S’inspirer de nos voisins pour mieux valoriser les veaux laitiers
TNC le 16/03/2022 à 06:03
Les faire partir à l'export pour qu'ils soient engraissés à moindre coût n'est pas spécialement la meilleure option pour valoriser nos veaux mâles laitiers. Doit-on rester sur une production de veaux de boucherie, ou revenir sur des JB ou des bœufs ? Focus sur les pratiques de nos voisins (qui fonctionnent plus ou moins bien).
Aujourd’hui, plus de la moitié des veaux laitiers français non conservés pour le renouvellement sont engraissés sur le territoire en veaux de boucherie. Pour autant, une grande partie part aussi en Espagne ou en Italie. Mais cela nous dessert doublement : le cours des veaux vifs reste très bas, et cette viande espagnole revient ensuite nous concurrencer sur les marchés. Sans parler du transport des animaux vifs qui dérange de plus en plus… Alors que faire de ces veaux ?
« Il n’y a pas d’équation parfaite » pour mieux valoriser les veaux sur le marché, affirme l’Institut de l’élevage en publiant un dossier sur les pratiques de 10 grands pays laitiers. « Toutes les valorisations trouvent des débouchés, sur le marché local ou à l’export. L’analyse de la variété des solutions développées dans ces différents pays est là pour nourrir les réflexions en cours en France. »
La valorisation des veaux laitiers par pays
Des veaux de boucherie abattus avant 8 mois
Aux Pays-Bas, premier producteur européen de veaux de boucherie (dont les 2/3 sont importés), les animaux sont abattus à moins d’un an sous deux filières :
- Le veau blanc, nourri de poudre de lait et d’aliments solides, est abattu à 6-7 mois (à noter : production intégrée),
- Le veau rosé, nourri comme le veau blanc pendant 2 mois, puis d’aliments solides exclusivement, est abattu à 7-8 mois (voire 10 mois en perdant l’appellation).
Ces filières présentent des coûts de production relativement faibles (4,84 €/kg de carcasse pour le veau blanc, et entre 3,40 et 3,69 €/kg pour le veau rosé). Mais elles pourraient bien évoluer car elles ne sont plus en phase avec la demande sociétale sur le bien-être animal. La filière néerlandaise tente cependant de la faire évoluer avec la création de label.
En Suisse, plus de la moitié des veaux sont engraissés en veaux de boucherie à moins de 160 jours pour 130 kg de carcasse en moyenne. La particularité : 2/3 des élevages sont des exploitations laitières qui engraissent elles-mêmes les veaux nés sur la ferme. Ce sont des petits ateliers de 10 à 30 veaux engraissés par an. Le reste de la filière est constitué d’élevages spécialisés. Mais en Suisse, l’accent est mis sur le bien-être animal, avec des programmes d’aides pour les éleveurs sur l’aménagement des bâtiments et l’accès au plein air.
Le Québec (qui produit 80 % des veaux lourds canadiens), possède deux filières de veaux gras :
- Le veau de grain dont l’élevage passe par deux étapes : la pouponnière (atelier de démarrage à la poudre de lait + maïs grain et complément), et la finition (atelier d’engraissement au maïs grain + compléments). Ces deux phases ne se pratiquent pas forcément sur les mêmes exploitations.
- Le veau de lait : alimentation lactée complétée d’aliments solides. À noter : cette filière est en net recul.
Mais les coûts de production élevés et la menace de l’import (avec la Nouvelle-Zélande qui concurrence le Québec notamment), la filière pourrait bien être réorganisée d’ici peu.
Des jeunes veaux rosés
Au Danemark, le croisement viande sur vaches laitières se développe pour valoriser les veaux sur des conduites courtes, notamment le « rosé veal », principale valorisation des veaux mâles laitiers du pays (soit 50 %, contre 25 % pour la filière « très jeune bovin » entre 12 et 14 mois, et 15 % pour l’export vif).
Dans cette filière, les animaux sont abattus entre 8 et 12 mois avec un objectif de 220 kg de carcasse. Ils arrivent à l’âge de 4-5 semaines chez l’engraisseur qui assure le sevrage et leur distribue ensuite une ration sèche (foin ou paille + céréales) ou une ration à base d’ensilage de maïs (+ céréales et correcteur azoté). L’objectif de croissance est soutenu : de 1 000 à 1 200 g/j.
