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Est-ce que les freins au vêlage 2 ans sont justifiés ?


TNC le 14/01/2025 à 05:05
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Le vêlage deux ans permet de diminuer le nombre d'animaux improductifs sur le troupeau, au prix d'une ration plus riche pour l'élevage des génisses. (© TNC)

Nombre d’études le montrent : les vaches en vêlage deux ans peuvent prétendre à des performances comparables à celles en vêlages trois ans. Pourtant, le vêlage précoce peine à s’imposer. Le besoin d’une alimentation riche pour l’élevage des génisses compte parmi les principales réticences des éleveurs.

Le vêlage deux ans, c’est un vieux loup de mer. Si tout le monde en a déjà forcément entendu parler, force est de constater qu’il n’est pas légion sur le troupeau allaitant. En races à viande « l’âge moyen au premier vêlage s’établit à 36 mois », précise une étude de l’Inrae sur les principaux freins au développement du vêlage précoce en élevage allaitant.

Longtemps, les exploitations en bovin viande se sont développées en s’étendant. Plus d’UGB, plus de SAU… Mais pas forcément plus de productivité à l’animal. Mais entre défaut de rentabilité et attentes environnementales, le vêlage précoce est souvent présenté comme un nouveau salut pour les éleveurs.

Preuve en est : 83 % des éleveurs cantalous interrogés dans le cadre de l’étude Effiviande reconnaissent l’intérêt économique du vêlage précoce, même s’ils ne le pratiquent pas forcément. « Les éleveurs y voient un bénéfice lié à la diminution du nombre d’animaux improductifs, ou à l’augmentation du nombre de veaux par rapport au nombre d’UGB total ».

Des craintes sur le coût d’alimentation des génisses

Mais alors, pourquoi la mode ne prend pas ? « Un des principaux freins, mis en avant par 60 % des éleveurs, est l’obligation d’avoir une alimentation plus riche et complémentée pour les génisses ».

Viennent ensuite les craintes sur le format des vaches adultes, avec des animaux potentiellement plus petits, et des réformes un peu plus légères à l’abattage.

Des craintes sur les risques au vêlage avec des génisses un peu plus jeunes, ou encore sur la restructuration que la pratique impliquerait sur l’exploitation sont également évoquées par un tiers des éleveurs.

Mais ces appréhensions sont-elles fondées ? Un groupe de chercheurs a comparé les performances des bovins en vêlage 24 mois à celles d’animaux en vêlage 36 mois parmi les données hébergées au Centre de traitement de l’information génétique (Inrae). Résultat : les vaches en vêlage précoce n’ont pas à rougir.

Des performances zootechniques similaires

Les bovins en vêlage 2 ans affichent une croissance plus importante avant le premier vêlage qui leur permet d’avoir des poids adultes dans les standards raciaux. « Les vaches allaitantes en vêlage à 24 mois ont tendance à avoir un poids supérieur à 18 mois ». Compter en moyenne + 33,6 kg pour une Limousine, + 53,4 kg pour une Blonde et + 60,6 kg pour une Charolaise. Des écarts dus à des rations plus riches, possiblement soutenues par un travail de sélection génétique de la part des éleveurs.

Cette croissance rapide ne permet pas de compenser totalement tous les kilos : « une légère différence semble exister chez les vaches allaitantes, avec des poids de carcasses inférieurs pour les animaux précoces, de 6,4 kg en race Charolaise, à 17,1 kg pour la race Limousine ». Mais pour les chercheurs, le jeu en vaut la chandelle : « les freins identifiés ne semblent pas totalement justifiés au vu de la diminution du temps de présence des femelles dans l’élevage ». En bref, 17 kg de poids carcasse supplémentaires ne peuvent pas suffire à recommander une année de plus de présence en ferme.

Côté reproduction, l’IVV est sensiblement dégradé en race Charolaise (+ 2 jours) et en race Blonde d’Aquitaine (+ 5 jours) sur les animaux en vêlage précoce. Le Limousin fait toutefois exception, avec 17 jours d’écart.

En bref, le vêlage deux ans apparaît comme tout à fait faisable sur le plan zootechnique.

Entre coût et autosuffisance alimentaire

Mais les craintes concernant l’alimentation des génisses sont un peu plus complexes à balayer. S’il est évident qu’il est moins cher de nourrir un animal pendant deux ans plutôt que trois, le vêlage deux ans n’est pas qu’une question de coût. Il fait également intervenir la question de l’autonomie alimentaire. Dans certaines régions herbagères, avec des génisses élevées au pâturage, les éleveurs ont parfois du mal à voir l’intérêt d’intensifier la ration. « Ce point est à rattacher au contexte du territoire. Dans le Cantal, les systèmes sont très herbagers et les possibilités de production d’énergie (via les céréales) réduites », rappelle l’étude de l’Inrae. En bref, sur le papier l’équation semble rentable, mais les éleveurs restent réticents à l’achat d’aliment.

D’autant que la réussite du vêlage deux ans repose justement sur la distribution d’une alimentation plus riche pour assurer une croissance rapide. « Les autres inconvénients priorisés semblent découler assez directement de ces contraintes au niveau de l’alimentation : les éleveurs craignant des conséquences négatives sur la croissance des génisses, le poids des vaches de réforme et finalement la durée de leur carrière », poursuivent les chercheurs.

Alors, faut-il se lancer ? Pour les chercheurs, la pratique présente un « réel intérêt économique et environnemental ». Des arguments qui légitiment son déploiement sur le terrain. Mais loin de balayer les craintes des éleveurs, l’étude préconise d’apporter encore plus d’appui technique, pour aider à mettre en place des rations cohérentes, selon les races et les territoires pour des troupeaux plus efficients.