Un couple de loups au profil inédit attise les tensions dans le Limousin
AFP le 21/03/2025 à 14:45
Une « chance immense » ou une « menace » à « stopper » ? La présence d'un couple de loups, de souches génétiques différentes, sur le plateau de Millevaches ravive un débat enflammé entre défenseurs de la faune sauvage et éleveurs dans le Limousin.
C’est l’association de défense de la nature Carduelis, installée en Creuse, qui a révélé leur découverte il y a deux semaines dans un communiqué illustré de photos, datées du 27 juillet 2024.
La préfecture de Corrèze, qui partage le plateau avec la Creuse et la Haute-Vienne, a confirmé jeudi la présence des « deux individus de l’espèce loup, un mâle, d’une lignée germano-polonaise et une femelle d’une lignée italo-alpine », à l’issue d’une réunion de la cellule de veille.
Pour Carduelis, c’est une information essentielle, car « un individu, présent ou à venir, issu d’un croisement génétique entre deux lignées européennes différentes serait une première en France ». « C’est une chance immense car ça aurait pu ne jamais arriver. Ça permet un brassage génétique qui est favorable à toutes les espèces animales ou végétales », a déclaré mercredi à l’AFP l’une de ses représentantes, Carmen Munoz Pastor, lors d’une manifestation devant la préfecture qui s’est transformée en face-à-face tendu avec une cinquantaine d’éleveurs.
Mâle déjà blessé
Ce couple de loups doit dont être protégé, notamment face aux tirs de défense autorisés par les services de l’État, a plaidé la présidente de l’association de défense des animaux One Voice, Muriel Arnal.
« Le mâle a déjà été blessé, a-t-elle rapporté. Il y a énormément de haine de la part de certains éleveurs alors que les loups continuent à revenir en France naturellement. Nous sommes ici pour dire « Stop », parce qu’ils ne sont que deux dans cet immense plateau et il y a la place pour tout le monde, plus encore aujourd’hui que jamais ».
Reçue par la directrice de cabinet du préfet, Mme Arnal a défendu le recours aux « chiens de protection pour éviter d’avoir à utiliser des armes » et la nécessité de travailler « avec l’appui des personnes qui connaissent le terrain ».
Le lendemain, la préfecture a pourtant maintenu l’autorisation de tirs de défense simple pour 25 éleveurs, en soulignant que « la responsabilité du loup n’a pas été écartée » dans 25 des « 70 constats de dommages sur animaux domestiques » réalisés en 2024 par l’Office français de la biodiversité (OFB), « concernant au total 153 animaux tués ou blessés, dont un bovin ».
Insuffisant, pour la FDSEA et les Jeunes agriculteurs, qui ont boycotté la réunion de la cellule de veille, en dénonçant une « mascarade inutile ».
Affiches antiloups interdites
« Assez de réunions stériles ! Les mesures de protection ne fonctionnent pas et ne font qu’alourdir la charge des éleveurs. L’urgence est d’agir pour stopper la menace et protéger l’élevage corrézien ! », déclarent les syndicats dans un communiqué.
« On reste mobilisés et on dictera le ton », avait prévenu mercredi devant la préfecture Emmanuel Lissajoux, président de la FDSEA de la Corrèze. « Le loup, on n’en veut plus et je l’ai dit au préfet. Il faut penser à notre élevage et à notre activité. » L’été dernier, la Coordination rurale, à la tête de la chambre d’agriculture de Haute-Vienne, avait pour sa part offert une prime de 1 000 euros pour tout « loup mort » après une attaque de brebis au nord de Limoges, qu’elle avait imputée à l’animal.
La préfecture avait immédiatement saisi la justice en rappelant que « porter atteinte à la conservation d’espèces animales non domestiques » est puni de trois ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
En janvier, le tribunal de Limoges a condamné la Coordination rurale à retirer ses affiches, rappelant l’imagerie du far-west, avec une image de loup imprimée sous la mention « Wanted ».