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Alternatives aux phytosanitaires

« Le biocontrôle figure en tête de liste », selon l’Inra


TNC le 06/09/2018 à 18:00
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Face aux attentes sociétales et politiques de réduction de l’usage des produits phytosanitaires, le biocontrôle apparaît comme une alternative non négligeable, utilisée seule ou dans le cadre d'une stratégie globale. Depuis plusieurs décennies, l’Inra mène des travaux sur les interactions entre les plantes et les ravageurs et dresse, aujourd'hui, un bilan de ses avancées en matière de biocontrôle.

La réduction de l’utilisation des produits phytosanitaires en agriculture est une attente forte de la société et des politiques. Parmi les alternatives possibles, « le biocontrôle figure en tête de liste » avec les odeurs (ou médiateurs chimiques), les micro et macro-organismes ainsi que les substances naturelles selon l’Inra. L’organisme travaille sur ses méthodes depuis plusieurs décennies.

Il existe différents types d’odeurs : celles émises par les plantes, qui « permettent aux insectes ravageurs de les repérer dans le paysage et de les coloniser », précise l’Inra dans son dossier de presse consacré au biocontrôle, et celles émises par les insectes, notamment par les femelles pour attirer les mâles en période de reproduction. On appelle phéromones, celles qui concernent les échanges entre individus d’espèces différentes et plus précisément les kairomones lorsque ces substances profitent à celui qui reçoit le message. L’Inra met au point des stratégies de biocontrôle qui impliquent l’utilisation des phéromones et kairomones pour « lutter contre ces insectes, en agissant sur leurs comportements ou pour perturber leur cycle de reproduction ».

Le processus de recherche reste aujourd’hui « long, coûteux et délicat » entre l’élevage des insectes, l’analyse de leur comportement et ensuite les tests de toutes les molécules susceptibles de provoquer une réaction. Toutefois, cela porte ses fruits comme pour la féverole, qui subit les attaques de la bruche Bruchus rafimanus. Cette dernière peut détruire « jusqu’à 50 % de la production », poussant certains agriculteurs à renoncer à la culture.

Des chercheurs ont identifié deux « composés attractifs produits par la plante » : un qui attire les femelles déjà fécondées et un autre produit par la fleur, qui « indique à l’insecte qui hiverne hors de la parcelle, où trouver de nouvelles féveroles ». Des pièges expérimentaux utilisant ces attractifs se sont révélés efficaces pour capturer les insectes avant qu’ils n’attaquent les plantes. La start-up AgriOdor est d’ailleurs en cours de création afin de « développer de nouvelles solutions de biocontrôle à base d’attractifs ou de répulsifs produits par les plantes ».

Ce sont les macro-organismes (insectes, nématodes, acariens… ) dont l’efficacité se révèle parfois comparable à celle des produits phytosanitaires » selon l’Inra. Ces auxiliaires peuvent être utilisés de trois manières différentes. Tout d’abord, la lutte par acclimatation, qui consiste à « introduire un auxiliaire exotique de façon durable, afin de lutter contre un ravageur souvent originaire de la même région », comme la drosophile Drosophila suzukii depuis 10 ans en France et qui s’attaque aux fruits en cours de maturation. Ces bioagresseurs récemment introduits peuvent causer de nombreux dégâts. Ils se retrouvent dans des zones avec des ressources importantes et peu voire aucun prédateur qui ne peut limiter leur développement. Les chercheurs tentent donc d’identifier des auxiliaires potentiels dans les milieux d’origine des bioagresseurs pour les introduire dans le milieu. Ils « s’assurent aussi que ces nouveaux venus ne représentent aucun danger pour les espèces indigènes non-cibles ». Cela est particulièrement important, l’objectif étant d’installer ces auxiliaires « durablement dans notre paysage pour qu’ils fournissent aux agriculteurs un service pérenne et gratuit ».

Autre type de lutte possible : la lutte par augmentation. Dans ce cas, « des auxiliaires sont relâchés dans les cultures dans le but de contrôler les bioagresseurs pendant une période donnée », comme les trichogrammes. Ces micro-guêpes sont de redoutables parasitoïdes oophages, « leurs larves se développent à l’intérieur des œufs d’autres insectes qui en meurent rapidement ». La chenille de la pyrale Ostrinia nubilalis entraîne de lourds dégâts sur les cultures de maïs. L’Inra a identifié au milieu des années 1970 un trichogramme, Trichogramma brassicae « capable de localiser, parasiter et finalement tuer les œufs de pyrale ». Plus d’une dizaine d’années de travaux ont ensuite été nécessaires en lien avec la start-up Biotop (aujourd’hui Bioline AgroSciences) afin de mettre au point une solution efficace et économiquement compétitive. Ces trichogrammes peuvent être disposés manuellement dans les parcelles ou largués par drone ou hélicoptère.

Et enfin la lutte biologique par conservation, très utilisée dans les vergers. L’objectif : « favoriser le développement et le maintien des ennemis naturels des ravageurs » par l’aménagement du paysage ou bien la modification des pratiques culturales. Comme tous les êtres vivants, les auxiliaires recherchent avant tout « le gîte, le couvert, un environnement sain, le tout aisément accessible ». Ainsi plusieurs unités de recherche de l’Inra étudient les milieux de vie des ravageurs et de leurs ennemis naturels.

De nombreux micro-organismes tels que virus, bactéries ou champignons, se révèlent « très utiles pour protéger les plantes des maladies et d’autres agresseurs ». Leur atout selon l’Inra : « un champ d’action très spécifique, qui permet de mener des actions ciblées sur un bioagresseur, sans altérer la diversité et la dynamique du reste de la population ». Plus de vingt micro-organismes sont aujourd’hui utilisés en tant que biocontrôle.

L’Inra obtient notamment des résultats très encourageants par exemple dans la lutte contre le mildiou, maladie importante pour la pomme de terre. Depuis plusieurs années, les chercheurs étudient la biologie des oomycètes responsables du mildiou et tentent d’identifier des micro-organismes capables d’interrompre le développement de ces derniers. Plusieurs paramètres restent cependant à vérifier et nécessitent du temps.

D’origines animale, végétale ou minérale, les substances naturelles devraient également se développer dans les années à venir en tant que moyen de biocontrôle. Des chercheurs de l’Inra ont, par exemple, identifié des molécules (acides dicaféoylquiniques) dans la patate douce pour lutter contre les pucerons, véritable fléau pour les agriculteurs. En plus de dévorer les jeunes feuilles des cultures, ces ravageurs véhiculent également un « grand nombre de virus phytopathogènes » et sont très résistants aux produits phytosanitaires. Deux brevets ont été déposés par l’Inra suite à cette découverte : « le premier sur la production de ces molécules à partir des racines de la patate douce, le second sur ses propriétés aphicides (anti pucerons) et fongicides ».

Cette démarche s’inscrit dans le cadre du projet DiCaBio, qui associe « des partenaires académiques et industriels et vise à développer des solutions de biocontrôle basées sur les acides dicaféoylquiniques ». Prochaines étapes, « étudier la capacité d’adaptation des pucerons à ces molécules en condition de culture et en mesurer l’impact sur l’environnement, notamment sur les abeilles. Pour l’homme, ces molécules ne présentent pas de danger. Elles sont au contraire réputées pour leurs propriétés antioxydantes », selon l’Inra.