Du boeuf Wagyu made in Bretagne
TNC le 14/12/2018 à 06:09
Sébastien et Masami Chérel, installé en Ille-et-Vilaine, ont été les premiers à croire en la race de boeufs Wagyu. Autour de la marque Miyabi, ils ont monté une filière avec d'autres éleveurs, alliant la tradition japonaise et le savoir-faire français. Ensemble, ils commercialisent leur viande dans les meilleures tables du pays.
Avant de reprendre en 2009 l’exploitation familiale à Brielles en Ille-et-Vilaine (35), Sébastien Chérel , son BTS productions animales en poche, décide d’aller voir du pays et pose ses valises en Australie pour faire son stage 6 mois. Il travaille dans des élevages laitiers et y rencontre sa femme, Masami. Avec elle, il continue son voyage vers le Japon , son pays d’origine, et se confronte à d’autres modes de production laitière . « J’ai passé plusieurs mois dans une ferme d’un hectare et de 300 vaches, se souvient-il. Toute l’alimentation arrivait par container des États-Unis ou d’Australie ». Le futur éleveur découvre aussi la gastronomie japonaise et le fameux bœuf de Kobé , à la viande persillée si renommée.
Sébastien, Masami et leurs enfants prennent ensuite la direction de la Nouvelle-Zélande , « où contrairement au Japon, les vaches sont tout le temps dans les prairies ». Enrichis de ces huit années d’expériences à l’étranger, ils décident de revenir en France pour une vie de famille plus stable. Après le départ en retraite de son père, Sébastien s’installe le 1er mai 2009 sur l’élevage de Limousines allaitantes et l’atelier porcin naisseur-engraisseur de 120 truies. Mais dans sa tête trotte déjà l’idée d’élever des Wagyu , la race japonaise à l’origine du bœuf de Kobé et de sa viande au goût inimitable. Un projet innovant et atypique dans ce bassin laitier, intégrant par la même occasion la culture de son épouse. « Si le boeuf Wagyu était déjà consommé dans les restaurants français haut de gamme, tout était importé. Pour proposer de la viande française, il fallait bâtir une filière », retrace Sébastien Chérel qui, avec Masami, se lancent dans ce défi.
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AUCUN WAGYU VENDU VIVANT A L’EXTÉRIEUR DU JAPON
Le premier, et non des moindres, est de former le troupeau. « Le Wagyu est considéré au Japon comme un trésor national, dévoile Masami. Aucun animal n’est vendu à l’extérieur du pays ». Avant la mise en place de cette interdiction, quelques expatriés japonais avaient constitué des cheptels en Australie et aux États-Unis. Les jeunes éleveurs leur achètent leurs premiers embryons et les implantent sur des Limousines. En trois ans, ils en importeront une centaine et le troupeau se développe peu à peu. Toutes les femelles sont gardées, et les mâles castrés et engraissés.
Sébastien Chérel et Masami expliquent leur projet, en vidéo, sur dailymotion :
Utilisés au Japon pour les travaux agricoles, les Wagyu sont calmes et faciles à élever. « Des Limousins peints en noir », plaisante Sébastien Chérel qui, soucieux de respecter les traditions japonaises, est allé à plusieurs reprises avec son épouse dans le pays pour se familiariser avec leur mode d’élevage et l’adapter aux conditions bretonnes. D’ailleurs, les deux races se côtoient très bien et le producteur conserve des bêtes limousines par mesure de sécurité, « au cas où, d’autant que les femelles peuvent porter des embryons de la race japonaise ». Les Wagyu restent une grande partie de l’année dans les prairies. Pendant l’hiver, le foin représente la base de leur alimentation. Les veaux ne sont pas très gros à la naissance, autour de 25 kg, et il y a peu de problème de mise bas.
ASSURER LES DÉBOUCHÉS
Afin de dégager du temps pour cette nouvelle activité, Sébastien et Masami arrêtent le naissage porcin pour ne garder que l’engraissement. Si l’élevage de cette nouvelle race est déjà un challenge technique, l’autre était de lui trouver des débouchés. « Nous avons organisé une première dégustation au festival de la viande d’Évron, un succès ! », se souvient le couple. Pour valoriser leurs animaux, les éleveurs deviennent vendeurs et vont à la rencontre de restaurateurs et de bouchers pour faire découvrir leur production. Si les origines de Masami facilitent la prise de contacts avec les chefs japonais, tous se montrent intéressés et le carnet de commandes se remplit vite.
« Au début, on vendait pièce par pièce mais c’est rapidement devenu impossible à gérer. Maintenant, on travaille à la carcasse ou demi-carcasse. » Les bêtes sont abattues à quelques kilomètres de l’exploitation, à la SVA de Vitré (35), avec un protocole spécifique pour laisser le gras de couverture pour une parfaite maturation. Le bœuf Wagyu est destiné au marché du luxe et le kilo de carcasse départ ferme se vend entre 17 et 20 €. « Un prix calculé selon nos coûts de production et pour une juste rémunération de notre travail », précise Sébastien Chérel.
UNE FILIÈRE CRÉÉE PAR ET POUR LES ÉLEVEURS
Pour aller plus loin dans leur démarche, les producteurs ont créé la marque Miyabi, qui signifie « élégance et tradition » en japonais. « Elle illustre l’alliance entre un produit de la culture nippone et le savoir-faire français », expliquent-ils. Rapidement, une véritable filière s’est mise en place autour du bœuf Wagyu, d’une part pour répondre à la demande croissante des boucheries et restaurants et de l’autre, parce que cette race tentait d’autres éleveurs. 10 respectent actuellement le cahier des charges certifié de la marque Miyabi. Basés dans le Grand Ouest mais aussi dans l’Essonne et en Alsace, « ils sont les ambassadeurs de cette nouvelle filière », souligne Sébastien Chérel.
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Une holding chapeaute la marque et les différentes activités : une structure s’occupe de la génétique, de la vente des paillettes et du suivi des élevages ; une autre de la commercialisation de la viande Wagyu (tous les bœufs, quelle que soit l’exploitation d’où ils sont originaires, sont estampillés « Miyabi »). Cette dernière achète les carcasses aux éleveurs et les revend aux restaurateurs et bouchers. « La valeur ajoutée est redistribuée aux producteurs, souligne Sébastien. La holding n’est pas là pour s’enrichir mais pour développer notre filière. » Aujourd’hui, avec quatre élevages en production, les ventes atteignent 20 à 25 bœufs à l’année. D’ici trois ans, quand les autres auront terminé de développer leur cheptel, « nous visons 350 animaux produits par 15-20 éleveurs, ce qui correspond au marché potentiel ».