Monter un atelier de transformation à la ferme : par quoi commencer ?
TNC le 13/01/2020 à 06:03
Avec déjà plus de 200 éleveurs transformateurs laitiers, la Bretagne est un territoire dynamique et concurrentiel dans ce domaine mais Didier Mahé l'affirme : « il reste de la place ! » Pour ceux qui souhaitent se lancer, dans la région comme ailleurs, le spécialiste des circuits courts liste les grandes étapes du projet et les points de vigilance à ne pas rater.
« Beaucoup de producteurs laitiers se lancent dans la transformation. Ce sont souvent des conjoints ou de nouveaux associés qui rejoignent des structures possédant déjà un bon potentiel de production. En Bretagne, c’est devenu un secteur concurrentiel mais ça ne veut pas dire qu’il n’y a plus de place. Cela incite à faire quelque chose de différenciant, d’une qualité irréprochable », affirme Didier Mahé, responsable des circuits courts à la chambre d’agriculture de Bretagne.
Pour ceux qui réfléchissent à franchir le cap de la transformation, il leur recommande de faire une véritable étude de marché. « Il faut se renseigner sur ce qui se fait déjà et se demander : vais-je vendre une large gamme de produits (ce que beaucoup de producteurs ont en tête au départ) ou me concentrer sur un produit précis que je vendrai à un réseau professionnel du type restaurant, magasin de producteurs, etc. ? »
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Investir dans un atelier de transformation laitière à la ferme
Pour le local de transformation, il faut en général compter entre 1 000 et 1 500 € à nu. Reste ensuite à aménager le laboratoire et là-dessus, Didier Mahé est intransigeant : « Il faut du matériel professionnel. Le lait est un produit acide, il faut donc choisir des matériaux de qualité pour les cuves. Et c’est là que le dimensionnement du projet est très important : la cuve doit être remplie au minimum au tiers de sa capacité totale. Si on choisit une cuve de 100 litres à 6 000 € par exemple, et qu’on se rend compte qu’elle est finalement trop petite, il faudra réinvestir dans une seconde cuve alors qu’une de 200 litres du départ n’aurait coûté que 1 000 € de plus. Autre chose : il faut aussi penser au conditionnement, dont les outils peuvent coûter cher. »
D’où l’importance de se poser les bonnes questions du départ : quelle sera ma période de transformation ? Combien de jours y consacrer par semaine ? Quelle largeur de gamme vais-je proposer ? Quelle quantité transformer ? La Chambre d’agriculture propose d’ailleurs des formations et un accompagnement individuel.
« Autre point à ne pas négliger : le travail. La transformation à la ferme demande plus de main d’œuvre qu’en industrie. Il y a beaucoup plus à porter, à transvaser, etc. Il peut être pertinent d’investir dans des équipements pour se faciliter la tâche comme un chariot élévateur. »
On parle en général d’un investissement compris entre 1 et 2 € des 1 000 litres transformés mais tout dépend du projet et des produits fabriqués.
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Transformer et vendre ses produits à la ferme : deux métiers différents
Didier Mahé met en garde : « Un tel projet doit être porté par tous les associés de l’exploitation pour éviter les tensions concernant la charge de travail et le remplacement potentiel. La maîtrise du produit prend du temps, il faut faire des essais avant d’y arriver. Mais il faut avoir en tête qu’aujourd’hui on n’autorise plus un produit fermier à être bas de gamme ! »
« La personne en charge de la transformation doit vraiment avoir la connaissance de ce que ça représente car on ne pense pas toujours aux tâches moins séduisantes qui y sont associées (nettoyage, colisage, etc.), et l’équipement doit être facilitateur en termes d’organisation de travail. » Autre aspect à ne pas délaisser : le commerce. « Qu’on vende la production sur la ferme ou à des professionnels, des compétences commerciales sont plus que nécessaires. »
Pour se faire un avis sur la transformation et la vente, le professionnel recommande d’ailleurs aux porteurs de projets d’aller visiter des structures déjà en place et même d’autres territoires : « La Bretagne par exemple n’est pas une région avec une tradition de transformation mais la Normandie ou le Nord le sont. » Pour ceux n’ayant pas encore d’attaches, il peut être pertinent de s’installer dans un secteur où l’offre est moins importante. Didier Mahé rappelle d’ailleurs : « De nombreuses fermes sont à transmettre. Reprendre une activité existante pour la développer peut être un bon tremplin. »
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