H. Dion (60) : « Des animaux croisés productifs adaptés à un système intensif »
TNC le 01/02/2019 à 05:58
« Nous nous sommes d'abord tournés vers le Procross pour palier les problèmes de fertilité de certaines Prim'holsteins du troupeau. » Hubert Dion, éleveur laitier à Bazancourt (60) pratique ce croisement trois voies depuis une dizaine d'années. Le Procross gagne d'ailleurs du terrain dans cet élevage car plus de la moitié des 160 vaches laitières du troupeau y sont passées. « Ça nous apporte des animaux plus rustiques mais tout aussi productifs, ce qui correspond bien à notre système d'élevage. »
C’est au bout d’un chemin de campagne qui l’isole de son village Bazancourt (60), qu’on aperçoit les bâtiments du Gaec Dion Sieurin. À la limite entre l’Oise et la Seine Maritime, l’exploitation rassemble 3 associés qui n’élèvent pas moins de 650 animaux. C’est dans la stabulation des vaches laitières qu’Hubert Dion présente son troupeau : « Nous trayons entre 140 et 160 vaches pour une moyenne d’étable de 9 000 litres. » Au premier coup d’œil et avec une pointe d’humour, le moins que l’on puisse dire c’est que ces éleveurs ne sont pas « racistes » ! Et pour cause : le troupeau est plus qu’hétérogène…
Le Procross pour améliorer la fertilité des Holsteins
« Il y a quelques années déjà, j’ai tenté de croisé quelques Holsteins qui avaient des problèmes de fertilité et qui manquaient de résistance avec du Normand. Les produits donnaient alors plus de taux et étaient plus en état mais on ne savait pas quoi remettre dessus. Ça finissait par un croisement boucher mais ça n’était pas le but. » C’est à cet instant que les éleveurs se sont tournés vers la Montbéliarde. Hubert se souvient : « On avait entendu parler du Procross et on était allé visiter des exploitations mais la pratique n’était pas encore très développée. De plus, notre centre d’insémination était assez réticent. C’était l’inconnu ! »
Aujourd’hui, Hubert insémine plus de 60 % de son troupeau en suivant le schéma Procross qu’il a démarré 10 ans en arrière. « Lorsqu’une Prim’holstein commence à ne plus bien prendre à l’IA, on l’insémine avec du Montbéliard et la boucle est alors lancée. On poursuit avec du Rouge scandinave. »
Le Procross, quésaco ?
Il s’agit d’un croisement entre 3 races laitières qui se complètent : la Holstein, la Montbéliarde et la Viking red. Cette dernière, aussi appelée Rouge scandinave provient d’une sélection regroupant 3 races productives du Nord : la Rouge suédoise (8 741 kg de lait, 44 TB et 35 TA), la Ayrshire finlandaise (8 574 kg de lait à 43 TB et 35 TA) et la Rouge danoise (8 648 kg de lait, 43 TB et 35 TA). Coopex Montbéliarde et Viking Genetics présentent cette méthode de croisement rotatif comme « permettant de garantir une grande vigueur hybride bénéfique pour la production et la rusticité. » [NDLR : Par la vigueur hybride, aussi appelée effet hétérosis, on entend des performances supérieures à la moyenne des races parentales.]
« Un croisement adapté aux systèmes intensifs »
« Le croisement me permet de ne plus avoir de soucis de consanguinité sans pour autant faire baisser le niveau d’étable. C’est l’avantage de l’effet hétérosis. Les premières croisées Holstein x Montbéliard donnent autant de lait que les Prim’holsteins. » Dans l’étable, difficile de s’y retrouver en regardant les vaches : il y a de toutes les couleurs ! L’éleveur explique : « Pour s’y retrouver lors des IA, on vérifie le père de la génisse ou de la vache et on sait ce qu’on doit mettre ensuite. »
Selon lui, les 3 races sont indispensables : « L’avantage de la Holstein est bien connu, c’est son lait. La Montbéliarde apporte de l’épaisseur et des fonctionnels, notamment au niveau des pattes, de la fertilité et des cellules. Les génisses sont en revanche plus caractérielles. Quant à la Rouge, elle vêle très facilement. Elle produit des petits veaux assez nerveux tandis que les vaches sont les plus clames en salle de traite. Elle présente également de meilleures pattes. Chez nous, elle s’adapte bien aux logettes. En fait, ce qu’on met 10 ans à obtenir en Holstein pure, on l’obtient beaucoup plus rapidement grâce au croisement. »
En réfléchissant bien, l’éleveur se pose même quelques questions : « Je me demande si ces animaux ne valoriseraient pas mieux la ration. En effet, ces petits gabarits font autant de lait que les grands. » En revanche, il est persuadé d’un point : « Le Procross est un croisement adapté à notre système d’élevage qui reste intensif. Il nous fournit des animaux rustiques mais tout aussi productifs. »
Une conduite homogène d’un troupeau hétérogène
Au niveau de la conduite du troupeau, Hubert conseille aux éleveurs qui souhaiteraient se lancer de ne pas faire vêler trop tard : « Les génisses croisées prennent plus facilement d’état que les Holsteins. Il ne faut pas hésiter à les inséminer jeune. Une fois, j’ai tardé à inséminer un lot et elles ont eu du mal à prendre ensuite. Actuellement, on fait vêler à 27 ou 28 mois mais on tente de descendre à 25 mois. Il ne faut vraiment pas avoir peur de faire vêler à 24 mois. »
Pour la reproduction, l’éleveur achète et stocke ses semences de Viking red et c’est la coopérative Origen qui pose le tout et fournit les doses en Montbéliard et Holstein. Il choisit des semences sexées pour les 1ères IA. « Du côté des Rouges, je choisis des taureaux pour leurs fonctionnels comme par exemple : V Föske, VR Help P, Gunnastor. Chez les Montbéliardes, les taureaux changent trop souvent mais je les choisis pour leur robustesse et leur viande car j’élève tous les mâles en taurillons. Pour les Holsteins, je fais confiance à mon inséminateur qui choisit surtout des taureaux forts en lait comme Rubi ou Kingstar. »
Dans la stabulation, on aperçoit des vaches de toutes tailles et de toutes conformation. Hubert commente : « Elles n’ont pas toutes de jolies mamelles mais elles sont très fonctionnelles. Nous trayons en 2×22 places simple équipement et mettons 1h30 en moyenne. Bien-sûr le croisement n’est pas fait pour les éleveurs qui cherchent des vaches de concours mais ça nous convient dans notre système. »
Les vaches reçoivent toutes la même ration. Seule la complémentation diffère au Dac. En revanche, il n’y a pas de variation en fonction de la race. Voici la ration (en kg bruts) :
– 30 kg de maïs ensilage
– 10 kg de pulpe surpressée
– 3 kg de méteil
– 1 kg d’enrubannage
– Dac : mélange de soka et VL 18 fait-maison (maïs grain, pulpe sèche, luzerne, soja)