Les supermarchés, un secteur en pleine mutation
AFP le 05/11/2024 à 16:14
Le vaste plan social annoncé par Auchan mardi, tout comme les difficultés de Casino, illustrent les mutations du secteur de la grande distribution où les plus fragiles souffrent loin derrière le leader incontesté E.Leclerc.
E.Leclerc plus que jamais leader
Sur les quelque 250 milliards d’euros dépensés chaque année par les Français dans des grandes surfaces alimentaires, près d’un quart l’est dans un point de vente sous l’enseigne E.Leclerc, arborée par un total de 734 magasins et 731 « drives ».
Historiquement bâtie sur la promesse de prix bas, l’enseigne a profité de la période de forte inflation sur les étiquettes, depuis 2021, pour accroître ses performances commerciales à des niveaux jamais vus auparavant, dans un secteur où les variations sont habituellement plutôt faibles.
Il a notamment pris le meilleur sur les discounters Lidl et Aldi, qui ont bien moins capitalisé sur cette période. L’implantation du second en France patine, et a déjà coûté 3 milliards d’euros à sa maison mère allemande, avait appris l’AFP en mars.
Plus gros annonceur publicitaire de France en 2023, impitoyable avec ses fournisseurs quitte à se faire sanctionner par les autorités, E.Leclerc est une machine puissante qui impose un rythme pas facile à suivre pour les concurrents.
Casino, déroute et recentrage
Le plus fragile, Casino, n’a pas résisté. L’ancien fleuron stéphanois, qui employait encore 200 000 personnes dans le monde fin 2022, avait grossi en s’endettant. Quand l’inflation a renforcé l’appétence des clients pour les prix bas, il a été étranglé et n’a pu s’aligner sur la concurrence.
Le précédent patron actionnaire, Jean-Charles Naouri, a dû jeter l’éponge. Le groupe a vendu la quasi-totalité de ses magasins grands formats, super et hypermarchés, à plusieurs concurrents, notamment Auchan, Intermarché et Carrefour.
Recentré autour des marques Monoprix, Franprix, Vival ou encore Petit Casino, le groupe ne pèse plus que 9 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel, environ six fois moins que Leclerc. Son nouveau patron, Philippe Palazzi, doit présenter ses ambitions à horizon 2028 mi-novembre, alors qu’un PSE est également en cours et pourrait toucher plus de 3 000 emplois.
Intermarché, Carrefour, la course aux mètres carrés
Les deux principaux concurrents de Leclerc sont Carrefour et Les Mousquetaires/Intermarché. Le premier a croqué en juillet 60 magasins Cora et 115 supermarchés Match, propriétés du groupe belge Louis Delhaize.
Celui-ci employait 22 000 personnes dans le pays, mais Carrefour a d’ores et déjà annoncé prévoir de fermer le siège de Cora en Seine-Et-Marne, 340 postes étant menacés.
Le patron des Mousquetaires Thierry Cotillard a de son côté entraîné le 3e acteur de la distribution alimentaire dans le rachat de près de 300 magasins Casino. Il y voit un moyen de renforcer ce groupement et de le rendre « invulnérable », même si l’opération est jugée risquée par plusieurs spécialistes du secteur.
Les deux opérations n’ont pas encore été validées par l’Autorité de la concurrence, souveraine en matière de contrôle des concentrations. Elles ont toutes deux fait l’objet d’une dérogation. La décision est attendue par Carrefour d’ici mars 2025.
Auchan à la relance
Auchan mise sur la reprise d’une centaine de magasins Casino, notamment implantés dans le sud-est de la France.
Mais le distributeur est en moins bonne forme que ses concurrents. Rien que sur les six premiers mois de 2024, sa holding Elo Groupe a annoncé en juillet une perte nette de près d’un milliard d’euros.
Sa part de marché, à 9,1 % au dernier pointage, en fait le 5e acteur du marché français, derrière Coopérative U (12,2 %), ce qui limite son pouvoir de négociation avec les fournisseurs. Pour remédier à cet écueil, il s’est allié avec Intermarché et Casino pour acheter en commun, pour une durée inhabituellement longue de 10 ans.
Pour réduire ses coûts fixes, il a présenté mardi à ses représentants du personnel un projet de plan social menaçant près de 2 400 emplois en France. Il entend en outre réduire la taille d’une soixantaine de ses magasins, espérant louer les espaces vacants à d’autres enseignes.