F. Boullier investit 3,5 M€ pour passer des cultures à l’élevage allaitant
TNC le 29/11/2024 à 05:30
Dans le Loiret, Florent Boullier croit en la viande. Éleveur laitier avec des cultures d’industrie, l’agriculteur a fait le pari de la vache allaitante en 2015. L’objectif à terme : en finir avec les légumes de vente pour se spécialiser dans l’élevage bovin. Car pour Florent, « l’élevage, c’est beaucoup moins aléatoire que la culture ».
Entre impasses phytosanitaires et changement climatique, l’avenir de la production de légumes de vente est « plus qu’incertain » aux yeux de Florent Boullier, éleveur bovin dans le Loiret. « Quand je me suis installé, nous avions une cinquantaine de vaches laitières. Avec les quotas, nous ne pouvions pas développer l’élevage, alors nous avons misé sur la culture ». Betteraves rouges et légumes de conserve ont longtemps mis du beurre dans les épinards des exploitants. Mais pour l’éleveur, les temps changent : « c’est bien moins rentable que par le passé, et surtout très fluctuant », tranche l’agriculteur.
Installées sur une clairière dans la forêt d’Orléans, les terres étaient traditionnellement allouées à l’élevage, « et l’on finit par comprendre pourquoi au fil des ans », lance Florent. Si bien qu’aujourd’hui, l’éleveur voit davantage d’avenir dans la production bovine. « Nos voisins ont un temps douté de notre santé mentale », plaisante l’agriculteur, qui compte aujourd’hui 140 vaches laitières, et espère dépasser les 200 vêlages en race allaitante. Car pour Florent, la viande a de l’avenir. « Je suis convaincu qu’il faut investir à l’inverse des autres si l’on veut faire des affaires ».
En 2015, les exploitants ont eu l’opportunité de s’agrandir. « Nous avons hésité, parce que l’exploitation à reprendre comprenait surtout des pâtures et des Charolaises. Mais le parcellaire était proche, nous nous sommes dit qu’il n’y aurait pas d’autres occasions de sitôt ». Si bien que les associés se sont lancés dans la viande.
Un objectif de 220 vêlages en race à viande
« Il y avait 45 vêlages sur la ferme. Nous avons fait le choix de monter à 100, avec engraissement de la suite ». Un seuil qui permettait à l’éleveur d’envisager la construction d’un bâtiment. Puis le cheptel a grossi doucement. « C’est un petit peu comme le pain et le fromage. Lorsqu’il vous reste un peu de fromage, vous reprenez un morceau de pain… Et ça peut durer longtemps », sourit Florent. En bref, les surfaces en herbe disponibles ont incité les éleveurs à développer l’atelier viande, et inversement. Compter aujourd’hui 190 vêlages. Et c’est peut-être le projet de méthanisation (150 Nm3 en injection mis en route cette année) qui finira de dimensionner l’exploitation, avec encore une petite marge de progression.
« On dit souvent que l’élevage n’est pas rentable, mais je pense qu’il faut chercher à tirer profit de tous les aspects permis par les productions animales ». Ainsi, les effluents sont valorisés via la méthanisation, et tous les animaux (lait et viande) sont engraissés sur place. Pas question de voir un animal maigre sortir de chez Boullier. « C’est avec l’engraissement qu’on capte le plus de valeur ajoutée », estime le passionné d’élevage. « Un taurillon qui sort, c’est 2 à 300 € de marge nette pour la ferme ».
On arrive à faire des économies d’échelle
L’éleveur l’admet : « nous sommes arrivés à une taille où l’on arrive à faire des économies d’échelles ». Tout d’abord, les bâtiments récents sont fonctionnels. « Tout est agencé pour que le matin, je nourrisse tous les animaux sans descendre de l’automotrice ».
Mais c’est peut-être aussi l’organisation qui fait la différence. Des dates de vêlages à la vaccination, en passant par le sevrage : tout est planifié. Les détecteurs de chaleurs et vêlage viennent prêter main-forte. « Tout le monde est à l’IA. Certains considèrent que ça prend du temps. Moi je considère qu’on en gagne, parce qu’on sait quand les vêlages vont arriver ». Les vaches sont ainsi allotées selon la date de leur terme. « C’est plein de détails comme ça qui permettent de savoir où regard le matin, et qui font gagner du temps ».
3,5 millions d’euros d’investissement en 10 ans
Ainsi, depuis 2015, l’éleveur aura investi pas moins de 3,5 millions d’euros dans l’élevage, pour un EBE avoisinant les 250 000 € en moyenne. À cela s’ajoute l’activité de méthanisation. « Les investissements paraissent énormes, mais entre le drainage, l’irrigation ou encore les machines, la grande culture demande tout autant de fonds », tranche l’agriculteur. « C’est juste qu’il y a tout une partie qu’on ne voit pas parce qu’elle est sous terre ».
La décapitalisation bovine, en marche depuis 2016, contribue à maintenir les prix. D’ici 4 à 5 ans, l’éleveur espère en finir définitivement avec les cultures légumières. « J’aurai financé une bonne partie des investissements d’ici là », poursuit Florent, qui s’est lancé dans la viande en 2015. « C’est certain que les légumes nous ont donné de la capacité d’investissement, et je pense que c’était le moment pour faire la bascule. Je n’ai peut-être pas appris grand-chose à l’école, mais je suis convaincu d’une chose : il faut investir à contrecourant. Si la bonne affaire est trop évidente, c’est que ça n’en est pas une ».