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Qualité de l'air

Un projet pour réduire les pertes d’ammoniac


TNC le 23/10/2023 à 05:01
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Cedric Petton, éleveur à Plouarzel (Finistère), a accepté de recevoir dans sa ferme une station de mesure d'Air Breizh. (© Emmanuelle Bordon)

Une étude a été lancée sur les émissions d’ammoniac d’origine agricole. Avec une finalité : les réduire, pour une meilleure qualité de l'air et moins de gaspillages d'azote. Le pays d’Iroise (Finistère) a été choisi comme territoire pilote.

Améliorer la qualité de l’air et économiser l’azote. C’est la finalité du programme européen ABAA. Mené par la chambre d’agriculture de Bretagne et Air Breizh, association de surveillance de la qualité de l’air, ce projet a débuté en 2021, pour une durée de quatre ans.

L’objectif : promouvoir des pratiques agricoles moins émissives en ammoniac. Ce gaz est en effet un composant des particules fines qui, au-delà d’une certaine concentration dans l’atmosphère, augmentent les risques de maladies cardiaques et pulmonaires. « 95 % des émissions étant issues des élevages, nous travaillons prioritairement avec eux, explique Anne Guézangar, chargée d’études en agronomie à la chambre d’agriculture de Bretagne. « En outre, les exploitants ont intérêt à réduire leurs émissions, puisque c’est autant d’azote perdu », ajoute-t-elle. Et de préciser que sur ce projet, « il ne s’agit pas d’élaborer une méthode de diagnostic supplémentaire mais de proposer des actions concrètes ».

Avant tout, savoir d’où vient l’ammoniac

L’objectif du projet ABAA est d’identifier les pratiques les plus émettrices d’ammoniac et d’induire des changements. Il est aussi d’élaborer un outil d’aide à la décision à destination des agriculteurs.

Si ce travail a été initié en Bretagne, c’est parce qu’elle est la troisième région européenne en quantité d’ammoniac produit. « Mais il ne s’en tiendra pas là et a pour vocation de s’étendre au niveau national, puis européen », précise Anne Guézangar. Le site pilote se trouve dans le pays d’Iroise, à l’ouest de Brest (Finistère). 21 agriculteurs, dont 16 en production laitière, se sont portés volontaires pour participer au projet. Parmi eux, Cédric Petton.

Quelles pratiques, pour quelles émissions

Éleveur laitier, installé en Gaec, à Plouarzel, Cédric Petton produit un million de litres par an, avec une centaine de Prim’holsteins sur 120 hectares de SAU. Engagé dans le projet parce qu’il « préfère être précurseur », il a accepté qu’Air Breizh installe un des ses trois sites de mesures sur son exploitation.

Il a en outre, comme les autres exploitants engagés, accepté de déclarer ce qu’il fait, à quelle date et comment. Il communique donc, par exemple, les dates et heures d’épandage, les conditions (température, vent), le matériel utilisé. Les autres pratiques sont également recensées : raclage, brassage de la fosse à lisier, etc.

Les mesures de concentration en ammoniac, croisées avec les pratiques, permettent de déterminer quelles sont celles, parmi ces dernières, qui sont les plus émettrices.

De l’ammoniac produit à chaque étape

En élevage bovin, l’ammoniac vient, pour environ un tiers, du bâtiment, pour un autre tiers, des stockages d’effluents et, pour le dernier tiers, des épandages.

« En matière d’épandage, plus le lisier est déposé près du sol, plus on réduit les émissions », précise Olivier Le Bihan, responsable du service études chez Air Breizh. Il vaut donc mieux utiliser un système d’injection ou des pendillards, plutôt que des buses palettes.

Concernant la fosse à lisier, on préférera un modèle dans lequel le lisier arrive par le bas plutôt qu’en surface. Il est par ailleurs conseillé de la couvrir ou, à défaut, de laisser se former une croûte naturelle à la surface.

Quant au bâtiment, les mesures sont encore en cours pour identifier les pratiques les moins émettrices ; types de raclages, curage fréquent ou non, etc. « Pour le moment, nous savons qu’avoir des animaux au pâturage est plus favorable qu’en bâtiment », note Olivier Le Bihan.

« Et quoi qu’il en soit, il est important d’avoir une gestion cohérente tout au long de la chaîne, sinon ça ne sert à rien », souligne Anne Guézangar.

Un outil pour gérer ses épandages

Les résultats des observations nourrissent l’outil d’aide à la décision qui est issu du projet. Deux ans après le début du programme, celui-ci vient de voir le jour. Nommé AgrivisioN’air, il a été conçu pour prévoir, sur une séquence de trois jours, la quantité d’azote perdue par volatilisation de l’ammoniac au cours des épandages. Il utilise trois indicateurs : qualité de l’épandage, performance du matériel et impact de la météo. Grâce à cela, les agriculteurs peuvent adapter leurs pratiques pour réduire les pertes à court terme, notamment les dates d’intervention. Ils peuvent aussi mettre en œuvre des solutions plus pérennes, comme l’investissement dans du matériel peu émissif. AgrivisioN’air a été primé deux étoiles aux Innov’Space 2023.

Cédric Petton se sent concerné. « On doit réduire les émissions d’ammoniac, pour l’environnement et la santé », explique-t-il, même s’il confie qu’il n’a pas encore couvert sa fosse à lisier. Il a en revanche modifié ses techniques d’épandage en enfouissant le lisier directement dans le sol l’an dernier et dit observer une hausse du rendement en blé de 5 à 6 %. Même si une seule année ne suffit pas à tirer des conclusions définitives, il compte proposer une réflexion sur l’évolution du matériel de la Cuma dont il est président.