Trois conseils de Cyrille Herbert, jeune éleveur (35), pour s’installer en lait
TNC le 24/10/2022 à 08:48
Cyrille Herbert a repris en 2014, en Ille-et-Vilaine, une ferme laitière en hors cadre familial. Faire évoluer le système en fonction de ses envies, investir progressivement, réfléchir à la charge de travail selon la main-d'œuvre disponible... avec huit ans de recul, et prenant exemple sur sa propre expérience, le jeune éleveur prodigue quelques conseils aux futurs installés.
« Ce n’est pas parce qu’on reprend une ferme, produisant du lait avec du maïs et du correcteur azoté, qu’on est obligé de rester dans le même schéma », met en avant Cyrille Herbert, jeune éleveur laitier, installé en 2014 en hors cadre familial, à Saint-Brice-en-Coglès (Maen Roch) en Ille-et-Vilaine. Interrogé par la rédaction lors du Space 2022, suite à une table ronde à l’Espace Jeunes, nouveauté de cette édition pour promouvoir les formations et métiers de l’agriculture et de l’élevage auprès des lycéens, il donne trois principaux conseils aux futurs installés, s’appuyant sur son expérience et ses huit ans de recul par rapport à son installation.
1er conseil : n’hésitez pas à modifier le système
« Notre grande force, à nous agriculteurs, c’est qu’on peut évoluer comme nous le souhaitons. C’est nous les maîtres du jeu », insiste Cyrille Herbert. Un principe qu’il s’est lui-même appliqué pour sa reprise d’exploitation, ayant arrêté l’atelier allaitant pour se concentrer sur le lait, avec toutefois quelques bœufs engraissés à l’herbe et vendus en direct. Si la première année, il a conservé le système du cédant, « pour faciliter les choses », il opère ensuite un changement radical mais progressif, en augmentant petit à petit la surface herbagère, notamment celle de pâtures pour les vaches comme les génisses. Mieux vaut en effet, selon lui, rester prudent et ne pas tout bouleverser d’un seul coup. D’ailleurs, en parallèle, il s’est formé à la conduite de l’herbe et du pâturage.
On n’est pas obligé de garder le schéma du cédant !
Notre grande force, en agriculture, est de pouvoir évoluer comme on le souhaite !
Aujourd’hui, plus de 80 % de la SAU est en prairies. Et à la place du maïs toute l’année, le troupeau est au pâturage 250 jours par an. « Les exploitants en place, comme les porteurs de projets, doivent se remettre en cause régulièrement face aux évolutions de pratiques et surtout au changement climatique », estime le jeune producteur de lait. C’est à eux de changer leur mode de production comme ils en ont envie et pas seulement en fonction de ce que disent les parents et les organismes agricoles. » Pour aider à avoir cette « ouverture d’esprit », il recommande de ne pas s’installer tout de suite en sortant de l’école et d’aller voir d’autres fermes, grâce par exemple au salariat et/ou au service de remplacement comme lui. Bonne nouvelle : c’est ce que compte faire de nombreux lycéens ayant participé à l’Espace Jeunes.
2e conseil : ne pas trop investir au départ
« Les jeunes croient souvent qu’ils doivent réaliser tous les investissements prévus dès l’installation. Certains sont nécessaires, d’autres peut-être moins ou pas tout de suite, l’exploitation pouvant « rouler » comme ça 4-5 ans », le temps de la prendre en main, d’ajuster ses objectifs technico-économiques et « sa façon de travailler », explique Cyrille. À la clé : une meilleure anticipation et adaptation aux besoins de la structure et des producteurs. Avant d’investir, lui-même a attendu huit ans, et d’être en régime de croisière depuis deux ans.
Ainsi, il a pu prendre en compte la réorientation de son système. Résultat : on voit mieux quel équipement choisir, ce qui est financièrement envisageable et quand. « Il est préférable de différer la construction d’un bâtiment que de se retrouver avec une stabulation qui ne convient pas ! », lance-t-il. La preuve : s’il avait déplacé dès le début le bloc traite, un peu trop éloigné, cela aurait été au détriment des pâtures !
Cela permet de bien adapter les équipements aux besoins.
3e conseil : attention à la charge de travail
« Pas mal de lycéens rencontrés à l’Espace Jeune au Space vont s’installer avec leurs parents, c’est très bien, mais peu anticipent leur départ en retraite ou alors uniquement en s’équipant ou embauchant. Mais deux salariés agricoles ne feront pas les mêmes heures ! », alerte l’éleveur. Et encore faut-il en trouver, pouvoir les payer et les garder. « Pourquoi pas plutôt diminuer le volume de production ?, suggère-t-il. Certains en ont parlé, mais pas la majorité. Pourtant, la charge de travail est un réel enjeu pour les installations à venir. » La plupart des jeunes, qui ont pris la parole, veulent en particulier des vacances. Cyrille, lui, s’accorde cinq semaines par an et vise même à terme une par mois et 35-40 h de travail hebdomadaires. Il précise : « Le soir, on mange à 19 h. Ma femme, qui n’est pas du milieu et travaille à l’extérieur, y tient. »
Pourquoi pas diminuer le volume de production ?
Cyrille Herbert en est convaincu : s’installer en élevage et en vaches laitières, c’est encore possible, même en hors cadre familial et lorsqu’on est Nima (non issu du monde agricole). D’ailleurs, parmi les lycéens présents, désireux de devenir éleveurs, beaucoup sont dans ce cas ! Même si, par rapport aux chiffres qu’on entend habituellement, davantage reprendraient la ferme parentale. Une bonne surprise pour Cyrille. Son ultime conseil, qui découle de tous les précédents : « réfléchir sur le long terme pour bâtir quelque chose de solide ». « On ne peut pas construire le projet d’une vie, un projet de famille que conjoint et enfants partagent, en deux mois !, s’exclame-t-il. La réflexion commence bien en amont de l’installation et se poursuit tout au long de la carrière. »