Sécuriser les élevages, vacciner, tester : les pistes pour contenir la maladie
AFP le 01/04/2022 à 10:05
Pour espérer réduire l'ampleur des épisodes de grippe aviaire, il faudra des pratiques plus rigoureuses dans les élevages, mais aussi certainement vacciner et tester plus souvent les volailles, estime un expert de l'agence sanitaire Anses dans un entretien à l'AFP.
L’épizootie 2021-2022 est la plus sévère qui ait touché la France, avec plus de 1 100 foyers en élevage et plus de dix millions de volailles abattues.
L’explosion des cas en Vendée depuis février a surpris tout le monde. Le département compte désormais davantage de foyers (500 au 31 mars) que le Sud-Ouest, régulièrement affecté depuis 2015 par le virus qui circule parmi les oiseaux migrateurs.
Selon les investigations de l’Anses, les premiers foyers vendéens ont « vraisemblablement » pour origine une introduction par la faune sauvage à l’occasion de la migration remontante, une « première », retrace Gilles Salvat, directeur général délégué au pôle recherche de l’agence sanitaire.
Des oiseaux qui ont hiverné en Afrique, dans le sud de l’Europe ou du bassin méditerranéen « sont remontés avec une très forte contamination, suffisante pour contaminer les environnements des élevages ».
Ensuite, le virus s’est probablement transmis notamment via les bouches de ventilation des bâtiments : « Des élevages distants de moins de 500 mètres peuvent se contaminer l’un l’autre par les nuages de poussières chargés de virus. » Au-delà de la région Pays de la Loire, d’autres « spots se sont allumés » récemment en Bretagne ainsi que dans le Cantal et le Lot voisin.
« On a longtemps dit que la période à risque était du 15 novembre au 15 janvier », remarque Gilles Salvat. « Si la migration remontante est aussi massivement contaminée dans les années qui viennent, la période à risque va s’étendre sur presque la moitié de l’année et c’est un vrai problème, notamment pour les volailles élevées en plein air. » Des organisations comme la Confédération paysanne demandent la fin de l’obligation de confiner les volailles en période à risque, jugeant la mesure inutile et délétère pour l’élevage fermier.
La contamination de volailles en bâtiment ne remet « sûrement pas » en cause cette « mise à l’abri », estime Gilles Salvat.
« Des volailles à l’extérieur, ça attire les oiseaux sauvages et on sait que c’est autant de possibilités d’introduction du virus. Ce qui ne veut pas dire que le fait de les mettre à l’abri soit une garantie », poursuit-il.
Il faut une « pratique quotidienne extrêmement exigeante » de la biosécurité afin d’éviter que le virus n’entre via le matériel et les personnes (éleveurs, mais aussi attrapeurs de volailles, équipes de vaccination…).
Reste que « la biosécurité et l’élevage sous abri ne suffisent visiblement pas à éviter l’introduction et la propagation d’un virus comme celui-là », a fortiori dans des zones comptant une très forte densité de volailles.
Pas de vaccin avant 2023
La France s’apprête à lancer l’expérimentation de deux vaccins contre la grippe aviaire chez les canards à foie gras dans l’espoir de freiner la diffusion.
Plusieurs obstacles doivent être levés avant d’espérer une vaccination « au mieux pour l’hiver 2023-2024 ». Outre « le temps de la science », il faut compter sur celui « de la diplomatie et de la réglementation ».
L’Union européenne exclut pour l’heure la vaccination contre l’influenza aviaire pour préserver des marchés à l’export qui redoutent d’être affectés via des volailles vaccinées, le sérum n’empêchant pas l’excrétion du virus.
Il faut « expliquer aux pays tiers qu’on est capables de différencier les animaux infectés des animaux vaccinés », dit Gilles Salvat.
Les chercheurs travaillent aussi à mettre au point des tests « pas coûteux », « rapides » et « très sensibles » qui pourraient être utilisés par les vétérinaires mais aussi les éleveurs afin de « tester plus souvent les volailles » et détecter le virus même chez des animaux asymptomatiques.
« La combinaison des trois facteurs – biosécurité, vaccination, augmentation de la fréquence des tests » va « peut-être permettre de mieux maîtriser à l’avenir » ces épisodes, espère Gilles Salvat.
« Le facteur principal restant qu’il faudrait qu’on ait une diminution de la contamination de la faune sauvage pour y arriver aussi. Mais ça, ça ne dépend pas de nous. »