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« À horizon 2050, viser la stabilité et non plus la maximisation des rendements »


TNC le 18/03/2025 à 05:39
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(© BIB Bilder/adobe stock)

Que se passera-t-il d’ici 2050 si on ne change pas nos pratiques agricoles ? Et si on le fait ? C’est à ces questions qu’Axa Climate a répondu lors du dernier Salon de l’agriculture.

« À quoi s’attendre à horizon 2050 ? À ce qu’on a vécu lors des vingt dernières années en termes de rendement mais en pire… », introduit d’emblée Eva Rivière, cheffe du projet Agro-transition chez Axa Climate, lors d’une conférence de presse au Salon de l’agriculture 2025.

Alors que les courbes de rendements du blé tendre et du maïs étaient à la hausse jusqu’au début des années 2000, elles stagnent voire baissent depuis. Une forte volatilité est observée en raison d’années imprévisibles avec des aléas climatiques de plus en plus difficiles à anticiper.

Evolution des rendements de blé depuis 1961. (© Axa Climate)
Evolution des rendements de maïs depuis 1961. (© Axa Climate)

« On est qu’au début de l’histoire, cela ne va pas s’améliorer… », poursuit-elle. La trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique table en effet sur + 2,7°C en France à horizon 2050 par rapport à l’ère préindustrielle.

Axa Climate s’est intéressé au bilan hydrique simplifié de mai à septembre en comparant la moyenne 1985-2014 à une projection 2050 . (© Axa Climate)

Alors que le risque de stress hydrique était très concentré sur le sud-est de la France, il va désormais concerner une large moitié sud et toucher aussi le nord du pays. De même, le risque d’avoir des jours avec des températures supérieures à 35°C de juin à septembre était quasi inexistant sur la période 1985-2014 alors qu’il va devenir plus significatif sur certaines régions du sud-est et du sud-ouest en 2050.

Le nombre de jours avec des températures supérieures à 35°C de juin à septembre était quasi inexistant sur la période 1985-2014. (© Axa Climate)

Pour la pluviométrie, la variabilité interannuelle des pluies sera plus forte. Les hivers pourront être plus doux et plus pluvieux alors que les étés seront plus secs. À noter que l’évolution des précipitations sera différente selon les territoires de France.

Une volatilité accrue pour les rendements et la qualité

Toutes ces évolutions impacteront fortement les cultures. « On va assister à un raccourcissement du cycle de développement physiologique des cultures, avec un impact sur les rendements et la qualité. La volatilité sera forte sur ces deux éléments », explique Eva Rivière. « Le stress hydrique va augmenter pour les cultures de printemps, et notamment le maïs alors que les cultures d’hiver comme le blé, seront confrontées à des excès d’eau. La réalisation des semis et des récoltes va se complexifier, comme on a déjà pu le voir ces dernières années, complète-t-elle. À noter aussi que le risque maladies et ravageurs va croître, mais il reste encore difficile à quantifier. » Ces impacts sur les cultures auront irrémédiablement un coût économique.

Une adaptation systémique

Face à ces perspectives, l’agriculteur doit s’adapter. « Et l’adaptation ne peut pas être partielle. Agir uniquement sur la variété par exemple ou l’irrigation ne sera pas suffisant, il faut penser en termes de système global et donc s’engager dans une adaptation systémique », prône Vincent Marchal, directeur Agri-transition chez Axa Climate. Cela passe par une diversification des cultures et le développement des pratiques plus favorables à la qualité des sols.

Axa Climate s’est penché sur plusieurs scenarios pour le blé et le maïs, en testant différentes pratiques (agriculture conventionnelle, labour réduit, couverture du sol… ), en agissant sur les intrants (réduction, amendements organiques privilégiés) et sur les rotations culturales (ajout de tournesols, soja…).

« Si on ne tient compte que du rendement global, oui le système conventionnel reste supérieur », admet Ali Nasrallah, expert en modélisation des sols et de la biodiversité. « Mais le système durable qui intègre de nouvelles têtes de rotation, des couverts, qui limite le travail du sol et privilégie les amendements organiques permet plus de stabilité dans les rendements mais également une meilleure efficience de l’eau, de l’azote tout en stockant davantage de carbone. »

Vincent Marchal, Ali Nasrallah, Gilles Cornec et Eva Rivière d’Axa Climate lors de la conférence sur l’agriculture en 2050 au Sia 2025. (© Terre-net Média)

Rechercher l’efficience

« Il ne s’agit plus d’aller chercher le rendement absolu, le dernier quintal comme avant mais d’être plus résilient en cas de mauvaise année climatique. On parle d’efficience dans les pratiques et dans le système de production. » Cette efficience ne concerne pas uniquement l’utilisation des intrants ou de l’eau, elle doit inclure la rentabilité du système.

Rendements moindres, utilisation de couverts plus coûteux, cultures plus complexes comme le pois avec un risque de non-récolte en cas d’excès d’eau comme en 2024… sont autant d’exemples de coûts supplémentaires à supporter par l’agriculteur. C’est pourquoi Axa Climate travaille avec les coopératives ou les acteurs de l’agroalimentaire pour proposer une « assurance de la transition » qui garantisse aux agriculteurs qui acceptent de changer leurs pratiques qu’ils ne seront pas pénalisés économiquement.

« Les risques ne sont pas les mêmes selon les régions, l’adaptation doit se faire territoire par territoire et pratique par pratique », ajoute Vincent Marchal. L’assurance de la transition est ainsi travaillée pour répondre au contexte du territoire, aux conditions pédoclimatiques et aux pratiques mises en place. Elle apporte une garantie de résultats aux agriculteurs pendant leur phase de transition.