En élevage : les solutions pour réduire sa facture d’eau et gagner en autonomie
TNC le 13/03/2025 à 10:52
Entre hausse du coût du mètre cube et raréfaction de la ressource, l’or bleu n’a jamais si bien porté son nom. À l’occasion d’une conférence du CER France Cantal, la Chambre d’agriculture du département a présenté un panel de solutions pour sécuriser l’accès à l’eau des fermes d’élevage.
« On dit souvent que le Massif central est le château d’eau de la France », lance Vincent Nigou, chargé de mission politiques territoriales à la Chambre d’agriculture du Cantal. Mais le problème, c’est qu’elle ne fait qu’y passer. « Nous avons dans les 1 200 mm de pluie chaque année sur le département, soit le double de la moyenne nationale. Le hic, c’est que le sous-sol ne la retient pas forcément. »
Et le changement climatique va en faire une ressource clé. « L’eau n’est pas qu’un enjeu de pluviométrie », avertit le conseiller. La hausse des températures combinée à une baisse de la pluviométrie peut entraîner de multiples désagréments : augmentation de l’évaporation, évolution de la température des eaux de surface, limitation du débit qui détériore la qualité… Sans parler du tarissement temporaire de certaines sources. « Tout cela peut créer des tensions entre usages et usagers », indique Vincent Nigou.
Tout l’enjeu est donc de s’y préparer, en limitant la dépendance des agriculteurs aux eaux de réseau. Car sans eau, pas d’élevage. « C’est l’aliment essentiel au troupeau par excellence », complète Agathe Fleyx, chargée d’étude eau et environnement pour la Chambre d’agriculture du Cantal. D’autant que l’eau a un coût. « Avec un prix autour de 1,50 € le m3, le coût annuel pour une ferme laitière de 70 vaches avoisine les 5 800 € en intégrant l’abreuvement, et l’eau nécessaire à l’entretien de la salle de traite ».
Apporter une eau de qualité
Avant toute chose, il est important de faire le bilan de son installation.
Si l’eau d’abreuvement n’est pas soumise à des normes de qualité particulières, il convient de se rapprocher des standards de consommation humaine. Avant de mettre en place des dispositifs de traitement, souvent assez coûteux, mieux vaut effectuer des analyses. « Le coût tourne autour de 60 € HT », précise la conseillère.
L’installation d’eau doit également répondre à quelques critères :
– viser une eau tempérée entre 8 et 14 °C pour éviter la prolifération des bactéries ;
– bien positionner ses abreuvoirs pour éviter que les animaux dominants mobilisent la zone, en évitant les angles. Choisir des zones planes et abritées, à proximité des blocs de sel ;
– stabiliser les abords et maintenir les berges en état en cas d’accès au ruisseau ;
– positionner les abreuvoirs à 45 cm de hauteur pour les veaux, et entre 70 et 75 cm pour les vaches afin d’éviter les souillures, et faire en sorte que les animaux ne lapent pas l’eau ;
– attention aux corps étrangers, et animaux extérieurs au troupeau pour des questions de biosécurité.
Il est également essentiel de bien dimensionner son réseau d’abreuvement au pâturage :
– prévoir un point d’eau tous les 200 m ;
– faire en sorte que 10 % des animaux puissent s’abreuver en même temps ;
– prévoir un abreuvoir permettant de fournir en 10 minutes 25 % des besoins quotidiens du troupeau ;
– compter un point d’accès pour 15 vaches, et un point d’accès pour 10 veaux.
Les solutions pour améliorer son autonomie en eau
Une fois un premier bilan dressé, des aménagements peuvent être mis en place pour faire en sorte d’être moins dépendant de l’eau du réseau.
Le captage de source
« C’est la méthode qui coûte le moins cher. Pas besoin de stockage ni de pompage, le tout avec peu de maintenance », explique Agathe Fleyx.
La mise en place de bac à niveau constant permet de ne prélever que l’eau nécessaire à l’abreuvement des animaux, et donc de maintenir l’alimentation en eau du milieu naturel. « En l’absence de flotteur, essayer de rejeter l’eau au plus proche de son chemin naturel pour ne pas modifier la zone humide. »
Des regards doivent être mis en place sur le réseau, et une borne de vidange doit permettre le nettoyage du bac.
Car la vulnérabilité aux pollutions fait partie des bémols de ce type d’abreuvement. « On travaille sur des eaux de surface », rappelle la conseillère, « il faut faire attention à la qualité, et il y a une part d’incertitude. Nous ne savons pas quelles seront les zones humides de demain avec le changement climatique ».
Le captage en eau profonde
Le forage permet de prélever de l’eau souterraine. Il permet d’avoir une ressource abondante, à débit constant.
« Les eaux profondes sont de meilleure qualité, mais il faut faire attention de les préserver », prévient Agathe Fleyx. Tout endommagement pourrait avoir des répercussions à grande échelle. La mise en place d’un forage s’accompagne donc d’une bouche de forage étanche et protégée, et d’un tubage en plein sur les 10 premiers mètres pour éviter que les eaux de surface ne se mélangent à la nappe. Un certain nombre de distances sont à respecter : le forage doit se situer par exemple à au moins 35 m d’un bâtiment d’élevage, et 50 m d’une parcelle qui va recevoir des effluents.
Abreuvement au cours d’eau
En cas d’abreuvement directement au cours d’eau, l’idéal est d’aménager une descente pour éviter que les animaux aillent dans le lit de la rivière. « Cela permet d’éviter l’érosion et le colmatage ainsi que les risques de contamination. »
Mais tout dépend du cours d’eau. Il faut que le débit d’étiage soit conséquent toute l’année pour apporter suffisamment d’eau à la zone d’abreuvement, et les variations de niveau peuvent rendre la démarche complexe. « Au besoin, l’on peut installer un épi-déflecteur pour faire remonter la lame d’eau », propose Agathe Fleyx.
Pompes de pâture
Cette solution rustique permet aux animaux d’actionner une pompe mécanique pour assurer l’apport d’eau. Elle présente l’avantage d’être facilement déplaçable, tout en protégeant les berges et cours d’eau d’une éventuelle contamination.
Compter toutefois quelques jours pour habituer le troupeau, et attention à proposer suffisamment de dispositifs. « Il faut 1 pompe pour 10 bovins ».
Récupération des eaux pluviales
L’idée est de collecter et stocker l’eau de pluie pour la réutiliser pour l’abreuvement.
L’installation a un coût, et demande d’avoir beaucoup de surface de toiture. Attention également au risque de pollution de l’eau. « Il faut prévoir un système de filtration, et avoir en tête que l’on distribue de l’eau déminéralisée », rappelle la conseillère.