Les atouts du fumier de mouton biofermenté désormais ouverts aux grandes cultures
TNC le 20/12/2024 à 05:31
Spécialisée dans la fabrication d’engrais organiques et de biostimulants, l’entreprise OvinAlp Haute Fertilisation est historiquement présente sur le marché de la vigne, de l’arboriculture et du maraîchage, avec pour leitmotiv : « nourrir la terre, respecter la vie ». La société s’ouvre désormais aux grandes cultures avec le lancement de plusieurs solutions hydrosolubles dédiées.
L’histoire entre l’agneau de Sisteron et la famille Giovale remonte. Elle a démarré dans les années 1960, avec Jean Giovale qui livrait le fumier des alpages aux paysans de Provence. Après ses études de commerce, son fils Éric cherche à valoriser cette matière première locale et la rendre plus intéressante pour les agriculteurs.
« La première innovation a été d’en faire un pellet, permettant de concentrer la matière. Dans une tonne de bouchons, vous avez quasiment 4 tonnes de produits pulvérulents », explique Mathieu Giovale, l’un des deux fils d’Éric, aujourd’hui directeur stratégie et développement d’OvinAlp Haute Fertilisation. L’activité se structure ainsi dans les années 80, avec la construction de l’unité de production implantée à Ribiers (Hautes-Alpes) en 1988, puis le procédé a été optimisé au fil des années.
« Quand on est entré dans la société avec mon frère Bastien, on s’est demandé s’il y avait encore des points d’amélioration à trouver, indique Mathieu Giovale. On a travaillé avec notre directeur général, Hervé Bresson, à l’étude et la caractérisation des micro-organismes avec des partenaires, comme le Museum d’histoire naturelle de Paris. De là est né le principe actif OV, avec 600 microorganismes bénéfiques identifiés pour améliorer la fertilité des sols et optimiser la nutrition des plantes. »
Une biofermentation solide de 12 mois
« Le fumier de mouton est récupéré dans un rayon de 100 km autour de Sisteron, grâce à l’agneau IGP de Sisteron (pâturage extensif dans le cahier des charges). Mélangé avec des pulpes de fruits locaux, il va subir un processus de biofermentation solide de 12 mois à l’air libre, qui permet d’enrichir la matière organique en composés stables, précurseurs de l’humus, et d’élever les micro-organismes. »
« Cet « élevage », qui s’exprime en particulier par des montées en température sous l’action des micro-organismes présents, autorise une hygiénisation complète en éliminant les espèces pathogènes, les graines d’adventices et en sélectionnant et multipliant les micro-organismes d’intérêt, au rythme des saisons et des fluctuations du climat. » « Au bout d’un an, une fois que le principe actif est prêt, il est amené à l’usine pour être bouchonné. Cette étape est réalisée à froid, permettant de préserver la vie microbienne pour essayer de la réintégrer au sol ensuite. Mais on peut aussi le mélanger à d’autres matières premières pour créer soit des engrais organiques, soit des organo-minéraux », explique Sarah Jollois, chef produit OvinAlp.
Ouverture au marché des grandes cultures
L’entreprise commercialise ainsi aujourd’hui 55 000 t d’engrais organiques et organo-minéraux par an (45 000 en format bouchons et 10 000 en vrac), dont son produit phare, l’amendement organique MV100, mais aussi 10 000 t de fumiers amendants compostés (3 mois). « On cherche demain à s’adosser à d’autres personnes pour créer des plateformes locales, avec la matière première de qualité qu’on puisse sourcer », indique d’ailleurs Mathieu Giovale. OvinAlp vend également 300 000 l de biostimulants racinaires et foliaires (y compris poudres hydrosolubles).
Historiquement présente sur les marchés de la vigne, de l’arboriculture et du maraîchage, l’entreprise investigue aussi, depuis quelques années, l’usage de ses solutions pour les grandes cultures, au sein de son laboratoire de recherche et d’innovation Magma, créé en 2014 et dans lequel elle investit chaque année 3 % de son chiffre d’affaires.
Cela a permis de développer récemment quatre solutions de fertilisation, à utiliser en enrobage de semences ou en fertirrigation sur grandes cultures avec la mise au point de quatre spécialités microbiennes homologuées, s’appuyant sur des microorganismes sous-représentés dans les sols : A6Mil, N1trium, K4libre, D3Stress.
– « Pour pallier au besoin en phosphore de la plantule, A6Mil (à base de Bacillus amyloliquefaciens) favorise la levée, améliore l’enracinement en augmentant l’utilisation de la réserve utile en eau ».
– « Sur les sols présentant des blocages en azote, N1trium (à base d’Azotobacter vinelandii) permet de fixer l’azote atmosphérique dans le sol et apporte une solution sur les sols dont le C/N est élevé ».
– « K4Libre (à base de Pseudomonas chlororaphis) s’attaque aux sols carencés en potassium et permet de lutter contre les stress abiotiques ».
– « Quant à D3stress, à base de Peanibacillus poymyxa, elle améliore la résistance des cultures aux stress abiotiques ».
Pour ces quatre solutions, OvinAlp propose des formulations « poudre hydrosoluble », et met en avant une « stabilité dans le temps, sans risque de déphasage », ainsi qu’un encombrement moindre. Les essais au champ réalisés montrent « un taux de germination amélioré de 30 % environ sur maïs fourrage en présence d’un des trois produits : A6Mil, N1trium ou K4Libre ». « La biomasse produite en fin de cycle dépasse également les + 30 % avec ces produits par rapport au témoin, voire même jusqu’à + 60 % avec K4Libre. » Selon ces retours, les équipes estiment un retour sur investissement de 100 €/ha.
« On est là pour piquer de l’argent à l’agriculteur, mais notre ambition, c’est de lui en rendre plus, assure Mathieu Giovale. C’est une phrase que je vole à mon père. »
Des solutions microbiennes et non microbiennes
L’entreprise propose également trois autres biotechnologies, mises au point par son laboratoire de recherche autour de solutions non microbiennes : Asco-Tech (algues, phosphore, potasse) qui stimule la croissance et les défenses naturelles des cultures contre les stress abiotiques, Amino-power (acides aminés, phosphore, potasse, oligo) pour stimuler la croissance et le développement des plantes, AA-Perf_WP (acides aminés, potassium) pour améliorer les rendements. L’ensemble de ces spécialités sont, elles aussi, dûment homologuées.
« Si OvinAlp Haute Fertilisation totalise aujourd’hui 30 millions de chiffre d’affaires, l’entreprise entend poursuivre sa croissance, avec l’objectif de 50 millions d’ici 2030, adossé au développement des différentes solutions sur le segment des grandes cultures, mais également grâce à l’ouverture sur de nouveaux marchés, comme le Royaume-Uni, la Belgique, la Suisse, l’Espagne ou encore les Balkans. Les solutions sont déjà disponibles depuis de nombreuses années en Italie, voisine des Alpes du Sud. OvinAlp Haute Fertilisation prévoit en outre l’implantation de sites de production au Brésil et au Vietnam pour s’attaquer à l’Amérique du Sud et à l’Asie. »