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Des Vosgiennes hautes productrices à 5 800 kg de lait par vache


TNC le 07/03/2025 à 05:05
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(© TNC)

À quelques kilomètres de la ville de Munster, le Gaec des Hautes Huttes mise sur des Vosgiennes hautes productrices pour faire perdurer la race. Avec 240 000 kg de laits produits chaque année par une quarantaine de vaches, la structure permet ainsi de faire vivre quatre personnes grâce à la transformation laitière.

Bargkass, siesskass, bibeleskass… L’accent chantant de Christian Ancel magnifié par le nom des fromages locaux ne laisse pas place au doute, nous sommes bien en Alsace, sur le flanc est du massif des Vosges. Vaches de race vosgienne, léger manteau blanc sur le relief… Tout rentre dans la carte postale ! Mais pas question pour les éleveurs du Gaec des Hautes Huttes de s’y enfermer. « Même si nous sommes en zone de montagne, avec une race rustique, nous recherchons la productivité », assume Christian, agriculteur sur la structure.

Si les éleveurs n’osent pas trop le mettre en avant, ils n’en demeurent pas moins à la tête du meilleur troupeau de la race avec des vaches à 5 800 kg de lait. « En général, les Vosgiennes tournent autour de 4 000 kg », souffle Christian. « Mais comme nous sommes un peu juste en fourrage, nous préférons avoir 40 vaches à 5 800 kg que 50 à 4 500 kg », ajoute son frère, Patrick.

Le cap des 100 000 kg de lait franchi pour Ulmaire

Pour booster la production, la ferme compte quelques vaches d’exception. Parmi elles, Ulmaire. « C’est la seule Vosgienne à avoir dépassé le seuil des 100 000 kg de lait, en 15 lactations », sourit Christian. D’autres suivent sa trace. Actuellement à 9 000 kg de lait, Infusion 68 a déjà produit 64 000 kg de lait en 8 lactations. « C’est à peu près 9 000 kg de plus qu’Ulmaire au même stade », s’enthousiasme l’éleveur. Un record qui montre qu’il est possible d’avoir des Vosgiennes « hautes productrices ».

La performance de la race rustique est d’autant plus louable que la ration des Vosgiennes est plus frugale que celle des Holsteins traditionnelles. « Ici, les vaches sont intégralement nourries avec du foin et du regain, séché en grange. On les complète juste avec de la VL 22, à hauteur d’une tonne par vache et par an » précise Christian.

Infusion 68 va bientôt débuter sa neuvième lactation, avec actuellement 64 464 kg de lait au compteur ! (© Terre-net Média)

Au fil des ans, la génétique a fait son œuvre. « Lorsque nous nous sommes installés, en 1995, nous avions plutôt des vaches à 4 000 kg de lait », se remémore Patrick Ancel. « Nous prenons soin de sélectionner des taureaux améliorateurs, qui donnent du lait tout en préservant la mixité et la rusticité de la race », complète son frère. Mais des modifications sur l’alimentation du troupeau ont également contribué à augmenter la production. « En 2008, nous avons installé un séchoir en grange, et je pense que grâce à lui, nous avons gagné un petit 1 000 kg de lait par vache. Nous avons vraiment gagné en qualité de fourrage », note Patrick.

L’exploitation doit également son niveau de production à une conduite stricte. « Nous trions les animaux à l’issue de la première lactation », tranche Christian. Si la vache ne passe pas le seuil des 4 000 kg de lait, elle part à l’engraissement. Une pratique possible du fait de la mixité de la race. « À peu près 50 % des élevages de la race sont en Vosgiennes allaitantes. Il y a de la demande pour ces animaux, dont le poids vif peut monter jusqu’à 700 kg ». La structure affiche ainsi un taux de renouvellement compris entre 40 et 45 %. Car la Vosgienne est longue au démarrage ! « Les vaches vieillissent bien, Ulmaire et Infusion en témoignent ! Mais elles sont souvent longues à monter en lait ».

200 000 kg de lait transformés chaque année

Mais même « hautes productrices », 40 Vosgiennes ne peuvent suffire à faire vivre les 4 personnes qui travaillent sur la ferme. C’est la transformation à la ferme qui permet de faire perdurer ce modèle traditionnel. 200 000 kg de lait sont ainsi transformés en fromage chaque année. « Pour être considéré comme « fermier », le Munster doit être fabriqué sur la ferme », explique Christian. Il fournit ainsi chaque semaine la fromagerie d’Haxaire en blanc à Munster et blanc à Bargkass, qui ne demandent plus qu’à être affinés. Ce partenariat permet d’écouler 60 à 65 % du lait de la ferme, avec une rémunération à hauteur de 1,20 €/l de lait. Pour le reste, il mise sur la vente directe, avec une valorisation autour de 1,80 €/l.

La vente directe nous permet de tirer quatre revenus de la ferme

Christian et Patrick Ancel se sont associés en 1995. Ils ont ensuite été rejoints par Florian, et Louis (absent sur la photo). (© Terre-net Média)

La transformation et la vente occupent pleinement les deux frères ainsi que Florian, Louis et Estelle. À l’issue de chaque traite, les associés transforment 350 l de lait. « Nous préférons le faire tout de suite car cela nous évite d’avoir à refroidir, puis réchauffer le lait ». Compter un peu plus de 3 h au matin, comme au soir, pour traire les vaches, nettoyer la salle de traite et assurer la première transformation.

La Vosgienne minoritaire dans l’AOP Munster

Mais avec environ 10 000 têtes dont une partie en production allaitante, la race demeure une race à faible effectif. Si la Vosgienne est emblématique de la vallée de Munster, le lait de Vosgienne se fait rare dans l’AOP. « Il y a beaucoup d’éleveurs qui ont troqué les Vosgiennes pour des noires », constate l’éleveur. « Il y a quand même un écart de productivité entre les races, si je vendais à la laiterie, il serait difficile de maintenir des Vosgiennes avec du lait à 0,40 €/l ». Pour son fromage, l’AOP Munster accepte le lait de Vosgiennes, mais aussi de Simmentals, Montbéliardes et Holsteins. « Sur les 6 000 t de Munster produites chaque année, il y a environ 10 % de Munster fermier, et dans les 2 % de lait de Vosgiennes au sein de l’AOP ».

Pour valoriser davantage la race vosgienne, les éleveurs se sont rassemblés pour créer un fromage, le Cœur de Massif. « En zone AOP, on constate que chaque race à son fromage dédié. Nous essayons de faire la même chose avec le Cœur de Massif ». Si la production reste encore confidentielle, elle prend de l’ampleur d’années en années. « À terme, le rêve serait d’en faire une AOP ».