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Guerre en Ukraine

La vente de reproducteurs impactée


TNC le 29/03/2022 à 06:03
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Les flux de reproducteurs français se sont restreints en amont du conflit en raison des contraintes sanitaires imposées par la Russie, qui n'accepte pas les animaux vaccinés contre la FCO. (© Michel Baudot)

Avec la guerre en Ukraine, le marché de la Russie vient de se fermer aux exportateurs de reproducteurs bovins européens. Michel Baudot, agriculteur et ancien président du HBC nous en dit plus sur le marché de la génétique à l'international, dans un secteur où le sanitaire, le politique et le financier peinent souvent à s'accorder.

Si la guerre en Ukraine a assez peu d’impacts directs sur le marché de la viande, le marché des bovins vivants pourrait être davantage concerné, explique l’Institut de l’élevage dans sa note de conjoncture sur les conséquences de la guerre sur les marchés des ruminants. Contrairement à la viande, le marché des animaux vivants n’est pas concerné par l’embargo de 2014. L’Europe des 27 exporte chaque année entre 150 000 et 300 000 bovins reproducteurs, et la Russie est un client non négligeable avec une moyenne de 57 000 reproducteurs exportés chaque année entre 2018-2020.

Des exportations au gré des relations diplomatiques

Si la guerre en Ukraine déstabilise le marché européen, Michel Baudot tempère : « Même avant la guerre, la France n’envoyait pas d’animaux. Suite à l’affaire des Mistral en 2015 (la non-livraison de deux porte hélicoptères commandés par la Russie après l’annexion de la Crimée), les échanges ont été stoppés. Officiellement, la Russie ne veut plus d’animaux vaccinés contre la FCO, mais les normes sanitaires sont surtout là pour justifier un embargo politique » alors que les flux de reproducteurs européens avaient également tendance à s’amenuiser en amont du conflit.

La Russie représente 20 % des exportations de reproducteurs de l’UE à 27 sur 2018-2020. L’Ukraine ne représente que 1 % du marché. (©Idele)

Si la guerre chamboule les cartes, Michel Baudot a longtemps eu des rêves de Russie pour les vaches françaises. En 2006, il a organisé l’envoi de 3 000 reproducteurs charolais en Russie, et travaillait actuellement à la création d’un centre de génétique dans le pays. « J’avais les fonds, le business plan était créé, on devait envoyer des formateurs et je pensais sérieusement que 2022 permettrait un assouplissement. Je n’ai pas vu la guerre arriver », concède l’agriculteur.

La mise en place d’un centre de génétique aurait permis la création de liens de long terme entre les deux pays, pour l’envoi d’animaux, mais surtout pour le suivi des exploitations et la mise en place de techniques d’élevage spécifiques aux contraintes du pays. S’implanter en Russie, c’était aussi l’occasion de venir concurrencer les Américains, Canadiens et Australiens qui s’étaient positionnés sur le marché avec des Angus ou de l’Hereford.

La Russie, un ex-marché sans équivalent

« La Russie a tout intérêt à développer l’élevage, insiste l’ancien président du HBC. Ils ont des sous-produits et encore beaucoup de surfaces inoccupées. Ce sont des marges de manœuvre que nous n’avons plus en Europe, c’est ce qui me plaisait dans le projet. La création de troupeaux était soutenue par le gouvernement avec des subventions, des prêts à taux zéro… Il y avait une réelle ambition politique d’importer de la génétique avec du pedigree, mais bien entendu tout est bloqué. Et au delà des sanctions, quand bien même les Russes voudraient acheter de la génétique française, je doute qu’ils en aient les moyens. 1 € valait 40 roubles en 2006 pour mon premier contrat, aujourd’hui il en vaut 140. »

Au delà de la viande, les systèmes laitiers se développent rapidement dans le pays. « Le lait bénéficie d’un certain dynamisme car les retours sur investissements sont plus rapides qu’en viande. Si la Holstein reste très majoritaire, la race française Montbéliarde est plutôt appréciée. » 

Le marché russe semble être sans équivalent pour les vendeurs de reproducteurs. « Je suis allé en Ukraine, mais c’est généralement pour des projets à 50 têtes, pas 3 000. Le Kazakhstan semble être un marché intéressant, mais avec moins de potentiel, et c’est plus difficile d’y adapter les Charolaises. »

Les transactions vers l’Est bloquées par le conflit

« Je suis sollicité pour une livraison de 400 génisses avec pedigrees au Kazakhstan mais je rencontre d’énormes difficultés pour le transport » complète l’éleveur. La route traditionnelle pour rejoindre le Kazakhstan depuis la France passe par l’Ukraine et la Russie, ce qui est infaisable dans ce contexte. « J’ai regardé les avions mais un cargo pour 165 têtes au départ de Châteauroux pour le Kazakhstan coûte 875 000 $. C’est le double d’avant covid et de la hausse pétrole ! Je regarde d’autres solutions avant de me résoudre à ne plus faire de cotation faute de logistique. »

Cow-boys et miradors pour éviter les vols d’animaux 

« La plus grosse ferme que l’on a fournie a par la suite vendu des animaux en Sibérie. Les Charolais s’adaptent plutôt bien au climat, il faut surtout avoir la conduite adaptée : les nourrir l’hiver, ne pas faire les vêlages en période de grand froid… mais c’est possible ! »

L’organisation du parcellaire, ou encore le vol d’animaux sont des contraintes à intégrer à la création d’exploitations en Russie (©Michel Baudot)

« Les Russes ont peur de laisser leur animaux dehors par peur des vols, on peut voir des troupeaux avec des miradors ou des gardiens ! Pour l’anecdote, des locaux avaient volé des charolaises blanches et les avaient peintes avec de la cendre pour qu’on ne les reconnaisse pas. On a su les retrouver grâce aux boucles de prélèvement d’ADN du HBC. »