Marchés mondiaux du lait

En Nouvelle-Zélande, la production laitière semble avoir atteint son plafond


TNC le 07/07/2023 à 17:42
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Forte d'une image de pays "vert" qu'elle entend conserver, la Nouvelle-Zélande a interdit les nouvelles installations laitières sur l'île du Sud, très touchée par la pollution des eaux.

La production néo-zélandaise de lait ralentit, limitée par sa forte dépendance à la météo et par des contraintes croissantes en matière environnementale, sociétale et commerciale. En retrait en 2022 à cause d’une demande chinoise moindre, les exports de produits laitiers néo-zélandais, de leur côté, semblent reprendre.

La production laitière néo-zélandaise a peu de marge de progression, a expliqué l’agro-économiste Marion Cassagnou lors d’une journée organisée par l’Idele le 7 juin et consacrée aux marchés mondiaux du lait.

De fait, cette production plafonne depuis plusieurs années. Sur la campagne qui courait de juillet 2022 à juin 2023, elle est estimée en baisse de 0,8 %, à 21,2 Mt, entre repli sur le 2e semestre  2022 à cause des fortes pluies causées par le phénomène La Niña qui ont dégradé la pousse de l’herbe, notamment dans l’île du Nord, et hausses de production début 2023. Au 1er juin, le cheptel avait chuté de 5,6 % sur un an, à 4,5 millions de vaches laitières.

Particulièrement météosensible, la production laitière du pays voit sa croissance limitée par l’impact des problèmes météo qui surviennent « à peu près chaque année ».

Mais aussi par le volet environnemental : pour satisfaire aux attentes sociétales, notamment des Maoris, et pour conserver l’image « clean and green » de ses produits agricoles, la Nouvelle-Zélande doit agir sur son empreinte carbone et sur la gestion de la ressource et de la qualité de son eau.

La problématique de la pollution de l’eau est très prégnante sur l’île du Sud et ses sols drainants propices au lessivage. Si bien que les nouvelles installations laitières y sont désormais interdites, ce qui limite le cheptel et donc la production.

D’ici à 2050, la Nouvelle-Zélande vise la neutralité en dioxyde de carbone et protoxyde d’azote et une forte réduction de ses émissions de méthane. Ce qui se reporte sur la filière élevage, principal secteur des émissions néo-zélandaises de gaz à effet de serre, avec celui des transports. Le pays prépare d’ailleurs la création d’un mécanisme de tarification des émissions agricoles à l’horizon 2025.

Une production « à la croisée des chemins »

En définitive, la Nouvelle-Zélande est aujourd’hui « à la croisée des chemins » : rattrapée par le changement climatique global qui induit des événements climatiques plus souvent dévastateurs et une moindre disponibilité de l’herbe, mais aussi soumise à la spéculation foncière liée aux crédits carbone.

Car « pour être neutres en carbone, les agriculteurs vont devoir entrer dans le marché des crédits carbone et mettre en place des terrains où planter des arbres », notamment des pins, explique Marion Cassagnou.

Sans oublier que ce pays, « foncièrement exportateur » de produits issus de l’élevage bovin, se retrouve confronté aux exigences croissantes de ses marchés à l’export, aussi bien en termes de respect de l’environnement que de bien-être animal, de durabilité ou de qualité des produits.

Conséquence : seule une amélioration de la productivité pourra accroître la production, surtout la productivité par vache via une amélioration de la génétique, car « la productivité à l’hectare est déjà élevée ».

En aval, l’objectif serait d’aller vers des fabrications de produits à haute valeur ajoutée (fromages, notamment), pour l’instant sur des volumes réduits, et non plus seulement de commodités. « Le produit doit pouvoir amener de la rentabilité toute l’année : ce changement de fabrication pour aller vers du haut de gamme, c’est très long », précise l’agro-économiste.

De moindres importations chinoises de poudre grasse

Côté échanges, les exportations de la Nouvelle-Zélande, qui fournit abondamment le marché mondial en produits laitiers, a battu des records en valeur en 2022 (+ 25 %/2021, à 15,3 Mrds€) du fait de la hausse des prix des ingrédients laitiers.

Mais elles ont diminué en volume (- 6% /2021, à 19,3 Mtél) à cause d’une réduction de 18 % des exports de poudres grasses, produit phare du pays. Ce recul a poussé les transformateurs à s’orienter vers plus de beurre et de poudre maigre (respectivement + 14 % et + 10 %/2021 exportés) et pourrait à l’avenir dynamiser les exports de laits en poudre (infantiles, pour séniors…).

Les exportations néo-zélandaises de poudre grasse ont baissé de 18 % en volume entre 2021 et 2022. ( © GEB-Idele, d’après Trade Map)

La baisse des exports néo-zélandais de poudre grasse en 2022 est surtout liée à de moindres importations chinoises, dont la Nouvelle-Zélande est très dépendante (38 % des exports en valeur en 2022, presque 50 % en 2021).

Notons aussi que le pays n’exporte plus de produits laitiers en Russie depuis le début de la guerre en Ukraine, et que l’inflation de 2022 a forcé certains pays à réduire leurs importations, comme le Sri Lanka.

2023 : retour d’El Niño et importations de l’Algérie

Quant aux perspectives pour le secteur laitier néo-zélandais au second semestre 2023, l’Idele rappelle le retour du phénomène climatique El Niño en fin d’année, synonyme probable d’une baisse de production en raison de conditions plus chaudes et sèches que la normale.

Les taux d’emprunts, flottants et en hausse, risquent de « pénaliser les trésoreries des éleveurs et de les limiter dans leur capacité d’investissement », d’où un impact certain sur les marges et possible sur la production. Le manque de main-d’œuvre observé depuis la crise du Covid reste « préoccupant, dans les fermes comme dans l’industrie ».

Le prix du lait payé aux producteurs néo-zélandais est plutôt en déclin après le record de février 2022. Le groupe Fonterra a annoncé un prix de 8,10-8,30 NZ$/kgMS (environ 441 €/t) pour 2023/24, « dans les mêmes eaux que pour la campagne précédente ».

Côté exportations de produits laitiers, elles étaient en baisse en février et mars par rapport à 2021 et en hausse en janvier et avril.

Deux facteurs plaident pour une poursuite de la reprise des exports, explique Marion Cassagnou : l’Algérie revient fortement aux achats de poudres grasses de Nouvelle-Zélande (+ 198 %/2022 sur janvier-avril) et devrait continuer sur sa lancée, forte de rentrées de dollars liées à la hausse du prix du pétrole et du gaz ces derniers mois.

Et les imports chinois de poudre maigre semblent reprendre, avec 56 000 t sur les quatre premiers mois de l’année (x2/2022).