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Bien-être animal

Le port de Sète veut rassurer sur le sort des vaches en mer


AFP le 03/06/2024 à 14:01

Une jeune éleveuse s'apprête à embarquer sur un cargo pour s'assurer que 780 taurillons traversent la Méditerranée sans heurts. Face aux ONG qui veulent l'arrêt de l'export de bétail vivant, le port français de Sète défend ses pratiques.

Les jeunes mâles, qui font déjà plus de 300 kg, dévalent un par un la rampe de camions bétaillères. Ils patientent quelques minutes sur une épaisse litière. Le cargo qui va les acheminer à Bizerte (Tunisie) est arrivé la veille. Des employés sifflotent, clapent des mains, tapotent parfois le cuir avec une canne pour les mener vers le navire, où ils seront répartis sur quatre niveaux.

Avant d’embarquer à son tour, Justine Donnet, 30 ans, admire la carrure d’un blond d’Aquitaine, promesse d’une « belle côte de boeuf au barbecue ».

La productrice de lait de l’est de la France va quitter quelques jours le plancher des vaches avec ces animaux qui seront engraissés sur l’autre rive de la Méditerranée. Elle va les surveiller, relever régulièrement la température à bord, l’humidité, l’ammoniac s’échappant des déjections… Et demander en fonction aux marins de remettre de la paille, d’augmenter la ventilation ou l’extraction d’air.

La société d’exploitation du parc à bestiaux (Sepab) du port de Sète vend ce service aux exportateurs depuis fin 2022.

Voyant son activité remise en cause, le directeur Laurent Trémoulet a décidé d’« enregistrer de la donnée sur la réalité du transport maritime ». Des bovins ont été équipés de colliers connectés, des urines recueillies pour mesurer les hormones du stress. L’objectif du patron de la Sepab : montrer « aux décideurs » que les animaux supportent bien le voyage.

Les ONG militant contre l’export de bétail soulignent que les navires sont souvent vieux, mal adaptés, que les animaux risquent d’être maltraités à destination… Elles défendent l’envoi de viande plutôt que de bêtes. Leurs arguments ont été entendus en Grande-Bretagne, qui a récemment interdit d’exporter des animaux à des fins d’abattage ou d’engraissement.

L’Australie s’est engagée à ne plus expédier de moutons vivants à compter de mai 2028. Et la Nouvelle-Zélande interdit depuis l’an dernier l’export maritime de bétail vivant.

Dans l’Union européenne, plutôt que d’interdire et causer des « effets préjudiciables sur le secteur », la Commission européenne propose de durcir les exigences à l’égard des navires et de prévoir la présence à bord d’un « responsable du bien-être animal ».

Selon son étude d’impact, l’UE exporte annuellement près d’un million de bovins et 3,2 millions d’ovins et caprins, principalement par la mer, pour quasiment 1,5 milliard d’euros.

« Les mentalités ont évolué » 

A Sète, le chargement des taurillons progresse en présence d’un représentant de l’Etat, brassard « services vétérinaires » sur le bras.

L’homme, qui requiert l’anonymat, a inspecté le bateau avant le chargement, vérifié l’absence « d’éléments blessants » pour les animaux, le fonctionnement des systèmes d’eau et de ventilation, le stock de foin au cas où le trajet dure plus longtemps que prévu… Les traversées prennent entre deux et six jours selon les destinations.

« Il y a cinq ou six ans, la priorité c’était d’avoir une rentabilité au maximum, pas le confort à bord. Les mentalités ont bien évolué des deux côtés », estime l’employé des services vétérinaires, jugeant « positive » l’initiative d’embarquer des convoyeurs.

C’est la troisième traversée pour Justine Donnet, qui va abreuver l’exportateur de photos et vidéos. « Les vaches ne sont vraiment pas perturbées du voyage », dit l’éleveuse, rassurée au point de vendre quelques-unes de ses jeunes vaches gestantes à l’export – elles produiront du lait sur place. « Il n’est plus question de faire un voyage sans convoyeur, c’est une sécurité, les animaux arrivent mieux », observe l’exportateur, Jérôme Larroque. C’est une question de « transparence », enchérit Laurent Trémoulet.

L’AFP n’est toutefois pas autorisée à s’approcher du navire de 46 ans, battant pavillon de Guinée-Bissau. Les accès promis se sont subitement rétrécis. Motif invoqué : « Marre de la couverture médiatique » des sujets liés à l’élevage.

Laurent Trémoulet répète que le bien-être animal est une « évidence » pour eux, au-delà des questions morales : « Si une bête arrive en mauvais état, elle n’est plus apte à continuer sa carrière et ça tuerait le commerce. »