Les pays importateurs de broutards inquiets par le déclin du cheptel français
TNC le 13/10/2022 à 05:10
L’export de maigre est un débouché majeur pour écouler les produits de l'élevage allaitant français. Si l'Italie ou l'Espagne ont toujours été des partenaires de choix pour la valorisation des broutards, la diminution du cheptel français commence à avoir des répercussions sur les volumes alloués à nos partenaires historiques.
L’Italie engraisse chaque année plus de 900 000 bovins français (mâles et femelles issus des troupeaux lait et viande). L’Espagne est également un partenaire privilégié de la France, avec environ 460 000 animaux exportés par an. Cependant, avec 457 000 vaches allaitantes perdues entre 2016 et 2022, et plus de 700 000 vaches en incluant le cheptel laitier, les animaux disponibles à l’export se raréfient. Ce constat est d’autant plus alarmant que les projections de l’Institut de l’élevage (Idèle) sur la démographie bovine tablent sur la perte de 483 000 vaches allaitantes à horizon 2030. Dans ce contexte, difficile de contenter nos partenaires historiques, alors que 45 % des mâles issus du cheptel allaitant sont valorisés via l’export de maigre.
Entre – 125 000 et – 219 000 broutards à l’export en 2030
Des simulations effectuées par l’Idele permettent de chiffrer les conséquences de la décapitalisation à l’export. « Si l’on suppose la même orientation des exploitations, c’est-à-dire avec 45 % des broutards mâles issus du troupeau allaitant valorisés à l’export, la décapitalisation devrait entrainer une diminution du nombre de broutards exportés de 125 000 animaux par an en 2030 », alerte Eva Groshens, démographe au département économie de l’Idèle. Cela reviendrait à passer de 747 000 mâles allaitants exportés en 2021, à 622 000 en 2030, sans parler de la diminution du nombre de broutardes, et animaux issus du cheptel laitier disponibles à l’export.
Cependant, pour la démographe bovine, « on observe des premiers signes d’une forme de rétention des broutards vers l’engraissement en France. » Les achats de mâles par les engraisseurs français sont à la hausse sur les derniers mois, alors que les exportations de broutards sont en baisse marquée de 10 % sur les premiers mois de l’année 2022. « Si la France maintenait le nombre de jeunes bovins engraissés sur son territoire, la diminution du nombre de broutards à l’export pourrait atteindre 219 000 têtes, soit une baisse de 30 % des animaux disponibles. »
#Décapitalisation
« Le scénario tendanciel, qui conduira inévitablement à une raréfaction des animaux vifs comme de la #viande disponible, n’est pas souhaitable ni pour notre filière française, ni pour nos clients historiques. »
?? E.Bernard#SouverainetéAlimentaire#SommetElevage » pic.twitter.com/eQYl0jROxN— Interbev (@Interbev_fr) October 6, 2022
Les importateurs italiens prêts à passer des accords
Les broutards français sont une référence pour l’import de bovin vif en Italie : à lui seul, notre voisin transalpin valorisait 77 % des broutards français exportés en 2019. La décapitalisation du cheptel français inquiète les engraisseurs italiens : « Nous sommes très préoccupés par la diminution des exploitations françaises. Nous avons investi dans les filières d’engraissement en Italie, et l’on doit continuer à donner un futur à nos sociétés. Si nous ne mettons pas en place de stratégies, elles fermeront ! » alerte le partenaire Franco Martini, président d’Asprocarne Piemonte, une organisation italienne de producteurs de bovins viande, et membre d’Intercarne Italia.
« L’Italie consomme du JB, la France a besoin de vaches, on devrait pouvoir s’entendre » sourit le marchand italien, qui estime les importateurs prêts à s’engager pour trouver des solutions, voire à contractualiser pour assurer la pérennité des élevages italiens et français. Le commerçant de bestiaux a également confirmé la volonté des acteurs italiens d’aller « chercher de la marge à la vente », plus qu’à l’achat pour garantir la durabilité de la filière.
L’Espagne s’intéresse à la production de veaux de boucherie
Comme en Italie, l’Espagne s’inquiète du manque de disponibilité de broutards sur le marché. « Ce n’est pas un problème de prix, si le coût de production augmente, il est logique de payer plus cher, mais s’il y a moins de production, les entreprises d’engraissement vont perdre en compétitivité » commente Javier Lopez, directeur de Provacuno, l’interprofession des producteurs de viande bovine espagnole, qui croit que la spécialisation des ateliers permet à la filière de gagner en rentabilité. A défaut de broutards français, l’Espagne produit davantage de veaux de boucherie, moins convoités, et proposant des carcasses plus petites.