« L’agrivoltaïsme doit protéger les productions agricoles, pas les concurrencer»
TNC le 15/11/2023 à 18:06
À l’heure des convoitises sur les terres agricoles par certains énergéticiens, l’agroclimatologue Serge Zaka alerte : « l’agrivoltaïsme n’est ni une solution miracle, ni une solution pour tout le monde ». Selon lui, le décret attendu pour l’encadrer doit faire de la protection des cultures ou des animaux l’objectif principal des projets en agrivoltaïsme.
Depuis plusieurs mois, l’agrivoltaïsme tel que défini par la loi relative à l’accélération des énergies renouvelables du 10 mars 2023 suscite des convoitises. Certains énergéticiens n’hésitent pas à démarcher des agriculteurs pour leur proposer d’installer des panneaux sur 10, 20, 30 ha, voire plus, alors que la plupart des projets déjà en activité ne sont que des expérimentations sur une poignée d’hectares.
La loi, elle, impose qu’un projet s’inscrivant de l’agrivoltaïsme apporte à la parcelle au moins l’un des quatre services suivants : l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques, l’adaptation au changement climatique, la protection contre les aléas, l’amélioration du bien-être animal.
Invité à échanger sur le sujet lors du dernier Space, à Rennes en septembre dernier, l’agroclimatologue Serge Zaka estime que les agriculteurs ne doivent effectivement pas céder au seul appât du gain – le loyer à l’hectare proposé par les énergéticiens étant sans commune mesure avec le bénéfice agricole généré à l’hectare – et les invite à ne pas se détourner du principal argument qui doit primer : la protection des cultures ou des animaux contre les effets du changement climatique.
Selon lui, des panneaux photovoltaïques sur des parcelles agricoles peuvent être utiles dans le cas de quatre types d’aléas climatiques. « En cas de gel, avec un couvert de panneaux, on évite une perte en chaleur due au rayonnement. En créant de l’ombre sous des panneaux, on évite l’échauffement du sol et des végétaux et on permet à des animaux d’avoir moins chaud. On peut ainsi abaisser la température de 2 ou 3 degrés, voire jusqu’à 6 degrés par rapport à un sol ensoleillé. En faisant baisser cette température en cas de sécheresse, on évite l’insolation et on limite ainsi l’évaporation et donc la transpiration des végétaux. Le stress thermique des animaux ou des cultures est donc moindre. Tous ces avantages se rajoutent à celui de protéger les cultures ou les animaux en cas de grêle. »
Et l’agroclimatologue d’insister sur la nécessité de ne pas impacter la production agricole. « Le cadre législatif et administratif qui doit encadrer l’agrivoltaïsme doit le restreindre à sa vocation de protection des productions en place contre les aléas climatiques plutôt que le placer en substitution de la production agricole par de la production d’énergie. »
Seul, l’agrivoltaïsme n’est pas une solution
Serge Zaka estime par ailleurs que l’agrivoltaïsme seul n’est pas une solution. « Si on met des panneaux photovoltaïques sur des surfaces sans même changer la nature des productions qu’il y a en dessous, ces productions souffriront quand même du réchauffement climatique. L’agrivoltaïsme doit être couplé à d’autres solutions, comme l’amélioration de la génétique animale ou le choix d’espèces plus adaptées. »
Ce n’est d’ailleurs ni une solution toute seule, ni une solution pour tout le monde. « Il y a des zones inondables sur lesquelles on ne peut pas installer de panneaux. Il y a des zones en productions animales AOC pour lesquels ce n’est pas possible. » Les zones touristiques aussi ne voudront pas de panneaux. Et, « ce n’est pas inutile de le rappeler : des panneaux photovoltaïques, c’est deux fois moins pertinent au nord qu’au sud. »