Perrier : l’appellation « eau minérale naturelle » en jeu


AFP le 10/04/2025 à 09:46

Perrier pourra-t-il garder l'appellation « eau minérale naturelle » ? Des hydrogéologues mandatés par la préfecture du Gard ont rendu un « avis défavorable » pour la production de la célèbre eau sous cette dénomination, a-t-on appris mercredi lors de l'audition du directeur général de Nestlé au Sénat.

Ce rapport d’experts doit contribuer à nourrir la décision de la préfecture et de l’Agence régionale de santé sur le renouvellement de l’autorisation d’exploitation de la source de Vergèze (Gard) sous l’appellation eau minérale.

« Je viens de prendre connaissance de l’avis défavorable rendu par les hydrogéologues et de leurs recommandations concernant la poursuite de l’exploitation des puits pour la production d’eau minérale naturelle », a annoncé Laurent Freixe devant la commission d’enquête sénatoriale sur les eaux en bouteille, ajoutant que « Nestlé Waters [était] en désaccord avec certaines des conclusions de ce rapport ».

Le rapporteur de la commission, Alexandre Ouizille (PS), a ensuite lu un extrait du rapport qui indique que les hydrogéologues ont émis « un avis sanitaire défavorable pour une exploitation en tant qu’eau minérale naturelle ».

Pour être étiquetée eau minérale naturelle, la pureté de l’eau doit être garantie à l’émergence et celle-ci ne doit pas subir de traitement qui modifie la flore microbienne de l’eau.

La pureté à la source remise en cause

La filiale eaux du géant suisse fait l’objet d’une polémique concernant son usage, par le passé, de traitements de désinfection de ses eaux, non dangereux mais interdits pour les eaux minérales.

Le rapporteur s’est étonné que les dirigeantes de Nestlé Waters, Muriel Lienau, et Nestlé France, Sophie Dubois, aient assuré lors d’auditions précédentes que « toutes les eaux » de l’entreprise étaient « pures à la source ».

Le groupe a remplacé ces traitements par une microfiltration dans le cadre d’un plan de transformation validé par le gouvernement, mais les seuils de filtration retenus font débat quant à leur caractère désinfectant ou non, ce qui ferait aussi perdre à l’eau son appellation « minérale naturelle ».

Tout au long de la commission d’enquête, au cours de laquelle plus d’une centaine de personnes, dont trois ministres, ont été auditionnées, Nestlé a défendu la conformité de sa microfiltration.

« Rassurer sur l’avenir »

« Les conclusions des hydrogéologues doivent être intégrées par les autorités régionales et rien n’a été encore décidé », a indiqué Laurent Freixe mercredi. « Mais le message que je veux [faire] passer très clairement, c’est que nous souhaitons continuer à opérer dans la conformité, quel que soit le scénario ».

Les hydrogéologues « donnent des perspectives ou des pistes pour améliorer la qualité de la ressource », a-t-il affirmé, précisant que Nestlé Waters n’avait pas encore eu de « discussion approfondie » à ce sujet mais que le groupe était « prêt » à prendre les mesures nécessaires. La direction de Nestlé Waters a dans la foulée tenu une conférence de presse, indiquant avoir reçu ce rapport de plus de 150 pages « il y a trois jours ».

« Il reconnaît d’abord la stabilité chimique de tous les forages, mais il pointe l’évidence de déviations microbiologiques très ponctuelles et, sur cette base, il émet un avis défavorable », a déclaré Muriel Lienau, depuis Vergèze où elle est allée présenter le rapport « aux équipes et les rassurer sur l’avenir ».

Nestlé assure ne pas vouloir abandonner l’activité « eau »

« Nous nous tenons bien sûr à disposition de l’ARS d’Occitanie et des préfets du Gard pour comprendre les suites qu’ils entendent donner à cet avis, afin de pouvoir envisager de notre côté l’adaptation de la stratégie industrielle de notre site de Vergèze », a-t-elle ajouté, indiquant ne pas connaître la date de décision, mais réitérant la « conviction que ces forages [étaient] conformes à la classification « eau minérale naturelle » ».

L’ARS avait invité en août Nestlé Waters à « s’interroger » sur un autre « usage alimentaire » de son site de conditionnement de Perrier. Le groupe a lancé récemment la marque Maison Perrier, qui ne s’appelle pas « eau minérale » et peut donc faire l’objet de traitements de désinfection.

Devant les sénateurs mercredi, le DG de Nestlé a par ailleurs annoncé le lancement d’une « revue interne en France sur ses pratiques passées ». « Au nom du groupe Nestlé, je souhaite réitérer mes plus sincères regrets pour cette situation du passé », a-t-il dit. Les sénateurs s’étaient plusieurs fois étonnés de l’absence d’enquête interne.

Le DG de Nestlé a enfin assuré que le groupe ne comptait pas sortir de l’activité des eaux : « nous croyons au potentiel de cette activité. Nous cherchons un partenaire, mais il n’est en aucune sorte question d’une vente à 100 % et de sortir de l’activité, absolument pas ».