Les vaches laitières sont-elles vraiment « toutes cousines » ?
TNC le 20/03/2025 à 05:36
La consanguinité est indissociable de la sélection génétique. En choisissant l’élite d’une population pour la reproduction, on augmente mécaniquement le niveau d’apparenté des générations futures. Mais attention à ne pas trop en abuser. C'est ce que surveille l’Institut de l’élevage avec le rapport Varume, qui fait état de la variabilité génétique au sein des races françaises.
La consanguinité est une problématique en élevage, à tel point que l’on entend parfois dire que les vaches seraient « toutes cousines ». Si le constat est un peu caricatural, il n’empêche qu’il s’en approche pour certaines races.
Pour étudier la consanguinité, les scientifiques étudient des coefficients de similitude génétique. Pour se situer, un accouplement entre deux cousins germains donne un produit avec un coefficient de 6,25 %. Avec une consanguinité moyenne autour de 6,7 % en Abondance, 6,1 % en Montbéliarde et 6 % en Prim’Holstein et Normande, le génome des vaches présente un niveau de similarité équivalent à celui d’individus nés du mariage de deux cousins germains.
Mais cela ne veut pas forcément dire que l’on accouple une vache avec un taureau cousin. La diffusion massive de certaines lignées de taureaux a contribué à réduire la diversité génétique au sein des races. Si les partis mâles et femelles n’ont pas forcément de liens directs entre eux, ils peuvent avoir plusieurs ancêtres communs ce qui conduit à ces coefficients. En bref, on observe une forme d’homogénéisation du génome.
Un haut niveau de consanguinité pour les 3 grandes races laitières françaises
En élevage, le coefficient de 6,25 % est généralement considéré comme une limite raisonnable. Car l’homogénéisation du génome a le défaut — et l’avantage – d’augmenter la fréquence d’individus homozygotes. L’homozygotie peut être recherchée pour fixer des caractères : c’est elle qui fait monter les enchères lorsqu’un taureau homozygote sans cornes monte sur le ring ! Mais elle contribue aussi à réduire la diversité génétique : l’animal n’a qu’une seule version du gène à transmettre à sa descendance. Et cela vaut pour les gènes d’intérêt, comme pour les tares. Les porteurs homozygotes d’une mutation récessive peuvent développer une anomalie génétique jusqu’alors insoupçonnée, et la transmettre.
Une tendance à la hausse en Holstein
Si la Prim’Holstein est souvent présentée comme le mauvais élève de la consanguinité, les trois grandes races laitières françaises sont concernées. Quatre Montbéliardes sur dix affichent un taux de consanguinité au moins égal à 6,25 %. Une Normande sur trois et une Holstein sur trois sont dans le même cas. Mais la Montbéliarde et la Normande sont des races locales. Les races internationales passent entre les mailles du filet grâce à l’import de génétique étrangère. Seule la Prim’Holstein fait exception du fait des échanges réguliers de reproducteurs entre pays.
Mais ce qui fait la particularité de la Holstein, c’est que la race peine à contenir le phénomène. Au-delà des coefficients de consanguinité, « il faut regarder comment elle évolue dans le temps », explique Stéphanie Minery à l’occasion d’un webinaire. « Pour certaines races, la consanguinité augmente plus vite depuis la mise en place de la génomique », poursuit la généticienne. C’est le cas pour la Holstein, mais aussi la Simmental française, la Tarentaise ainsi que la Brune. En cause : une sélection de plus en plus pointue des reproducteurs qui pèse sur les effectifs de mâles. « En Holstein, il y a eu un doublement des effectifs de taureaux d’IA avec le passage à la sélection génomique, mais cela a diminué par la suite ».
À l’inverse, en Normandes et Montbéliardes, la hausse du taux de consanguinité ralentit depuis 2014. En Abondance, la mise en place de la génomique couplée à une revue du schéma de sélection a même permis de faire ralentir sa progression. En 2014, le taux de consanguinité avait progressé de 2,4 %. Il flirte aujourd’hui avec les 0,6 % par an depuis 2016. Preuve en est que s’il est impossible de revenir en arrière, il reste possible de maîtriser la progression de la consanguinité.