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Étude CapsAgri

Salariat : comment limiter travail précaire et turn-over


TNC le 28/09/2023 à 05:18
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Comment recruter et fidéliser des salariés en élevage laitier ? (©Adobe Stock)

Ces chiffres interpellent, alors que les besoins de main-d’œuvre en bovins lait n’ont jamais été aussi prégnants. Là se situe pourtant l’une des principales clés pour recruter et fidéliser les salariés. À partir d’un état des lieux de la situation, basé sur plusieurs enquêtes terrain, le projet CapsAgri vise à proposer des actions concrètes afin de répondre à cet enjeu encore plus crucial dans les années à venir, vu le nombre d’éleveurs bientôt à la retraite.

D’ici 2026, 50 % des éleveurs bovins laitiers auront plus de 60 ans. En parallèle, la main-d’œuvre familiale diminue au profit du salariat. Au total, l’agriculture compte 1,2 million de salariés, soit 47 % en équivalent temps plein. Dans la filière laitière, la part salariale équivaut à 16 % des ETP. De prime abord, ces chiffres sont plutôt encourageants pour le travail salarié agricole.

« Pour autant, 50 % de celui-ci s’effectue sous statut précaire (temps partiel, contrat saisonnier) et le turn-over est important : 20 % des personnes en poste en 2010 le sont encore 10 ans plus tard », nuance Emmanuel Béguin, responsable du service « approche sociale et travail en élevage » à l’idele, lors de la conférence « Salariat en lait : enjeux et leviers pour renforcer l’attractivité du métier ».

Pénibilité, bas salaire, mauvaise image = métier peu attractif

Des difficultés donc à fidéliser et aussi recruter les salariés agricoles : « le métier est peu attractif comparé au salariat dans d’autres secteurs, et même en productions végétales, pour des questions de pénibilité/astreinte, de faible rémunération (inférieure de 20 % par rapport à l’industrie), de mauvaise image ou simplement de méconnaissance », appuie-t-il.

L’enjeu est donc, d’abord, de mieux faire connaître et donner une vision plus positive du salariat en élevage laitier. Ceci afin d’attirer des personnes non issues du milieu agricole. « N’oublions pas que seuls 10 % d’enfants d’agriculteurs/agricultrices suivent des études agricoles », rappelle Emmanuel Béguin.

Personnes non issues du milieu agricole : nécessaire de les attirer

D’où la nécessité de leur proposer des formations adaptées à leurs besoins de compétences, et aux évolutions en cours dans l’agriculture (développement des circuits courts, de l’agroécologie, des nouvelles technologies, adaptation au changement climatique…) et, parallèlement, de faciliter leur intégration dans le monde agricole.

Seuls 10 % d’enfants d’agriculteurs en formation agricole.

Du côté des éleveurs employeurs, ce sont les aptitudes managériales qu’il faut renforcer et faire évoluer en fonction de ces nouveaux publics. « Il faut également travailler sur la place des femmes qui représentent 36 % des salariés agricoles », complète Emmanuel Béguin.

Salariés et éleveurs interrogés

Pour répondre à ces problématiques, et cibler les actions à mettre en place, le RMT Travail en élevage a initié le projet CapsAgri en partenariat avec l’idele, les chambres d’agriculture, la MSA, Vivéa, le réseau des Cuma, les services de remplacement, Trame, AgroSup Dijon, la Bergerie nationale.

80 enquêtes qualitatives ont été menées auprès de salariés et d’éleveurs employeurs de main-d’œuvre (dont une quinzaine dans des exploitations laitières et une quinzaine auprès de tiers employeurs).

40 ont été conduites auprès d’acteurs de l’emploi et de la formation (dont des tiers employeurs comme les Geiq l’enseignement agricole, des syndicats et fédérations d’agriculteurs, d’autres organismes agricoles, etc.). Trois réunions participatives, d’une cinquantaine de participants, ont permis de confronter les points de vue des différents acteurs.

En amont : communiquer plus et autrement

Et tous les échanges pointent bien évidemment les constats précédemment cités et, derrière, l’intérêt de parler davantage et autrement du salariat en élevage, via « une communication d’envergure afin de sensibiliser les jeunes, mais aussi leurs parents, leurs conseillers d’orientation et l’enseignement général ».

« Certes, de nombreuses initiatives existent mais sont-elles suffisamment ciblées, harmonisées et évaluées pour être lisibles », interroge Emmanuel Béguin.

De manière générale, les parcours d’insertion doivent être mieux structurés et les immersions (vidéos, casques de réalité virtuelle, visites d’exploitations et stages en fermes) doivent être systématisées, auprès des demandeurs et conseillers emploi hors milieu agricole.

Tout comme, à l’inverse, l’offre de services et d’outils disponibles pour les autres secteurs économiques doit être vulgarisée auprès des éleveurs employeurs de main-d’œuvre.

Mieux accompagner le parcours d’emploi

« L’organisation complexe des acteurs de l’emploi et de la formation. Malgré un maillage dense dans les territoires, les monde agricole et non agricole communiquent peu, le salariat en agriculture est peu visible et les actions mises en œuvre sont disparates et mal coordonnées », analyse Emmanuel Béguin.

Pour y remédier, l’étude incite à accroître le travail transversal entre les divers intervenants, « pour une meilleure concertation et coopération, tout en évitant les écueils de la centralisation et de la dispersion des moyens ».

Former employés et employeurs

Comme évoqué plus haut, développer les compétences paraît indispensable.

Au niveau des éleveurs, il s’agit de « diversifier l’offre et les modalités de formation, avec des propositions en initial, d’accompagnement plus personnalisé, de diagnostic RH, de coaching, de partage d’expérience… ». « L’accent doit être mis sur les conditions et la qualité de vie au travail », insiste Emmanuel Béguin. « Pourquoi pas un passage plus systématique par des tiers employeurs (Gieq par exemple), qui se chargent des ressources humaines », suggère-t-il.

Accompagnement personnalisé, diagnostic RH, coaching…

Quant aux salariés, ils doivent disposer d’une offre de formation centralisée et de parcours qui puissent être valorisés, notamment lorsque ceux-ci ne sont pas diplômants. Les possibilités de se former au sein de l’exploitation, mais également à l’extérieur, sont à encourager.