Accéder au contenu principal

Pourquoi faire encore des concours bovins en 2024 ?


TNC le 18/10/2024 à 12:01
JersiaisesauSpace

(© Thierry Pasquet)

À l’heure des index et de la génomique, trois éleveurs expliquent pourquoi ils présentent encore des animaux sur les rings.

Éleveuse de Normandes, Mélodie Horvais n’a pas loupé une édition du Space de Rennes en 10 ans. Pour elle, exposer une vache est synonyme de bons moments. « Ça fait du bien à tout le monde de sortir un petit peu de son exploitation », tranche l’éleveuse sur le plateau de la Space TV. « C’est une manière de comparer ce qu’on fait, en génétique, comme sur les fermes », souligne Jean-Marc Lethiec, président de la section bretonne du Herd-Book Limousin. Via les discussions informelles « on se tient au courant de ce qui se passe dans les filières, on discute de nos pratiques », poursuit l’éleveuse de Normandes.

Si la convivialité des concours n’est plus à vanter, ils permettent surtout d’apporter une caution aux structures primées. « Dans le monde de la viande, c’est mieux d’avoir un nom pour vendre des reproducteurs », estime Jean-Marc Lethiec. « Ça permet de mettre en évidence une génétique, un style travaillé… Ou encore le résultat de la génétique d’insémination ». En bref, d’exposer les dernières tendances de la saison. Et la filière laitière n’est pas en reste. « Le but, c’est de créer de l’émulation de la filière en se confrontant aux grands noms de la race », explique Philippe Le Hasif, président de Prim’Holstein 56.

Se faire un nom dans la filière

D’autant que ce genre de reconnaissance favorise les transactions. Au-delà des ventes officielles, les concours sont une vitrine pour la vente de reproducteurs. « Le Space, c’est le salon du commerce », poursuit Philippe Le Hasif. « Tous les ans, il y a des animaux de vendus avant ou après le concours ». Les prix permettent de créer des noms, d’identifier des lignées remarquables… En bref, de structurer un petit peu le commerce de reproducteurs. « Si une vache gagne aujourd’hui et que sa descendance gagne aussi, ça crée un intérêt pour la vente de génisses, d’embryons voire de mâles ». « En bovin viande, il y a des fans de génétiques qui suivent les concours dans les allées ou sur les réseaux pour guetter les reproducteurs de demain », ajoute Jean-Marc Lethiec.

Les concours, c’est aussi une ouverture vers le grand public. « Aller à Paris, c’est une expérience unique pour un éleveur, ça permet de faire connaître le métier », souligne Philippe Le Hasif. « La première question lorsqu’on présente une holstein, c’est pourquoi elle est si maigre », sourit l’agriculteur. L’occasion alors de vulgariser ce qu’on fait auprès des visiteurs.

Il n’y a pas que les visiteurs qui sont séduits par les concours. Dans les allées, en cotte autour des vaches, beaucoup de jeunes s’affairent. « On se rend compte que c’est une ambiance qui plaît aux jeunes. Qu’il y a beaucoup de jeunes qui gravitent autour des concours, à la filière ensuite de les séduire pour les garder dans son giron », lance Philippe Le Hasif. Mélodie Horvais confirme : « s’il n’y avait pas de génétique, ou pas de concours, je pense que je n’aurais peut-être pas de vaches. C’est ce qui permet de faire du métier une passion ».

Un protocole sanitaire national dans les tuyaux

S’il est une ombre au tableau, c’est peut-être l’aspect sanitaire. Entre FCO et MHE, nombre d’éleveurs se posent des questions quant aux déplacements d’animaux. « Il y a toujours une certaine inquiétude, mais on fait confiance à nos instances », estime Jean-Yves Lethiec. « L’inquiétude est partout, mais le protocole avec prise de sang et désinsectisation rassure », ajoute Philippe Le Hasif.

Un mois après l’évènement, l’organisation peut souffler. « Les éleveurs ont été satisfaits du protocole. Le risque zéro n’existe pas, mais nous n’avons eu aucun retour de suspicion de cas après le salon », confie Jean-Yves Rissel, responsable des présentations animales du Space. Face à la multiplication des risques, un protocole national est en voie d’élaboration. « Des discussions sont en cours pour proposer quelque chose de sûr et harmonisé ».

La santé ne se limite pas aux épizooties. « Nous avons fait le pari de changer les ventilateurs dans le hall des bovins pour améliorer l’ambiance dans le bâtiment, et nous avons eu de nombreux retours positifs d’éleveurs », détaille Jean-Yves Rissel. « Les concours reçoivent les meilleurs animaux, alors il faut leur proposer des conditions d’accueils dignes de leur standing », sourit le responsable des concours. D’autant que le Space fournit le gîte, et le couvert. « Le fourrage, séché en grange, est aussi apprécié. Nous donnons un foin équivalent à une VL 18 aux laitières, et un autre un peu moins riche aux vaches à viande. Avec ça, certains éleveurs nous ont même confié faire plus de lait qu’à la ferme ! »