Dans les Pyrénées, le changement climatique complique l’accès à l’eau des estives
TNC le 14/04/2025 à 11:42
Sur les estives des Pyrénées, les éleveurs sont contraints de trouver des solutions d'abreuvement pour leurs troupeaux s'ils veulent continuer à exploiter l'intégralité des prairies d'altitude.
En plaine comme en montagne, le changement climatique met à l’épreuve la production fourragère. Mais en estive, avec des ressources limitées, c’est tout une organisation qui doit se mettre en place pour permettre aux animaux de se nourrir, mais aussi d’avoir de l’eau en quantité.
Dans les Hautes-Pyrénées près de Tarbes, la station météo d’Ossun enregistre une augmentation de la température moyenne annuelle de 1,94°C sur la période 1959 et 2019. Si bien qu’aujourd’hui, « nous avons 34 jours estivaux de plus qu’il y a 60 ans », décrypte Blandine Genebes, chargée de mission service pastoral des Hautes-Pyrénées à l’occasion d’un Webinaire organisé par l’Institut de l’élevage. Autrement dit, les prairies d’altitude subissent désormais l’équivalent d’un mois supplémentaire sous des températures dépassant les 25°C.
Côté pluviométrie, « on observe une augmentation des précipitations de 2 mm par décennie ». Mais il ne suffit pas d’avoir de l’eau, encore faut-il la retenir. « La durée d’enneigement baisse, avec une diminution de la taille du manteau neigeux ».
Ces changements ne peuvent être sans conséquences sur les pratiques pastorales. « Les retours des éleveurs tournent essentiellement autour du manque d’eau et du manque de fourrage », résume la conseillère. Avec moins de neige, l’eau devient une problématique en montage. « Sur 12 estives étudiées, 10 ont globalement suffisament d’eau. Mais en creusant un petit peu, on se rend compte que la moitié des éleveurs ont des problèmes de répartition de la ressource sur le territoire », explique Blandine Genebes.
« Cela induit de nouvelles problématiques de gestion des troupeaux, avec des zones qui peuvent être sous ou sur-exploitées selon la proximité du point d’abreuvement ». Le manque d’eau a des répercussions en cascade. « On peut avoir une baisse de la productivité, des parcours modifiés, des variations sur les dates de montée et descente avec au final moins d’herbe disponible pour le pâturage du fait de l’absence de point d’abreuvement à proximité… »
Mais la montagne reste un château d’eau. « Il y a des solutions », insiste la conseillère. Seul bémol, elles sont un petit peu plus onéreuses que la simple exploitation des sources en surface. « La plupart des éleveurs mettent en place des captages, ou des abreuvoirs en cascade. »
Une réserve d’eau de 50 m3 pour éviter les coups de chaud
Au sein du groupement pastoral du batsurguère, entre Lourdes et Argelès-Gazost, les 26 éleveurs exploitant les quelques 1 000 ha disponibles ont mis en place une réserve d’eau. « En 2022, il y avait eu 30 vaches de perdues sur les 680 UGB présents, et un fort amaigrissement. Malgré les pluies, le débit des sources restait moindre en 2023… Et la mauvaise répartition de la ressource entraîne une sur-concentration autour des points d’eau », poursuit la conseillère.
C’est ainsi que les éleveurs du groupement travaillent depuis 2017 à l’adaptation du territoire. Une réserve de 50 m3, ainsi que la mise en place de 5 km de réseau d’eau, ont permis la création de plusieurs points d’eau. Un investissement qui a coûté pas moins de 285 000 € au groupement pastoral.
Un impluvium pour utiliser toute l’estive
Dans la vallée de Barège, les quelques 2 000 ha d’estive ont rencontré dès 2003 des problèmes d’alimentation en eau. « Le secteur des Laquettes était sous-utilisé par manque d’eau, avec des sources taries dès la mi-juillet », résume Blandine Genebes. « Les vaches se cantonnaient au bas du versan, et devaient faire des navettes pour aller chercher l’eau à 200 m en contrebas, le haut du quartier était largement sous-utilisé ».
C’est ainsi qu’est né le premier impluvium des Hautes-Pyrénées. En 2006, le terrassement a démarré, suivi de l’installation d’une géomembrane posée sur un géofeutre. Cela a permis l’installation de trois nouveaux abreuvoirs avec flotteur en contrebas et 2 km de conduite. L’impluvium contient 3 000 m² d’eau pour un coût total de 82 000 € à l’époque. « Aujourd’hui, l’impluvium permet à 500 bovins d’utiliser le secteur. »
Des écobuages de plus en plus difficiles à mettre en place
Côté production fourragère, les éleveurs jouent sur les dates de montée et descente pour coller au mieux à la pousse de l’herbe. Mais l’entretien du territoire est également contraint par le changement climatique. « Les éleveurs ont de plus en plus de mal à réaliser les écobuages ». En brûlant la végétation sèche en montagne, les organisations pastorales parviennent à entretenir les territoires et éviter l’embrousaillement. Mais avec de moins en moins de neige : difficile de contenir le feu et de mettre en œuvre les chantiers. « Il y a des endroits qui peuvent être difficiles à entretenir et finissent en friches »
D’année en année, les éleveurs s’adaptent. « On voit des secteurs rouvrir, les parcours se modifier en fonction de l’exposition des versants, mais le manque de ressources en fourrage reste une inquiétude pour l’avenir. »