Quels impacts sur les marchés du lait et de la viande ?
TNC le 21/03/2022 à 10:51
Si le conflit russo-ukrainien va ralentir les exportations de produits laitiers comme de viande vers la mer Noire, l'impact direct pour les filières ruminants devrait être moindre, les flux ayant déjà considérablement diminué avec la mise en place de l'embargo russe en 2014.
Les impacts de la guerre en Ukraine sur les filières bovines sont difficiles à quantifier, explique l’Institut de l’élevage dans sa note de conjoncture spéciale Ukraine. Les échanges de produits laitiers et carnés avec la Russie sont limités depuis l’annexion de la Crimée en 2014 et la mise en place de l’embargo russe. L’Ukraine est un petit débouché pour l’Europe, et ne représente que 1 % de ses exportations. Les éleveurs devraient davantage être concernés par les effets indirects de la guerre, comme la réorientation de certains flux commerciaux, et la hausse sans précédent du coût des intrants.
La Russie déjà isolée par les embargos de 2014
La Russie est le deuxième importateur mondial de produits laitiers (4,5 millions de TEL en 2021), derrière le géant chinois (21 millions de TEL en 2021). L’embargo posé par les États Unis et l’Europe suite à l’annexion de la Crimée en 2014 a contribué à renforcer les liens entre la Russie et la Biélorussie : le pays, qui ne couvrait qu’un tiers de importations russes avant 2014, répond maintenant aux deux tiers de ses besoins. La Nouvelle-Zélande en a également profité pour développer ses exportations de produits laitiers. L’Europe, qui exportait pour 1,6 milliard d’euros de produits laitiers en 2013, ne commerçait plus que pour 250 millions d’euros avec la Russie en 2020.
Les importations russes n’ont cependant pas retrouvé le niveau d’avant 2013. La Russie mise notamment sur l’amélioration de son autonomie alimentaire, avec une progression modeste de sa production laitière de l’ordre de 1 % par an. La croissance de la collecte russe est portée par le développement de grandes sociétés laitières qui compense le déclin des petites structures. Ces sociétés ont bénéficié d’un plan gouvernemental qui visait à faire de la Russie une puissance exportatrice de produits laitiers à horizon 2025.
Premier importateur mondial de viande bovine en 2014, la Russie est passée au quatrième rang en 2015. La mise en place de l’embargo russe a drastiquement diminué les importations de viande russes, et a chassé l’Europe de ses flux commerciaux. La Russie, qui importait 830 000 téc en 2014 de viande bovine, importe 317 000 téc en 2021, soit un repli de 62 %. Comme pour le lait, le principal fournisseur de la Russie est la Biélorussie. Viennent ensuite les membres du Mercosur.
L’Ukraine, un petit importateur sur les marchés du lait et de la viande
Sur le marché des produits laitiers, la Russie a longtemps été l’un des débouchés majeurs de l’Ukraine. L’annexion de la Crimée en 2014 l’a conduite à trouver de nouveaux partenaires commerciaux, avec l’ex CEI (Communauté des États Indépendants), composée de la Moldavie, du Kazakhstan, de la Géorgie et de l’Azerbaïdjan, ainsi que l’Europe.
L’embargo russe n’a cependant pas été sans conséquences pour les exportations ukrainiennes : le pays réalisait plus de 70 % de ses exportations vers son voisin russe. Les exportations de fromage, qui avoisinaient les 59 000 t en 2013, sont tombées à 7 000 t en 2021. Si les industriels se sont réorientés vers la fabrication de poudre, l’Ukraine a été marquée par un important déclin de sa production. Ses exportations de produits laitiers ont été divisées par deux en dix ans, jusqu’à présenter en 2020 un solde commercial négatif de 99 millions d’euros sur les échanges de produits laitiers.
Dans le même temps, ses importations de produits laitiers ont été multipliées par quatre entre 2016 et 2020, au bénéfice de l’Europe des 27 qui fournit 90 % des importations ukrainiennes. Les 130 000 t de produits laitiers importés par l’Ukraine en 2021 ne représentent cependant que 4 % de la consommation intérieure en équivalent lait.
Sur le marché de la viande bovine, les importations ukrainiennes sont faibles. Si historiquement, c’est le Brésil qui répondait à la demande du pays, la réorientation de ces flux vers la Chine a contribué à rapprocher l’Ukraine des producteurs européens, avec la mise en place d’un accord de libre échange en 2016. Les volumes engagés demeurent cependant assez faibles, dans un pays où le taux de pauvreté est plus important que sur le reste du continent européen.