Un abattage à moins de trois semaines
En Nouvelle-Zélande où les élevages laitiers sont calés sur la pousse de l’herbe (comme en Irlande – cf. dernier paragraphe de l’article) avec des vêlages groupés de printemps (chez eux entre juillet et septembre), les éleveurs doivent gérer un grand nombre de veaux sur une courte période. 38 % de ces veaux deviennent ce qu’on appelle des « bobby calves ». Ils sont collectés à moins de deux semaines pour être abattus à un poids très faible (entre 20 et 40 kg). Leur viande est transformée en petfood ou elle est hachée et exportée (principalement vers les USA, le Liban, l’Égypte ou encore quelques pays d’Asie).
Pour le reste des veaux, ils sont soit gardés pour le renouvellement (les femelles seulement), soit engraissés en taurillons, mais cela reste très marginal. Pour autant, la Nouvelle-Zélande a la volonté d’améliorer ses filières (les bobby calves posant notamment des questions de bien-être animal).
Les États-Unis abattent également une partie de leurs veaux très jeunes. Ils les appellent les « bob-veal ». Ils sont abattus à quelques jours entre 35 et 70 kg vif et leur viande entre dans la fabrication des saucisses de type hot-dogs et les viandes transformées. Ils ont également deux autres types de veaux (à noter : la production de viande de veau y a été divisée par 2 en 10 ans pour s’établir à 30 000 t en 2020) : le formula-fed (proche du veau de lait, abattu à 18-20 semaines entre 200 et 230 kg vif), et plus marginal : le non-formula-fed (élevé aux céréales, foin et autres aliments solides).
Des taurillons plus ou moins jeunes
L’Espagne notamment est LE champion européen de la valorisation des petits veaux laitiers en taurillons, avec des ateliers de démarrage spécialisés puis des fermes d’engraissement de grandes tailles. Les coûts de production y sont maitrisés (1 UMO pour 800 à 1000 JB, des gros volumes d’aliments négociés avec une moyenne de 180 t d’aliment/mois pour 1000 places de JB…).
Des bouvillons (mâles castrés)
Les bouvillons (des jeunes boeufs castrés) constituent une production traditionnelle des pays anglo-saxons. Aux États-Unis, c’est cette conduite qui est majoritairement utilisée pour valoriser les veaux mâles. Une fois sevrés et castrés, les veaux sont conduits en feedlots avec des rations denses en énergie (céréales ou coproduits), et un recours aux hormones. L’objectif est d’abattre les animaux à 15-16 mois pour un poids vif de 640 kg, soit un GMQ proche des 1 600 g/jour. Cependant, depuis 2016, la filière connait un plafonnement lié à une perte de débouchés. Les prix des bouvillons ont chuté, entrainant une perte de résultat des ateliers d’engraissement estimée à 530 M€/an.
Le Québec réfléchit quant à lui sur la réorientation de sa production de veaux gras en bouvillons. En effet, face à la concurrence accrue des importations qui fait faiblir sa filière veau de lait, et la diminution du cheptel allaitant du pays, cette filière semble avoir de l’avenir.
Le croisement avec des races à viande
De plus en plus plébiscité (notamment via le sexage des semences permettant d’assurer un renouvellement suffisant), le croisement viande sur vaches laitières permet de sortir des animaux à cycles d’engraissement plus courts. Il se développe en France mais aussi chez nos voisins danois et suisses par exemple. Cette catégorie de veaux croisés -mieux valorisables que du pur laitier- pourrait par ailleurs résoudre quelques problèmes d’éthiques dans les pays qui se débarrassent des veaux mâles en les abattant très jeunes.
L’Irlande use déjà beaucoup de cette pratique : 42 % de ses naissances laitières sont des veaux croisés lait/viande. Dans le pays, les vêlages sont groupés au printemps pour maximiser la conduite à l’herbe (comme en Nouvelle-Zélande). Les veaux croisés sont élevés en bœufs et génisses et sont abattus en fonction de leur précocité en fin d’hiver ou début d’été (après valorisation de l’herbe au printemps – l’objectif étant de minimiser l’hivernage en bâtiment). Pour les mâles purs laitiers, ils sont abattus soit :
- en JB à la fin de l’automne (16-18 mois),
- en bœufs en sortie d’hiver (24 mois) ou en été (28 mois).
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