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Faute d’agneaux, la fièvre catarrhale menace les éleveurs à long terme


AFP le 06/11/2024 à 13:23

Des bêtes en moins, mais surtout des brebis sans agneaux et des béliers sans spermatozoïdes : la fièvre catarrhale menace sur le long terme la reproduction des ovins et des bovins, et donc les revenus des éleveurs.

Depuis son apparition en août dans le nord de la France, la fièvre catarrhale ovine (FCO), une maladie virale transmise par un moucheron, s’est répandue rapidement sur le territoire. Plus de 7 000 foyers ont été dénombrés au 30 octobre.

A Preuschdorf, dans le nord de l’Alsace, seuls quelques agneaux évoluent entre les pattes des centaines de brebis élevées par Stéphane Huchot, dont l’exploitation a été touchée le 14 août par le virus. « J’ai perdu 70 brebis sur un total de 1 000 bêtes », témoigne-t-il, en marge d’une visite mardi du préfet du Bas-Rhin. Mais le plus inquiétant, c’est que le virus a atteint la fertilité des brebis, dont plus de la moitié ne portent pas de petit.

« Nous avons fait passer une échographie à 600 bêtes la semaine dernière. Seules 240 sont en gestation », explique l’éleveur, qui produit à la fois de la viande et des produits laitiers, fromages et yaourts. Or, pour pouvoir vendre de la viande d’agneau pour Pâques (le 20 avril prochain), il faudrait que les petits naissent avant la fin de l’année, après cinq mois de gestation. « Pour Pâques, c’est râpé », se désole Stéphane Huchot.

Des variants et des vaccins

L’éleveur a bien fait vacciner ses bêtes fin septembre, ce qui a rapidement enrayé la mortalité. Mais après le sérotype 3, « les sérotypes 4 et 8 ne sont pas loin et le 12 finira par arriver aussi », s’inquiète-t-il. « Il va falloir revacciner ». L’achat des vaccins a été pris en charge par l’Etat.

Lundi dans le Tarn, la ministre de l’agriculture Annie Genevard a annoncé une commande de deux millions de doses de vaccin supplémentaires, après les 11,7 millions de doses déjà commandées. Pour l’heure, les éleveurs sont seulement indemnisés pour les bêtes mortes, à hauteur de 330 euros par brebis, mais ils attendent que leur manque à gagner soit aussi compensé.

« Je pense qu’il faut aussi prendre en compte la perte d’exploitation, parce qu’un animal mort, c’est des vêlages qui ne se font pas, un remplacement de cheptel qui ne se fait pas, des pertes de lait », reconnaît le préfet du Bas-Rhin, Jacques Witkowski, venu rencontrer les exploitants à moins de deux semaines d’un appel à la mobilisation nationale des agriculteurs.

Les bovins touchés aussi

Outre les brebis, la FCO a attaqué la fécondité des mâles, selon Virginie Hebner, qui élève 500 brebis pour la viande à Sélestat (Bas-Rhin). « Sur 40 béliers testés à Brumath (Bas-Rhin), 90 % ne pouvaient pas faire d’agneaux actuellement », rapporte-t-elle. Les animaux ne sont pas forcément stériles à vie et 60 % « sont en train de refabriquer des spermatozoïdes », se rassure-t-elle.

« Est-ce que les béliers sont aptes à saillir ? », s’interroge de son côté Stéphane Huchot. « Ca saillit, mais est-ce efficace ? »

La maladie touche aussi les bovins, même si les conséquences semblent moins graves dans l’immédiat. Sur son troupeau de 140 vaches à viande, Frédéric Bernhard, exploitant laitier à Woerth (Bas-Rhin), a perdu deux bêtes. Mais comme pour les ovins, ce qui l’inquiète le plus, c’est la reproduction.

« J’ai compté six ou sept avortements. Je n’ai jamais vu une situation pareille », témoigne l’éleveur.
Sur les génisses qui ont été inséminées l’été dernier, « plus de la moitié sont vides », évalue-t-il, alors qu’en temps normal, environ 70 % sont pleines. Le manque de veaux va entraîner une baisse de la production de lait et certaines vaches victimes d’avortement n’en redonneront jamais, prévient-il. Ces « vaches perdues » partiront à la boucherie.

Difficile pour le moment d’évaluer la perte de chiffre d’affaires car la gestation des vaches est longue (9 mois) et l’impact total de la maladie sur les naissances ne sera pas connu avant l’an prochain.