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Bien-être des bovins

Comment identifier la douleur animale et la soigner ?


TNC le 17/05/2024 à 14:56
VEtErinairevache

Les bovins restent généralement stoïques dans la douleur, et l'extériorisent peu. (© TNC)

Dans le podcast bien-être animal de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, la vétérinaire Céline Peudpièce revient sur la gestion de la douleur des animaux d’élevage. Bien que difficile à identifier, surtout sur des bovins, sa prise en charge permet d’améliorer le confort comme les performances.

« L’homme n’accepte plus d’avoir mal. À l’époque, on pouvait se faire arracher une dent à la tenaille, le tout arrosé d’un petit peu de gnole. Aujourd’hui, ça n’est plus quelque chose d’acceptable ». Ce que Céline Peudpièce, vétérinaire, cherche à faire comprendre dans le podcast de la chambre d’agriculture des Pays de la Loire, c’est que notre rapport à la douleur a changé. Et par transposition, la prise en compte de la douleur animale également.

La douleur, c’est un réflexe de survie. Ça commence par une perception physique : par exemple une décharge électrique lorsqu’on touche un fil de clôture. Les récepteurs spécifiques de l’organisme, que l’on appelle nocicepteurs, envoient une impulsion dans les neurones en direction de la moelle épinière. Cette dernière déclenche alors un ordre réflexe. Dans notre cas : se décoller immédiatement du fil électrique avant de reprendre une autre décharge ! Mais le message nerveux n’a pas encore fini son chemin. Il doit maintenant monter au cerveau, qui décryptera la douleur. C’est lui qui fait le lien entre la clôture, et la sensation désagréable.

En plus d’être désagréable, la douleur entraîne des réactions physiques en cascade. Adrénaline, cortisol… La synthèse de neurotransmetteurs s’envole, non sans conséquences. « Le cortisol diminue la réponse immunitaire. Il entraîne une diminution du nombre de globules blancs et les centralise dans les ganglions. Il diminue l’appétit, limite l’envie de reproduction…  », détaille la vétérinaire. Si bien que la douleur n’est pas sans conséquences sur les performances zootechniques des animaux.

Comment repérer un animal qui souffre ?

Mais la douleur animale est difficile à repérer. « Plus l’animal est différent de nous, et plus on a de mal à se rendre compte de sa souffrance. En l’an 2000, on se posait même la question de savoir si les poissons en ressentent. Bien évidemment, ils la ressentent ! » Certains animaux peuvent toutefois l’extérioriser. « Le chien et le cochon peuvent crier, mais c’est souvent difficile d’analyser la proportionnalité entre la douleur et le cri ». La vache est plus stoïque dans la douleur. « Une vache qui a mal est un animal affaibli. Elle devient vulnérable pour des prédateurs, alors elle ne le montre pas ».

Quelques signes peuvent toutefois les trahir. « Regard fixe, tension des muscles faciaux, oreilles en arrière, animaux qui s’isole et qui ne mange pas ». Mais la vétérinaire l’admet, « c’est loin d’être évident ».

Comment la soulager ?

« Soulager un acte douloureux en médecine vétérinaire, c’est quelque chose qu’on fait régulièrement ». La démarche passe par trois étapes :

– La tranquillisation a pour but d’éviter la panique de l’animal, qui compliquerait l’intervention et compliquerait la douleur. « C’est le petit comprimé qu’on donne avant une opération en médecine humaine ».
– L’anesthésie peut être locale ou générale, et permet d’endormir la zone ou l’individu en entier pour éviter que les nerfs ne ressentent quoi que ce soit.
– L’antalgie, (recours aux antidouleurs) permet de gérer la douleur après l’intervention. « On effectue généralement l’injection de l’antalgique et du tranquillisant en même temps, car l’antidouleur a besoin de temps pour agir », conseille Céline.

« C’est du travail en plus », admet la vétérinaire. Mais pour elle, la démarche n’est pas sans intérêt pour l’agriculteur. « Dans le cas de castration de bovins, il s’agit d’une sécurité. La contention d’un animal tranquillisé est beaucoup plus aisée. Et surtout, cela permet d’avoir une confiance entre l’éleveur et l’animal à long terme. L’éleveur n’est plus celui qui fait mal, mais celui qui soigne ».

Et si on l’évitait ?

Dans le monde de l’élevage, l’évitement de la douleur tourne autour de la charte des trois S : « Supprimer — Substituer — Soulager », détaille Céline.

Plusieurs options s’offrent alors à l’éleveur. « La castration à vif est un bon exemple. Il est possible de la supprimer, en travaillant sur des mâles entiers, ou en travaillant sur la génétique avec des souches à la puberté retardée ». Mais d’autres options restent possibles : « si je la substitue, je peux utiliser une castration chimique, ou soulager en prenant en charge la douleur lors de l’acte ».

Même constat pour l’écornage. Il est possible de ne plus écorner, et accepter d’avoir un troupeau cornu, travailler sur les souches sans cornes, ou encore soulager la douleur à l’écornage ou l’ébourgeonnage.