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Porcs mieux payés : les éleveurs refont du gras sans céder à l’euphorie


AFP le 19/09/2024 à 15:05

Une éleveuse se frotte le menton, pensive. Un autre écoute les explications du vendeur, sourcils froncés. Au salon de l'élevage de Rennes, les producteurs de porcs ont à nouveau les moyens de moderniser leurs exploitations, mais peu sautent le pas.

Dans les allées du salon des productions animales (Space), des éleveurs se penchent sur le matériel présenté, testent la solidité d’un caillebotis en plastique ou le système de fermeture d’une case pour les truies.

L’événement, qui se tient jusqu’à jeudi, rassemble des dizaines de milliers de professionnels dans la capitale de la Bretagne, région qui produit plus d’un porc français sur deux.

Sur le stand de l’équipementier spécialisé Calipro (groupe Cooperl), des devis sont commandés, rarement signés. « On a du passage, mais c’est timide quand même, il y a surtout de petits investissements, de 10 000, 15 000 euros, pour du nettoyage à haute pression… », observe un vendeur, Antonio Beaudet. « Ce n’est pas l’euphorie malgré deux bonnes années. » Même s’ils ont reflué récemment, les cours du porc demeurent à un niveau élevé – un animal se vend autour de 190 euros (60 euros de plus que fin 2021).

Les trésoreries sont regonflées, la crise de 2021-22 remisée au passé. A l’époque, un plan d’aides publiques de 270 millions d’euros était venu au secours des producteurs porcins, faisant grincer des dents les autres secteurs agricoles.

« Rester lucide »

Les prix « donnent un peu d’air pour moderniser les élevages », reconnaît un producteur breton.

Guillaume Méheut présente un robot aspirateur à lisier qui s’installe sous le sol en caillebotis par où s’échappent les déjections des porcs. Dans des exploitations, « il y a jusqu’à un mètre de lisier sous les porcs, avec des émanations d’ammoniac et de méthane. Le robot va passer une trentaine de fois par jour pour collecter ce lisier qui pourra servir à faire du biogaz. Cela a un intérêt pour la planète, le confort de l’éleveur et de l’animal », résume le responsable innovation de Calipro.

Le robot coûte 35 000 euros, auxquels il faut ajouter l’aménagement du bâtiment, l’achat d’une unité de méthanisation…

« Ce n’est pas parce que ça va mieux qu’il faut s’emballer. Il faut rester lucide, ça ne va pas forcément durer », remarque une éleveuse du Sud-Ouest. Le plan d’aides lui avait « permis de passer le cap, mais si les cours n’étaient pas remontés, on serait tous morts », assène la cheffe d’entreprise, rappelant la vulnérabilité du secteur aux variations des cours des grains et de l’énergie.

Les bâtiments d’élevage vieillissent, pourraient être moins polluants, plus confortables pour les animaux et ceux qui s’en occupent… Mais l’âge des exploitants limite aussi les velléités d’investissement.

Un tiers du cheptel porcin est détenu par des éleveurs de plus de 55 ans, selon l’interprofession Inaporc.

Dans la famille Raguin, trois frères d’une soixantaine d’années et le fils de l’un d’eux, Cédric, tiennent une exploitation en Indre-et-Loire qui vend 11 000 porcs par an. Le plus jeune songe à acheter un nouveau système de distribution de nourriture, à passer aux « cases liberté » qui évitent aux truies d’être immobilisées en cage au moment de la mise bas. Mais ce n’est pas forcément le bon moment alors que son père et ses oncles vont prendre leur retraite et qu’il faudra trouver de nouveaux associés… Pour l’heure, Cédric Raguin préfère ne pas trop s’endetter « et dormir tranquillement la nuit ».