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Dans la Sarthe : « l’accord UE-Mercosur va accélérer la décapitalisation »


TNC le 19/11/2024 à 14:19
LaurentRagotSarthe

Les agriculteurs sarthois se sont rassemblés devant la préfecture de la Sarthe lundi 18 novembre. au soir pour protester contre les accords de libre échange entre l'Union européenne et le Mercosur. (© L. Ragot)

Dans la Sarthe, les agriculteurs se sont mobilisés hier soir devant la préfecture pour dire non aux accords UE-Mercosur. Avec la mise en place d’un site logistique Bigard à Sablé-sur-Sarthe, les éleveurs craignent d’être aux premières loges de l’importation de viande étrangère.

Avec la transformation de l’abattoir de Sablé-sur-Sarthe en plateforme logistique pour le compte du groupe Bigard, la mobilisation contre l’accord UE-Mercosur prend une résonance particulière dans la Sarthe. Les éleveurs redoutent de voir de la viande étrangère transiter par ce qui était jusqu’alors un outil dédié à la valorisation de la production locale.

« Vu le contexte, nous avons peur que le site serve à gérer de la viande d’importation », tranche Laurent Ragot, président de la section bovine de la FDSEA de la Sarthe. « Le groupe Bigard nous garantit que ça ne sera pas le cas. Mais il y a quelques mois, il nous expliquait aussi que l’abattoir allait se maintenir… »

Pour rappel, la fermeture du site de Sablé-sur-Sarthe a été annoncée fin octobre par le numéro un de la viande bovine française. La production de l’atelier, qui valorise dans les 1 200 bovins par semaine, sera reprise par les abattoirs Bigard de Chôlet dans le Maine-et-Loire, et Cherré-Au dans le nord de la Sarthe. Le site de Sablé sera quant à lui dédié à la logistique et au stockage des viandes.

Les manifestations s’organisent

Dans ce contexte, le spectre de la ratification des accords UE-Mercosur inquiète plus que jamais les éleveurs. « Ça donne l’impression que tout est pensé pour faire venir de la viande d’ailleurs », déplore l’élu. « On entend beaucoup les industriels se plaindre de la décapitalisation, mais personne ne vient soutenir les éleveurs. »

Les mobilisations s’organisent. « Nous nous sommes réunis hier soir devant la préfecture pour manifester », poursuit le représentant de la FDSEA 72. « On était une bonne centaine, mais il y a encore beaucoup d’agriculteurs dans les champs. Ils annoncent de l’eau dans les jours à venir. Beaucoup essaient d’avancer dans leurs travaux », constate Laurent Ragot. Une benne de fumier a tout de même été déversée devant les grilles du bâtiment. « C’est presque devenu un rituel », constate-t-il. 

De son côté, l’élu se démène pour plaider la cause des éleveurs sarthois. « Hier matin, j’ai bâché des panneaux. On ne se rend pas compte, mais à 62 ans, ça n’est pas une mince affaire. Ils sont hauts. Il faut un escabeau… Et l’on n’imagine pas la misère que c’est de faire ça lorsqu’il y a du vent », sourit l’agriculteur.

Pour l’éleveur sarthois, le bâchage de panneaux est une manière pacifique et visible de signaler le mécontentement du monde agricole. (© L. Ragor)

Les mobilisations devraient se poursuivre dans le département. Le mot d’ordre : manifester sans créer de nuisances excessives. « Nous sommes en réflexion pour mener une opération péage gratuit », confie Laurent Ragot. « Mais ce qui est certain, c’est que si les accords sont signés, les mobilisations vont devenir très sévères. »

Un symbole fort qui pourrait accélérer la décapitalisation

Pour l’élu, la signature d’un tel accord serait un véritable accélérateur de décapitalisation. « La filière bovine va mal. Beaucoup d’éleveurs sont proches de la retraite. Sur le terrain, on voit bien qu’il ne faut plus grand-chose pour qu’ils lâchent les vaches. »

Un tel afflux d’abattage serait préjudiciable pour les cours. Car la décapitalisation bovine a cela de paradoxale qu’en déstockant les mères, elle crée temporairement de la marchandise disponible sur le marché. Et qui dit volume, dit traditionnellement baisse des prix. « Je pense vraiment que la portée symbolique de l’accord peut faire très mal à la filière », insiste Laurent Ragot.

D’autant que l’arrivée de viande étrangère peut déstabiliser l’équilibre matière européen. « On parle de 99 000 téc. C’est moins de 2 % de la production de l’Union, mais on ne va pas importer de la réforme laitière. Ce sont les arrières et les aloyaux qui vont arriver. » Or ces morceaux, appréciés en grillade par le consommateur français, tirent la rémunération carcasse vers le haut.

Mais pour l’éleveur, tout n’est pas perdu. « J’espère que le président de la République tiendra bon. Certains pays hésitent encore, peut-être est-il encore temps d’éviter le pire. »