralement nourries à l’auge. Puis, au fur et à mesure de la pousse de l’herbe, l’éleveur revoit à la baisse les volumes distribués au bâtiment. « Au pic de la pousse, lorsque les vaches sortent jour et nuit, le pâturage constitue 80 % de leur ration. Cet été, je tournais autour des 60 % en pâture, et 40 % à l’auge. »
Chez Denis, l’herbe est une culture à part entière. « Nous avons le potentiel pour faire 20 t MS/ha de maïs les bonnes années. C’est sûr que ça fait du volume, mais les bons sols permettent aussi de viser de très bons rendements en herbe ! » Dans les terres du Pévèle, Denis obtient dans les 12 t MS/ha par an. Pour ce faire, il mise sur le pâturage tournant. Le parcellaire de l’agriculteur est divisé en 24 parcelles de taille identique, assurant ainsi un temps de retour de trois semaines. « J’ai en moyenne un are par vache », précise l’agriculteur. « Je sais bien que le délai de retour est faible, mais j’ai pensé mon système comme un compromis. »
4 000 € de marge brute par ha de culture fourragère
Il est vrai que le pâturage demande plus de surface que la culture du maïs. « J’accorde 7 ha de plus qu’avant à l’élevage », résume Denis. Mais aux yeux de l’éleveur, l’herbe reste rentable. Le système actuel lui permet de générer une marge brute de 4 000 €/ ha de fourrage. « Il n’y a pas beaucoup de cultures qui permettent d’avoir 4 000 € de marge brute hectare », sourit Denis.
Mieux, la marge brute globale de la structure a progressé : « le pâturage, c’est moins de matériel. La vache fauche, enrubanne et fertilise toute seule ». Sans parler des économies réalisées sur le poste concentré. « Quand je suis arrivé sur la ferme, on tournait à 2 200 kg de concentré par vache pour 10 000 l de lait. Aujourd’hui, j’ai divisé le volume de concentré par deux ».
À l’échelle du troupeau, l’économie réalisée monte à près de 100 t par an. « Selon les marchés, cela avoisine les 40 000 €. On a beau dire que les rendements en pomme de terre sont très bons dans la région, je ne vois pas quelle culture pourrait faire plus de 40 000 € de marge sur 7 ha », tranche l’agriculteur.
Le passage à l’herbe a tout de même eu un impact sur la production laitière. De 10 000 l par vache, l’exploitation est passée à 8 700 l. « J’ai perdu un peu de lait, de toute manière, c’étaient des kilos de lait que j’achetais en quelque sorte. » Les taux ont également progressé lors du passage à l’herbe.
On en demande un petit peu moins aux vaches
Si l’aspect économique est important pour Denis, l’agriculteur a également opéré cette transition par conviction. « À plus de 2 t de concentré par vache et par an, je trouvais que j’arrivais au bout du système. » L’organisation actuelle lui permet de faire sortir les vaches, pâturer et limiter le recours aux intrants tout en gardant un niveau de production honorable. « Certains me disent que je devrais pousser un peu plus dans l’herbe. Pour l’instant, je suis content du compromis que j’ai réussi à trouver ».
Et les vaches aussi semblent apprécier. Boiteries, mammites… Après trois années de pâturage, l’éleveur constate moins de problèmes de santé. « Ça n’est pas que je n’aime pas voir le vétérinaire, mais c’est surtout que je n’aime pas ses factures », plaisante Denis. Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact du changement sur la longévité des vaches, mais l’éleveur a bon espoir : « à revenu équivalent, on leur en demande un petit peu moins. »