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En déclin, le cidre cherche à se réinventer


AFP le 16/01/2025 à 09:56

Concurrencé par la bière, parfois ringardisé, le cidre connaît un déclin continu. Mais les acteurs de la filière croient en des jours meilleurs grâce à une montée en gamme, à la création de nouveaux cidres ou à l'engouement pour des boissons faiblement alcoolisées.

« En 20 ans, on a perdu 38 % de volume. La période Covid a été un sacré coup de matraque puisque ça nous a fait descendre d’une marche de quasiment 15 % d’un coup », soupire Jean-Louis Benassi, directeur de l’Unicid, l’interprofession des producteurs de cidre, laquelle a publié un livre blanc pour « le renouveau de la filière ».

« Ça fait 20 ans que la consommation de cidre prend – 2 % tous les ans. On pense qu’on a touché un point bas et qu’on ne peut que remonter », espère Sébastien Ballu, président du conseil de surveillance de la branche Pommes et boissons chez Agrial et lui-même producteur de pommes en Mayenne.

Car si on regarde en arrière, les chiffres donnent le vertige : il y a un siècle, la production du « vin de pomme », bu parfois comme de l’eau dans les campagnes, représentait 1 800 millions de litres en France, chiffre tombé à 160 millions dans les années 1970.

Le plus grand verger de pommes à cidre au monde

En 2023, 82,6 millions de litres étaient commercialisés, dont 66 millions sur le marché français et 16,6 millions à l’export, principalement aux États-Unis, en Allemagne, au Benelux, en Angleterre et au Japon, selon l’Unicid, la France restant « le plus grand verger spécialisé de pommes à cidre du monde ».

Cette baisse s’explique par une consommation quotidienne de cidre de table qui s’est tarie, y compris dans les bassins historiques de Bretagne, Normandie et Pays de la Loire. Parmi les autres facteurs, « le marché de la bière, qui a explosé, est venu en face tout simplement. Et désormais quand on va le midi au resto, c’est carafe d’eau », pointe Sébastien Ballu.

Au milieu de son verger, Guillaume Juttier montre ses pommiers dénudés après la récolte qui a duré de septembre à décembre. « On va maintenant attaquer la taille des pommiers et la mise en bouteille », explique le « paysan arboriculteur » de 36 ans, installé à Bain-de-Bretagne près de Rennes.

Dans cette Bretagne, le cidre qu’il produit et qu’il vend directement compte toujours ses adeptes, notamment le vendredi, jour de la galette – car dans la tradition catholique il faut manger maigre – ou lors des pics de l’épiphanie et de la chandeleur, le 2 février.

Le cidre a comme atouts « d’être un produit effervescent peu alcoolisé », avec un taux entre 4 et 5,5 %, alors que les vins sont de plus en plus forts. Il est également moins calorique (car moins alcoolisé).

Cidre IPA

Autre tendance du moment, la chasse au sucre avec « des consommateurs qui veulent de plus en plus des produits très secs. L’an dernier on a commencé à faire un extra brut, il y a cinq ans, on ne l’aurait pas fait ! », relève-t-il au milieu de ses cuves et d’affichettes sur la « route des cidres » créée avec huit autres producteurs du coin.

D’autres cidriers tentent de briser cette image d’une boisson vieillotte et campagnarde, reléguée dans le bas des rayons de supermarché, et espère séduire une clientèle plus jeune, visant bars et cavistes, et non plus uniquement les crêperies, regardant par exemple outre-Manche.

« Quand vous allez en Angleterre, dans un pub, un bec (tireuse, NDLR) sur deux c’est un « cider » à coté de la bière », explique Sébastien Ballu.

Avec son design flashy, « la Mordue », marque du groupe Agrial, est l’exemple d’une « cider » française, qui fait partie « d’une production en pleine expansion », avec même des versions « IPA » (India Pale Ale) s’inspirant des bières amères arrivées sur le marché depuis une dizaine d’années.

Autre preuve de cette montée en gamme, il est dorénavant possible de trouver des bouteilles de cidre « de gastronomie » à plus de 10 ou même 20 euros… « Il y a 10/15 ans, dans les enquêtes menées, le cidre avait une image ringarde ou « enfantine ». Avec le travail fait sur la diversification et la modernisation, il y a désormais un changement d’image », se réjouit Jean-Louis Benassi.