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Races allaitantes : les vaches auront-elles encore des cornes demain ?


TNC le 06/01/2025 à 05:13
Taureauaubrac

Le gène sans cornes se développe dans le monde de la viande, et la plupart des OS travaillent à sélectionner des animaux pour diffuser le gène "polled" sur le troupeau français. (© FLoB AdobeStock)

Que les défenseurs des cornes se rassurent, elles ont encore de beaux jours devant elles, mais petit à petit, le gène polled (sans corne) se développe dans le troupeau allaitant. Manipulation des animaux, comportement, places aux cornadis… Les têtes nues séduisent de plus en plus d’éleveurs pour des raisons de sécurité, et de bien-être animal.

À mauvaises vaches, Dieu donne courtes cornes entend-on parfois dans les campagnes. Encore aujourd’hui, nombre d’agriculteurs restent férus de longs guidons ! D’après un sondage réalisé sur Web-agri (518 votants en novembre 2024), 19 % des éleveurs recherchent des animaux cornus. Mais pour les autres, ce ne sont pas les cornes qui font la viande. 54 % des répondants écornent ou ébourgeonnent, et 27 % misent sur la génétique sans cornes.

Car les cornes ont une histoire. Il y a une dizaine d’années, le projet de l’UPRA Aubrac de proposer des vaches sans cornes avait fait trembler tout le plateau. Pour certains des éleveurs : pas question de transformer ces animaux rustiques en bêtes de stabulation. « Une Aubrac sans cornes, ça n’est pas une Aubrac », soufflent les anciens. Véritable arme de défense contre les prédateurs, les cornes font parfois partie des standards raciaux.

Un gène d’origine scandinave

Mais le sans cornes a aussi son histoire. Né en Scandinavie, le gène polled aurait été importé par les Vikings sur les îles anglo-saxonnes. Cette sélection archaïque a permis de faire naître les Angus et Galloway d’aujourd’hui, tous dépourvus de cornes. Alors si même les Vikings évitaient les cornes, pourquoi pas les éleveurs d’aujourd’hui ?

Réduction du risque de blessures, calme dans le troupeau, diminution de la hiérarchisation… Les têtes nues ne manquent pas de vertus. « C’est moins de stress pour l’éleveur, et plus pratique pour la sécurité au quotidien », résume Julien Poussier technicien création génétique pour Origen Plus. D’autant qu’elles permettent d’éviter la tâche peu ragoûtante de l’écornage. « On ne sait pas comment va évoluer la réglementation, mais il est certain qu’on se dirige vers un encadrement de plus en plus strict des pratiques », estime le technicien.

Attention à l’effet de mode

Mais le but n’est pas de sacrifier des caractères d’intérêt avec les cornes. « Attention à l’effet de mode », avertit Julien. « Je conseille toujours d’acheter des taureaux issus d’exploitations qui font du contrôle de performance, et de choisir des animaux éprouvés, même pour du sans cornes ». L’idée étant de ne pas altérer le niveau génétique du troupeau pour une simple histoire de ramure.

Diversifier les origines pour éviter la consanguinité

Attention également à diversifier les origines. Il peut être tentant d’utiliser des taureaux homozygotes pour faire absorber rapidement le gène par le troupeau. Le gène polled a l’avantage d’être dominant, cela veut dire que tous les produits d’un taureau homozygote seront non cornus. « Cela peut être intéressant de positionner ce genre de taureau sur des bonnes vaches, ou sur des races qui commencent à travailler le gène, mais c’est à utiliser avec parcimonie », tranche Julien. Une fois les produits sans cornes obtenus, mieux vaut les réaccoupler avec des taureaux cornus. Une manière de garder de la diversité au sein de la race.

Les hétérozygotes ne sont pas dénués d’intérêt. « Les taureaux sont plus facilement disponibles, et surtout moins coûteux ». Accoupler un hétérozygote avec une vache cornue donne une probabilité d’obtenir un animal sans cornes de 50 %. Un accouplement de deux hétérozygotes fait monter la probabilité du produit sans cornes à 75 %. Une manière de progresser lentement, mais sûrement.

Longtemps, les taureaux sans cornes ont eu réputation d’être moins bons que les cornus. Pour Julien Poussier, la sélection sans cornes est arrivée à maturité dans les grandes races allaitantes. « Aujourd’hui, sur les taureaux d’IA, les épreuves de sélection sont les mêmes pour un taureau cornu que pour un polled ». Le nombre d’animaux sans cornes sur le marché ne cesse d’augmenter, et permet de travailler le gène en évitant la consanguinité.

Certains préjugés ont la vie dure. Des éleveurs considèrent les animaux polled plus nerveux. Mais pour le sélectionneur, il n’y a pas lieu de s’inquiéter. « Le comportement des bovins est assez peu héritable. Sur une échelle de 0 à 1, le caractère se situe entre 0,1 et 0,4 selon les races à viande ». En bref, la génétique a peu à voir avec le comportement. D’autant que le gène sans cornes provient généralement d’un croisement avec l’Angus, une race réputée pour son calme. « Je dirais plutôt que l’absence de cornes supprime du stress, avec moins de comportements de dominance ». Attention toutefois au mélange cornu — non cornu au sein d’un même troupeau.

Reconnaître à l’œil les animaux sans cornes

On entend parfois dire que les bovins non cornus n’ont pas les mêmes têtes. Ça n’est pas tout à fait faux. « Les Blondes sans cornes ont le haut de la tête un peu plus rond et court », confirme Julien. Sur les Limousines, la forme varie également un petit peu, mais elle est plus difficile à repérer. Mais c’est peut-être sur les Charolaises que l’impact est le plus grand : « les vaches sans cornes ont des cils beaucoup plus touffus, comme s’il y en avait deux rangées, ou qu’elles étaient maquillées », constate le sélectionneur. Ces caractéristiques aident à détecter les animaux à l’œil nu.

Mais pour reconnaître les animaux sans cornes, le génotypage reste l’option la plus fiable. Car aussi contre intuitif que cela puisse paraître, il est possible d’avoir des animaux porteur du gène polled avec de petits cornillons. Les chercheurs ont constaté qu’avec le développement du sans cornes, certains animaux « polled » présentaient des excroissances au niveau du crâne. Plus que de vraies cornes, il s’agit de « scurs », ou des appendices non reliés au crâne de l’animal. Cela se matérialise soit par des bourgeons desquamants, soit par des petits cornillons ou cornes branlantes. Le projet AcroPolled, porté par Apis-Gene vise à étudier les régions du génome qui jouent un rôle sur l’apparition des cornes pour éviter d’éventuels variants délétères.