Dans l’Aude, le départ d’une vétérinaire synonyme de « catastrophe »
AFP le 10/08/2019 à 10:50
De sa ferme, dans la haute vallée de l'Aude, le regard porte sur le massif des Corbières et ses pâturages brûlés par le soleil. Mais derrière ce décor majestueux, Mélanie Vandecasteele, éleveuse de bovins, s'inquiète du départ de la vétérinaire du secteur, une « vraie catastrophe ».
« Si je n’ai pas de vétérinaire, je fais comment si j’ai une urgence, une bête blessée, un vêlage difficile ? demande l’éleveuse, dont le troupeau, fort de 21 « mères », de deux génisses et d’un taureau paît avec les veaux dans les estives sur les hauteurs de Fourtou (Aude), au sud de Limoux, à quelque 700 mètres d’altitude.
Françoise Guitard, éleveuse de vaches laitières, ou Vincent Bibbeau, producteur, à Bugarach, de fromages avec le lait que lui donnent ses 55 chèvres, partagent la même anxiété quant au risque de « désertification vétérinaire », qui touche d’autres départements français : « en cas de problème, je n’ai pas l’assurance d’une intervention rapide, ou d’un conseil par téléphone », s’alarme l’éleveur caprin.
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Le 26 juillet, la vétérinaire Marie-Christine Weibel, qui réalisait 20 % de son activité en « rurale » et le reste en « canine » (animaux domestiques) a fermé définitivement son cabinet, à Couiza, plus bas dans la vallée. En cause notamment, explique-t-elle à l’AFP : une clientèle d’éleveurs qui a grossi après le décès d’un confrère vétérinaire et, simultanément, un changement de réglementation portant à deux les contrôles de prophylaxie annuels pour les troupeaux de bovins partant en estives.
« Des éleveurs éparpillés »
Cette intervention, à tarifs préalablement fixés, a engendré la multiplication des déplacements, peu indemnisés, dans un secteur de petite montagne, difficile d’accès, où les éleveurs sont éparpillés. Ajouter à cela la multiplication des gardes, non rémunérées pour elle, l’embauche d’un salarié et une trésorerie qui s’effiloche : « J’ai perdu de l’argent, j’ai financé moi-même le surplus d’activité », raconte Marie-Christine Weibel. Laquelle a finalement décidé avec son mari médecin de partir s’installer dans le Gers, au désespoir des 100 à 120 éleveurs de sa patientèle de la haute vallée.
Restent un confrère installé à Belcaire (à 40 km au sud-ouest de Couiza) et un vétérinaire de Carcassonne (40 km au nord de Couiza) qui a laissé entendre qu’il allait prendre le relai, expliquent les éleveurs. « Mais est-ce qu’il va pouvoir en récupérer 120 » ? s’interroge Mélanie Vandecasteele. « Et si jamais il est malade, qu’il ne peut pas se lever, qu’est-ce qu’on va faire ? », renchérit Vincent Bibbeau.
Un groupe d’éleveurs, explique-t-il, « a tenté de mettre la pression sur les pouvoirs publics », notamment lors d’une manifestation début juillet devant la sous-préfecture de Limoux.
« Mort du territoire »
Le tracteur de Mélanie Vandecasteele, membre de la Confédération paysanne, garde encore planté derrière le siège le calicot alertant « Sans véto, sans toubib, mort du territoire ». Mais pour elle, « les pouvoirs publics n’ont pas mesuré l’enjeu ». Or le temps presse : ses bêtes reviendront d’estive à la fin de l’été et les contrôles sanitaires seront indispensables pour vendre des bêtes, notamment à l’export. « Si je n’ai pas de « véto », c’est tout l’équilibre de l’exploitation qui est mis en péril », affirme-t-elle en regrettant le manque de soutien de la Chambre d’agriculture.
Pour l’éleveuse, le problème va empirer et devenir « une question majeure dans le département » de l’Aude. Car la population des « vétérinaires qui font de l’activité en rural ont une moyenne d’âge de plus de 60 ans », avertit-elle. La solution ? « Il faut qu’on réfléchisse collectivement », répond-elle, un peu désarmée. « Qu’on puisse se concerter, qu’il y ait des réunions entre éleveurs et les collectivités, les pouvoirs publics », afin de « réinstaller quelqu’un ».
Dans sa chèvrerie, entouré des 9 chevrettes prêtes à monter pour la première fois dans les prairies, Vincent Bibbeau avance une idée : « La création d’un groupement d’employeurs – des éleveurs – pour employer un vétérinaire et le rémunérer ». Mais « ça veut dire 35 heures, week-ends, congés…», objecte-t-il immédiatement avant de conclure : « Il faut que les politiques nous soutiennent ».
Pour Marie-Christine Weibel, il faudrait peut-être « défiscaliser les revenus issus de la pratique en milieu rural ». « Cela permettrait d’inciter les confrères qui en font peu à continuer à en faire parce que finalement ça leur coûte moins cher ».
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