Ils demandent 236 000 € de dédommagement pour un faux positif à la tuberculose
TNC le 24/04/2025 à 05:08
Il y a un peu plus d'un an, le Gaec Maris a été déclaré à tort foyer de tuberculose bovine. Depuis, ces éleveurs du limousin se battent pour obtenir une indemnisation. Entre baisse de production, arrêt temporaire de la transformation laitière et perte d’image, ils dénoncent l’application de protocoles « affligeants et intolérables ».
Depuis bientôt 18 mois, le Gaec Maris se bat pour être indemnisé des dommages causés par un faux positif à la tuberculose bovine. Après une prophylaxie réalisée le 11 décembre 2023, le couperet est tombé : l’exploitation de Johanna Maris et son fils Pascal est placée sous un arrêté préfectoral de mise en surveillance pour suspicion de tuberculose bovine. Le 27 décembre, 7 bovins font l’objet d’un abattage diagnostique.
Bien qu’aucune lésion ne soit constatée sur les carcasses, un des sept animaux est ressorti comme positif : « notre monde s’écroule », commente l’éleveur dans un communiqué à la presse. Le 16 janvier, les associés du Gaec rencontrent les services de la DDETSPP : « on nous explique que c’est l’abattage total qui est préconisé ».
Mais c’est sans compter sur un retournement de situation inespéré. Le lendemain, « le téléphone sonne : c’est M. Pesneau, le préfet. Il nous annonce qu’une erreur a été commise, et que notre vache est indemne de tuberculose », poursuivent les associés. Le 18 janvier, il leur rendra visite en personne sur la ferme. « Il nous a expliqué que le laboratoire départemental avait contaminé l’échantillon de notre vache, ce qui l’a induit en erreur ». Sa venue marquera la levée de la surveillance et la reprise de l’activité sur la structure.
La chambre d’agriculture estime l’impact global à 236 000 €
La nouvelle a un goût amer. Une fois le soulagement de savoir son troupeau épargné, les éleveurs font les comptes. « Un mois s’est écoulé où nous avons tourné à vide », lance l’agriculteur. Avec l’appui de la chambre d’agriculture, mère et fils ont réalisé une étude de pertes. Les montants sont impressionnants : le préjudice total s’élève à 236 000 €.
La suspicion de cas de tuberculose a engendré des dépenses en cascade. Si les 7 bovins abattus ont bien été indemnisés pour un montant de 14 000 €, les éleveurs demandent des dommages et intérêts. « La perte nette liée à la production de lait s’élève à 11 640 € », note le rapport de la chambre d’agriculture. Compter également des besoins de main-d’œuvre spécifiques liés à l’organisation des prophylaxies et au tri des animaux, pour un montant estimé à 10 824 €.
La transformation laitière durement impactée
Mais c’est le volet vente directe qui connaît le plus gros préjudice. Suite à la mise sous surveillance de l’exploitation, l’activité de transformation à la ferme a été suspendue. À noter que la structure transforme autour de 712 000 l de lait par an, soit environ 60 % de la production laitière. Bien qu’une partie des pertes soit compensée par la vente du lait à la laiterie, les éleveurs estiment le manque à gagner à hauteur de 44 395 €.
Pour maintenir leur activité de transformation, mère et fils ont également réalisé des investissements : achat d’une citerne à lait, d’un pasteurisateur et de diverses fournitures pour maintenir cette activité avec le lait d’exploitations voisines dans la perspective de l’abattage du troupeau.
Les éleveurs demandent également la prise en compte d’un préjudice moral et d’une perte d’image. « Lorsque la situation sanitaire a été rétablie, la clientèle est restée très inquiète », note la chambre d’agriculture dans son rapport. « L’image de l’entreprise a été inévitablement affectée, ce qui augure une baisse de chiffre d’affaires dans les mois qui viennent ». Sans parler du stress généré par la perspective de l’abattage du troupeau. « Pascal et sa mère ont été très affectés. » À ce titre, les éleveurs sollicitent une indemnisation à hauteur de 15 % de leur chiffre d’affaires annuel de vente de produits transformés, soit 143 850 €.
L’État estime qu’il n’a pas commis de faute.
Malgré une étude de pertes détaillée, les éleveurs peinent à faire valoir leurs intérêts. Si le préfet s’est bel et bien engagé à porter le dossier auprès du ministère de l’agriculture, ce dernier a refusé leur demande d’indemnisation à l’amiable. Dans un courrier daté du 9 avril 2025, il estime que « l’État n’a pas commis de faute », et reporte la responsabilité sur le laboratoire ayant réalisé les analyses. Mais pour les éleveurs, la pilule ne passe pas. « C’est bel et bien l’État qui mandate les laboratoires », insiste Maëlle Desblés, responsable d’élevage sur la structure.
Les associés reprochent également aux services de la DDETSPP d’avoir « précipité la chose en nous déclarant infectés avant d’avoir les résultats finaux, puis d’avoir tardé à annoncer l’erreur ». « Pendant que les services de l’État avaient des doutes sur nos analyses, nous, nous étions en train de réfléchir à quels animaux faire partir en premier », se remémore Maëlle Desblés.
Encore aujourd’hui, la ferme subit les conséquences de cette mise à l’index. « Pendant près d’un mois, nous avons tourné au ralenti. Nous avions stoppé les IA par exemple. » Si bien qu’un an après, les exploitants constatent encore des décalages dans les dates de vêlage. Même rengaine côté vente directe. « Nous travaillons avec des pâtes pressées. Il y aura forcément un moment où il y aura un creux dans les fromages affinés. »
Le lourd impact psychologique des abattages sanitaires

Le 17 avril a eu lieu une manifestation devant la préfecture de Limoges pour soutenir les associés. L’objectif : sensibiliser les pouvoirs publics sur le sort réservé aux éleveurs touchés par les maladies réglementées. « Il y a une forte pression tuberculose dans le secteur. Cela mine les esprits. Les conséquences sociales et psychologiques sont très lourdes. Il y a vraiment des personnes qui ne se remettent pas de l’abattage d’un troupeau », alerte Maëlle Desblés. « On a l’impression que le travail d’une vie peut être balayé d’un revers de main, le tout sans répercussions pour l’État. ».
En parallèle, les associés du Gaec Maris hésitent à poursuivre leur action en justice. « Nous avons été très mal reçus par le ministère de l’agriculture », note la responsable d’élevage, qui peine de plus en plus à imaginer la mise en place d’une indemnisation à l’amiable. « On traîne un déficit financier depuis plusieurs mois… Le tribunal administratif reste une option, mais cela veut dire qu’il faut partir sur de nouveaux frais, avec 3-4 années de procédures. »